Université de Franche-Comté

Photosynthèse : une réaction moléculaire en cascade

À l’usage exclusif des végétaux, la photosynthèse reste mystérieuse par bien des aspects. Deux études, l’une réalisée au département MN2S de l’Institut FEMTO-ST, l’autre au laboratoire de physiologie végétale de l’université de Neuchâtel, lèvent chacune un coin du voile sur les processus à l’œuvre.

La première porte sur la réplication artificielle d’un mécanisme moléculaire (article ci-dessous), la seconde se concentre sur le fonctionnement du système naturel, à l’échelle de la cellule (voir ici). Menées indépendamment l’une de l’autre, ces deux études n’en sont pas moins complémentaires, et ont récemment livré leurs conclusions dans des publications scientifiques de haut vol.

 

Que le soleil soit radieux ou le ciel couvert, de jour en jour les plantes se développent et l’arbre poursuit sa croissance. Comment réussissent-ils au fil du temps à s’affranchir des variations de la lumière, pourtant au cœur du processus de la photosynthèse ? Les végétaux ont la faculté de transformer l’énergie solaire en énergie chimique, grâce à l’eau qu’ils puisent dans le sol par les racines et au gaz carbonique de l’air qu’ils absorbent ; cette réaction leur fournit les glucides dont ils ont besoin pour fabriquer leur propre matière organique, en même temps qu’elle libère de l’oxygène.

Si le mécanisme général de la photosynthèse est connu, certains de ses rouages ne sont toujours pas décryptés, les aspects moléculaires notamment, qui représentent un terrain d’investigation en parfaite adéquation avec les travaux menés par Frédéric Chérioux, directeur de recherche CNRS à l’Institut FEMTO-ST. Le chimiste livre aujourd’hui les conclusions d’une étude innovante sur le sujet.

« Pour comprendre ce qui se joue à l’échelle de la molécule lors de la photosynthèse, nous avons mis au point une expérience reproduisant un transfert d’énergie, dont le schéma est inversé par rapport à celui qui prévaut naturellement. Ce processus en miroir met en évidence les mêmes propriétés, dans des conditions de laboratoire. » Il s’agit ici d’envoyer des électrons dans des molécules, et de regarder comment celles-ci transforment cette énergie reçue en énergie lumineuse, ou photons.

Schéma de l’expérience où la pointe d’un microscope à effet tunnel (en gris) est utilisée pour exciter un assemblage de trois pigments proches de ceux impliqués dans la photosynthèse des végétaux. L’excitation générée dans le pigment bleu est transférée, séquentiellement, jusqu’au pigment rouge où l’énergie est transformée en photon (en haut). Image de fluorescence hyper-résolue des trois pigments (en bas). Crédit : Guillaume Schull, IPCMS

L’expérience requiert des compétences et des techniques d’instrumentation très pointues, et obéit aux règles de la physique quantique. Les molécules impliquées sont des chromophores, des pigments de couleur constitués de carbone, d’azote et d’hydrogène, auxquels sont ajoutés du zinc ou du palladium pour être au plus près du système moléculaire constitutif des feuilles d’une plante. Trois molécules sont déposées par évaporation sur une surface placée sous ultravide, à une pression et une température extrêmement faibles (10 – 11 millibars ; 4 K), pour éviter tout mouvement délétère.

Elles sont ensuite déplacées et positionnées une à une grâce à un microscope à effet tunnel, par ailleurs capable de détecter des photons isolés, un équipement quasi unique au monde mis au point par Guillaume Schull et son équipe à l’Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS), partenaire de ce projet financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Les chercheurs ont observé que le transfert d’énergie entre les molécules s’opère en cascade : le premier chromophore absorbe l’excitation, qui transite par l’intermédiaire du second avant d’être transformée en photon par le troisième pigment. La longueur d’onde générée dépend directement de l’arrangement moléculaire choisi.

Si on inverse le mécanisme pour se replacer dans le cadre de la photosynthèse, cela signifie qu’en fonction de la nature et de la position des pigments qui les constituent, les plantes sont capables d’utiliser différentes longueurs d’onde et de capter les photons disponibles, et ainsi d’assurer la transformation du CO2 en sucres quelles que soient les conditions de luminosité du jour.

Au-delà du décryptage de ce mécanisme propre à la photosynthèse, l’expérience permettra de mettre au point des systèmes moléculaires modèles, pour lesquels l’effet de l’émission d’électrons ou la production de photons pourront être observés et mesurés. Ces résultats de recherche sont une première mondiale et ont fait l’objet d’une publication scientifique dans la revue de référence Nature Chemistry en août dernier.

Contact(s) :
Département MN2S
Institut FEMTO-ST - UFC / ENSMM / UTBM / CNRS
Frédéric Chérioux
Tél. +33 (0)3 63 08 24 25
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