En 1901, Behring remportait un prix Nobel de médecine pour son travail sur la thérapie par le sérum, obtenu après coagulation du sang, notamment pour lutter contre la diphtérie. Aujourd’hui, c’est à partir du plasma sanguin que les scientifiques cherchent à soigner les malades atteints de la COVID-19. Le principe reste le même : transférer à des patients des anticorps produits par des organismes atteints par la maladie et guéris, pour qu’ils puissent à leur tour se défendre contre le virus. Immunologiste, le Pr Pierre Tiberghien mène ses recherches au laboratoire RIGHT et enseigne sa discipline à l’université de Franche-Comté. Il est l’initiateur et l’investigateur pour l’Établissement français du sang de l’essai clinique CORIPLASM, aux côtés du Pr Karine Lacombe, cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Antoine – AP-HP, qui en est l’investigatrice principale. L’étude CORIPLASM vise à tester l’innocuité et l’efficacité du « plasma convalescent ».
« Le plasma est la partie liquide du sang assurant la communication au sein du système vasculaire ; il est riche en protéines, notamment en immunoglobulines, c’est-à-dire des anticorps. Nous avons pu à la fois vérifier que le plasma des patients guéris comporte des anticorps spécifiquement dirigés contre le SARS-CoV-2, et que la richesse de ces anticorps présente des disparités en fonction des donneurs », explique Pierre Tiberghien.
Le plasma est prélevé sur des patients exempts de symptômes depuis au moins 15 jours, par aphérèse : lors du prélèvement sanguin, un séparateur isole le plasma des autres constituants du sang, qui sont réinjectés au donneur. 2 000 aphérèses ont été réalisées entre début avril et début juin, permettant la mise à disposition de quelque 4 000 poches de plasma. 4 poches sont nécessaires pour soigner un patient.
« La thérapie concerne en premier lieu les patients pour lesquels le risque de développer de sévères complications pathologiques est élevé », précise le professeur. L’inclusion des patients dans la cohorte CORIPLASM est aujourd’hui ralentie du fait de la décroissance spectaculaire du nombre de malades de la COVID-19 en France. Parallèlement à l’essai clinique, l’ANSM1 a autorisé la mise en place d’un protocole d’utilisation thérapeutique (PUT), prévoyant la possibilité de recourir au plasma convalescent au cas par cas. Outre les aspects de soin eux-mêmes, ce protocole permet de compléter l’essai clinique en cours, dans le but d’établir la preuve d’intérêt de la thérapie dans les différentes formes de la maladie. « Les résultats sont encourageants chez certains patients. Des premiers résultats d’essais menés par exemple en Italie et en Chine vont également dans ce sens. Cependant nous ne disposons actuellement pas du recul nécessaire ni d’un nombre suffisant de patients pour pouvoir tirer des conclusions formelles. »
Pour pallier cet inconvénient statistique, les établissements de transfusion de l’Union européenne, membres de l’European Blood Alliance (EBA), que préside Pierre Tiberghien, ont décidé de mettre en commun et de comparer les résultats de leurs recherches pour réaliser ensemble une évaluation de l’intérêt du plasma convalescent. Le consortium produira également des recommandations sur les pratiques à mettre en oeuvre en termes de prélèvement, préparation et transfusion de ces plasmas issus de donneurs convalescents, pour se préparer le mieux possible à l’éventualité d’une nouvelle vague épidémique COVID-19 et / ou à l’émergence d’un nouvel agent infectieux.