Université de Franche-Comté

Oscillateur micro-onde cryogénique : une stabilité extrême menés dans ce domaine

Imaginez un instrument permettant de mesurer la distance Terre – Lune avec une résolution de 3 micromètres, soit environ le quart de l'épaisseur d'un cheveu. Imaginez une horloge dont la marche (le temps qui s'écoule entre le tic et le tac) ne varierait pas de plus d'une seconde en 3 000 siècles… Observer les  effets très fins prévus par les théories de la relativité et de la gravitation, réduire de façon importante les incertitudes en métrologie fondamentale et appliquée ou encore améliorer considérablement les dispositifs de positionnement et d'aide à la navigation : de telles prouesses sont aujourd'hui envisageables, à condition de disposer d'un signal électronique de très grande stabilité de fréquence.

•  Le LPMO — laboratoire de Physique et métrologie des oscillateurs — (laboratoire CNRS associé à l'université de Franche-Comté) vient de mettre au point, avec le soutien du CNES — Centre national d'études spatiales — et du BNM — Bureau national de la métrologie —, un oscillateur générant un signal micro-onde (12 GHz) dont la stabilité relative de fréquence est meilleure que 2.10-14 à court terme (de 1 à 100 s)*. Comparativement, les MASER à hydrogène (oscillateurs atomiques) ont une stabilité à court terme de 10-13. Au c¶ur du mécanisme se trouve un résonateur. Le résonateur est pour l'oscillateur électronique l'équivalent du balancier pour l'horloge comtoise : c'est lui qui détermine la marche de l'horloge. Un bon balancier placé sous vide est capable de conserver son mouvement d'aller-retour sur une centaine de cycles. On dit alors que le coefficient de mérite du résonateur Q est égal à 100. À chaque cycle, ce système mécanique dissipe un peu d'énergie et finit donc par s'arrêter. Il est alors nécessaire d'entretenir son mouvement en lui apportant un surplus d'énergie par l'action d'un dispositif mécanique complexe. Cet apport d'énergie, nécessaire à la conservation du mouvement, le perturbe cependant et entraîne des instabilités à court terme (fluctuations rapides sur des durées inférieures à 1 s). Plus le coefficient de mérite sera élevé, meilleure sera la stabilité à court terme de l'horloge. Le c¶ur de l'oscillateur développé au LPMO est constitué d'un résonateur diélectrique, qui se présente sous la forme d'un cylindre de 50 mm de diamètre et de 20 mm de hauteur, taillé dans un monocristal d'alumine (Al2O3 ou corindon) de très grande pureté. Il est par ailleurs refroidi à la température de l'hélium liquide (4 K ou – 269 °C). Les ondes électromagnétiques se réfléchissent sur l'interface courbe interne de ce cylindre et sont ainsi confinées à l'intérieur du matériau qui présente de très faibles pertes. Mis en résonance, ce dispositif effectuera 1 milliard d'oscillations avant de dissiper l'énergie qu'il a accumulée (coefficient de mérite proche de 1 milliard).

•  Sur le long terme, la stabilité de l'horloge comtoise est limitée par la sensibilité du résonateur aux fluctuations des conditions ambiantes et en particulier de la température. Par exemple, lorsque la température s'élève, le pendule s'allonge sous l'effet de la dilatation thermique, entraînant une augmentation de la période des oscillations. Même pour un dispositif régulé en température, les variations thermiques résiduelles vont donc engendrer une instabilité de fréquence à long terme. Pour le corindon, c'est la permittivité, donc la vitesse des ondes électromagnétiques, qui est sensible à toute variation de température. À la température de l'azote liquide la fréquence de résonance varie de 10 ppm par degré, ce qui rend impossible l'obtention d'une bonne stabilité de fréquence. Cependant, aux environs de la température de l'hélium liquide, les impuretés paramagnétiques présentes à l'état de trace dans le monocristal ont un effet inverse sur le comportement thermique du résonateur. À 6 K (- 267 °C), les deux effets se compensent parfaitement et la fréquence devient insensible aux variations de température.

•  Le résonateur cryogénique est plongé dans un large dewar (réservoir isolé, de type thermos) contenant 100 litres d'hélium liquide. L'amplificateur est placé à l'extérieur de ce dewar à la température ambiante. Deux longs câbles coaxiaux relient ces deux éléments pour constituer l'oscillateur. Des systèmes électroniques sophistiqués viennent compléter le dispositif pour assurer la régulation thermique à 6 K, corriger les fluctuations de phase le long des câbles de liaisons et stabiliser la puissance de signal injecté dans le résonateur.

•  Caractériser la stabilité de fréquence de cet oscillateur n'est pas chose aisée. En effet, les performances atteintes (2.10-14 sur le court terme) dépassent d'un facteur 10 les performances des meilleures références de fréquence actuellement disponibles. L'unique voie pour réaliser cette mesure est alors de construire deux oscillateurs  identiques Ÿ et de les comparer l'un par rapport à l'autre.

•  Cette source de référence servira prochainement à la caractérisation des oscillateurs et de systèmes de génération de signaux qui seront utilisés dans les futurs programmes spatiaux (PHARAO, DORIS 2, GALILEO…). Une version améliorée est en cours de construction pour réaliser une expérience de type Michelson et Morley visant à vérifier l'invariance de la vitesse de la lumière avec une résolution jusqu'alors inégalée.   Pierre-Yves Bourgeois – Yann Kersalé – Vincent Giordano Laboratoire de Physique et métrologie des oscillateurs (CNRS UPR 3203 – université de Franche Comté) Tél. 03 81 85 39 85 / 39 49 / 39 73 pybourgeois@lpmo.edu  kersale@lpmo.edu  giordano@lpmo.edu   

 

Pierre-Yves Bourgeois – Yann Kersalé – Vincent GiordanoLaboratoire de Physique et métrologie des oscillateurs (CNRS UPR 3203 – université de Franche Comté) Tél. 03 81 85 39 85 / 39 49 / 39 73 pybourgeois@lpmo.edukersale@lpmo.edugiordano@lpmo.edu

 

 

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