Issu des technologies silicium, le micromoteur électrostatique promet une petite révolution dans le monde horloger. Opposant le tout électronique au traditionnel moteur pas à pas, il a été conçu à Besançon pour investir les boîtes des montres hybrides connectées, un marché d’avenir qui n’en est encore qu’à ses balbutiements.
« Hybride », ce qualificatif est le fil conducteur de l’ensemble du projet Next Watch : hybride, la montre connectée qui en est l’objet ; hybrides, les composants MEMS qui vont faire tourner ses aiguilles ; hybride encore, la collaboration, d’abord parce qu’elle combine recherche et industrialisation, ensuite parce qu’elle donne naissance à une entreprise à partir de deux sociétés aux atouts complémentaires.
Next Watch est un projet de spécialisation intelligente RIS3, qui veut singulariser une région dans un domaine de compétences particulier, à partir de savoir-faire apportés à la fois par la recherche et l’industrie.
Piloté par l’entreprise SilMach en collaboration avec l’Institut FEMTO-ST, Next Watch répond d’autant mieux à ces critères qu’il concerne un secteur historique du territoire comtois, l’horlogerie. Avec pour ambition de se lancer sur le marché de la montre connectée, et plus précisément la montre hybride connectée : celle-ci garde un design horloger traditionnel avec son cadran à aiguilles, tout en renseignant en temps réel sur le rythme cardiaque, la qualité de sommeil et autres indicateurs de santé de celui qui la porte. Plus grand-chose d’horloger à l’intérieur du boîtier de cette montre nouvelle génération, si ce n’est le moteur pour faire avancer les aiguilles. C’est là que se logera la technologie mise au point par SilMach : un moteur électrostatique à base de silicium, ultracompact.
« Après la montre mécanique et la montre à quartz, la montre connectée ouvre l’horlogerie à l’ère de la microélectronique », constate Pierre-François Louvigné, directeur des ventes chez SilMach. C’est un aboutissement majeur de recherches initiées voilà près de 25 ans par Patrice Minotti, chercheur CNRS, fondateur de la société en 2003, et dont les liens avec ses anciens collègues à l’Institut FEMTO-ST sont constants.
Pour mieux faire cohabiter les composants électroniques high tech et l’entraînement classique des aiguilles, le moteur électrostatique prend la place du traditionnel moteur pas à pas, ou moteur Lavet, qui équipe depuis toujours les montres à quartz et aujourd’hui les montres connectées. « Avec un encombrement divisé par deux, le moteur électrostatique peut être intégré sur la carte électronique au même titre que les autres composants. »
La prouesse s’explique par le nombre limité de pièces dans le système, qui s’affranchit de la chaîne cinématique des moteurs pas à pas. Un actionneur silicium en trois parties constituées de peignes interdigités fournit l’énergie électrostatique nécessaire pour entraîner un rotor, également en silicium, sur lequel est fixé l’axe horloger supportant l’aiguille.
« L’actionneur et le rotor sont intégrés à un boîtier plastique pour faciliter la manipulation du micromoteur et son assemblage dans la montre. Cela suppose différentes étapes d’hybridation, donnant naissance à un composant miniature de la famille des MEMS, dont les composants silicium s’associent à la micromécanique traditionnelle », explique Jean-Baptiste Carnet, responsable du projet chez SilMach.
Un MEMS hybride donc, pour lequel les compétences de Patrice Le Moal et Gilles Bourbon, chercheurs au département Mécanique appliquée de l’Institut FEMTO-ST, sont mises à contribution. Les moyens de la centrale de technologie MIMENTO, dont Jean-Claude Jeannot est le responsable technique, sont par ailleurs convoqués. « Les installations de MIMENTO et les compétences de ses ingénieurs et techniciens donnent la possibilité aux industriels d’effectuer des recherches, de réaliser des prototypes voire de lancer des miniséries tests.
Next Watch a permis d’acquérir des équipements pour mieux répondre aux besoins de SilMach, notamment pour fabriquer l’actionneur et le rotor sur des wafers silicium 6”, dont la dimension correspond aux standards industriels ; cela aidera à opérer le transfert de technologie vers l’entreprise. »
Si la production à grande échelle des wafers silicium sera assurée par une entreprise européenne spécialisée, il est prévu que l’assemblage des composants s’effectue sur le sol comtois. Avec à la clé la création de plusieurs dizaines d’emplois industriels. Une coentreprise, baptisée TiMach pour souligner sa naissance de l’association entre SilMach et le groupe horloger américain Timex, donnera la capacité nécessaire pour atteindre un objectif de production estimé à plusieurs dizaines de millions de moteurs par an. Fralsen, filiale bisontine de Timex, qui par ailleurs fournit les boîtiers plastiques dans lesquels sont intégrés les composants, devrait prêter ses locaux à la future chaîne d’assemblage.
Next Watch, inscrit au programme de spécialisation intelligente RIS3 pour une durée de 4 ans (2018-2022), est soutenu par l’Europe par le biais du FEDER, la région Bourgogne – Franche-Comté et BPIFrance ; le budget global du projet est de 8,5 millions d’euros.