Université de Franche-Comté

ModeLTER — Modélisation des paysages et des territoires dans la longue durée


Qu'est-ce qui explique l'implantation d'une ferme, d'un village, d'une agglomération, là plutôt qu'ailleurs ? Quelles ont été les logiques d'exploitation d'un territoire à travers les âges ? Pourquoi des aménagements anciens perdurent dans notre paysage actuel tandis que d'autres ont totalement disparu ? Ces questions sont au c¶ur des recherches des archéologues et des géographes qui s'intéressent à l'espace et à son aménagement. Sur une même zone d'étude, la répartition des vestiges collectés par les archéologues et les données géographiques sont croisées pour comprendre ce que l'on appelle les dynamiques territoriales. Les paysages et les liens que les hommes entretiennent avec eux, sont ainsi modélisés de l'âge du bronze à nos jours, en utilisant notamment des systèmes d'information géographique (SIG). Depuis les années 90, les laboratoires de chrono- écologie et ThéMA de l'université de Franche-Comté ont engagé ce type de recherches au sein du programme européen Archæomedes* qui leur a également permis de prendre contact avec une équipe de recherche slovène travaillant sur le peuplement d'une île adriatique en Croatie. Depuis 2003, ces contacts se sont mués en véritable collaboration dans le cadre d'un séjour post-doctoral et de plusieurs programmes dont l'aboutissement s'exprime aujourd'hui par la création d'un laboratoire européen associé du CNRS (LEA), baptisé ModeLTER**.
• Cet outil du CNRS est conçu pour favoriser les coopérations internationales. Laboratoire sans murs et sans existence juridique, il permet de mettre en commun des ressources humaines et matérielles pour réaliser un programme scientifique défini conjointement.
• Par la conception de modèles, l'objectif de ce LEA est de faire et de voir émerger des schémas explicatifs des changements observés dans le système territorial. Plus spécifiquement, l'originalité de ModeLTER tient dans l'association de savoir-faire complémentaires. D'un côté, les équipes françaises sont reconnues pour leur capacité d'analyse et de modélisation des peuplements dans le long terme, d'analyse des paysages et paléopaysages, ainsi que de développement d'outils informatiques conviviaux et robustes permettant d'exploiter et d'exporter les modèles construits.

De l'autre, l'équipe slovène est spécialisée dans la télédétection optique et radar, ce qui inclut des applications en sciences humaines et naturelles (géodésie, archéologie, biologie, écologie et géographie). L'intégration de ces approches permet, d'une part de produire de l'information géographique inédite, d'autre part de construire des modèles capables de faire émerger des tendances lourdes et/ou des événements accidentels dans l'histoire des paysages.
• À titre d'exemple, des recherches sur la paléotopographie sont actuellement menées par l'équipe en utilisant la technologie LIDAR***. Cette technologie donne accès à des modèles numériques de surface (au-dessus de la canopée) mais aussi de terrain (au niveau du sol). Le travail des chercheurs contribuera à produire des données géographiques sur les paléodépressions et paléoméandres qui intéressent les paléoenvironnementalistes et les aménageurs, notamment pour la prévention des risques d'inondation. Ces données participeront également à la production des paléomodèles numériques de terrain. Ils sont, par exemple, utiles aux archéologues pour déterminer sur des bases plus fiables que celles actuelles le champ visuel d'un homme depuis son habitat, facteur essentiel pour le contrôle territorial dans une société traditionnelle.
• À terme, l'objectif de ce programme de travail est bien de fournir des indicateurs sur les processus dans la longue durée, afin de relever les constantes, les éléments qui favorisent la stabilité ou non, les phénomènes de résilience. Les réponses et les choix que font les sociétés humaines pour aménager et définir leur espace de vie sont au c¶ur des préoccupations de cette nouvelle équipe car ils permettent de mieux comprendre le territoire dans lequel nous vivons pour nous aider à le faire évoluer de manière équilibrée.
• Si elles n'ont pas vocation à produire des outils directement mobilisables pour l'actuelle gestion quotidienne des territoires, les connaissances produites fourniront autant d'indicateurs utiles pour les recherches sur le développement durable. L'étude historique n'est pas ainsi faite pour elle-même, mais bien pour enrichir les réflexions sur le futur.

* Cf. en direct n° spécial 185, juin 2004.

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Modeling of Landscapes and Territories over the long term.

*** LIDAR −
Light Detection and Ranging : en émettant un faisceau laser depuis un hélicoptère, puis en récupérant le signal réfléchi, cette technique permet de collecter des informations à la dizaine de centimètres près, en élévation et sur les propriétés des sols.

 

Laure Nuninger
Laboratoire de chrono-écologie
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 51 20
laure.nuninger@univ-fcomte.fr

 

 

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