Université de Franche-Comté

L’usinage abrasif par ultrasons. Un procédé non-conventionnel adapté aux composants de la microélectronique

Hier, les procédés de façonnage par enlèvement de matière étaient limités à l’usinage avec un outil coupant. Depuis 1950 environ, des matériaux ayant des qualités réfractaires de plus en plus élevées sont utilisés. Sont alors apparues de nombreuses difficultés liées à la dureté du matériau, aux efforts mis en jeu, à la chaleur à évacuer…

•  L’utilisation de nouveaux procédés, faisant appel à des énergies mécanique, chimique ou thermique, a permis de pallier certaines de ces difficultés. Parmi ces techniques, figure l’usinage abrasif ultrasonore qui, comme le rodage, ne provoque que de faibles contraintes dans le matériau. Ce procédé évite, notamment, des brusques changements thermiques et des forts gradients de température.

•  L’usinage ultrasonore fait partie des techniques mises en oeuvre par le LCEP ― laboratoire de Chronométrie électronique et piézoélectricité ― pour le façonnage du cristal de quartz qu’il utilise dans la fabrication des résonateurs à quartz. La conception de ceux-ci est déterminante pour la stabilité des oscillateurs à sortie de fréquence conçus et réalisés au laboratoire dans le cadre des applications Temps-Fréquence.

•  En ce qui concerne l’usinage ultrasonore, l’outil est généralement positionné suivant un axe vertical. Il est baptisé "sonotrode" et reproduit sa propre forme en pénétrant dans la pièce à usiner. Ce travail est dû aux mouvements de grains d’abrasif (carbure de bore, carbure de silicium ou diamant de quelques dizaines de œm de diamètre) entraînés entre pièce et sonotrode (dans cet espace appelé "gap") par la vibration de celle-ci qui est excitée sur sa fréquence de résonance. Les particules très dures sont projetées sur la surface de la pièce et pénètrent celle-ci en provoquant une déformation suivie d’un enlèvement de matière sous forme de micro-copeaux. L’abrasif est en suspension dans de l’eau qui transmet bien les fréquences ultrasons (autour de 20 KHz). La mise en vibration mécanique de la sonotrode est assurée par un transducteur piézoélectrique, constitué d’un ou plusieurs disques de PZT précontraints. Par effet piézoélectrique inverse, la tension appliquée sur ses faces (quelques centaines de volts) produit une variation d’épaisseur transmise à la sonotrode par l’intermédiaire d’un amplificateur d’amplitude liant rigidement le transducteur au bâti. Ces piézoxydes permettent d’obtenir une forte puissance, avec un bon rendement, donc sans échauffement excessif.

•  Cet usinage est particulièrement adapté aux matériaux durs et fragiles, et donc cassants, qui, tel le quartz, ne supportent pas de gradients thermiques importants. Les aciers doux et matériaux cuivreux ne sont donc pas concernés. En effet, la structure de la matière sur laquelle les grains d’abrasif rebondissent en chocs élastiques entraîne une usure non négligeable de l’outil. En fait, cette usure et le travail d’enlèvement de la matière dépendent de nombreux paramètres tels que : vibration, pression statique, taille et nature du grain d’abrasif, profondeur de pénétration, nature et forme de la pièce à réaliser… Ainsi, les paramètres d’usinage sont à déterminer au cas par cas.

•  La forme et les dimensions d’un perçage cylindrique, par exemple, dépendront de la manière dont peuvent être maîtrisés le gap et l’usure de la sonotrode. Néanmoins, grâce à une bonne connaissance préalable de l’action des abrasifs, il est possible d’obtenir des usinages ayant des dimensions de quelques mm à 3 ou 4 œm près. Si la profondeur est trop importante, il sera nécessaire, pour maintenir une telle précision sur toute la hauteur, de prévoir plusieurs sonotrodes, la dernière, de plus grand diamètre, ne travaillant que pour l’enlèvement d’une très faible épaisseur de matière, avec éventuellement un grain de diamètre plus faible pour améliorer l’état de surface (< 20 œm). Dans ce cas, la surface laissera apparaître des cavités dont la profondeur sera inférieure au dixième du diamètre du grain, c’est-à-dire 2 œm. Dans ces conditions, l’équipe a pu réaliser des trous de A œm de diamètre sur plusieurs mm de haut dans du cristal de quartz. Les perçages de 100 œm de diamètre sont réalisables sur des hauteurs plus faibles (A à 500 œm), le problème, dans ce cas, étant la réalisation de l’outil.

•  L’usinage abrasif par ultrasons est et restera peu répandu dans l’industrie : surtout dédié au façonnage de matériaux fragiles, ce procédé ne permet pas des applications de grande série. Mais il reste indispensable dans certains cas, surtout lors d’usinages non débouchants ou ayant des formes impossibles à obtenir par des procédés classiques. Et ce type d’usinage pourrait connaître un second souffle avec la mise en forme de céramiques piézoélectriques pour les transducteurs ultrasonores destinés à l’imagerie acoustique (échographie, contrôle non destructif…).

 

Jean-Jacques Boy
Laboratoire de Chronométrie électronique
et piézoélectricité
ENSMM Besançon
Tél. 03 81 40 28 23
jjboy@ens2m.fr

 

 

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