Créant la surprise, une équipe internationale de chercheurs a découvert l’existence d’un océan sous la surface gelée de Mimas. Un océan recouvrant la totalité de ce satellite de Saturne, à une vingtaine de kilomètres de profondeur sous l’épaisseur visible de glace. Les apparences jouaient pourtant contre cette lune couverte de cratères, en principe caractéristiques d’une absence d’activité interne des objets célestes.
Mais si Mimas apparaît de prime abord comme un corps froid sans grand intérêt, sa proximité avec Saturne et ses célèbres anneaux le rendent remarquable, et ses dimensions se prêtent bien à l’analyse. De quoi forcer la curiosité des chercheurs, alors que les données rapportées par la sonde Cassini, au terme d’un voyage de treize années autour de Saturne, fournissent l’occasion d’exploiter des informations inédites sur le proche voisinage de la planète géante. Les travaux des scientifiques vont dès lors révéler l’importance que Mimas revêt en réalité.
Couronnée par un article paru dans la revue Nature en février dernier, leur découverte d’un océan recouvrant Mimas apparaît comme le point d’orgue d’avancées majeures et obtenues en tout juste dix ans. « Dans un article publié dans Science en 2014, nous observions que la rotation de Mimas autour de son axe s’accompagne d’oscillations. Ce phénomène, appelé libration, est plus ou moins marqué selon la structure interne de l’objet. Les oscillations étaient ici trop importantes pour être l’œuvre d’un corps aussi glacé que le laissait supposer la surface de Mimas », explique Benoît Noyelles à l’Observatoire de Besançon, membre de l’équipe scientifique internationale.
C’était là le premier indice d’une activité interne de Mimas. Les chercheurs mettent ensuite en évidence que le jeu des attractions saturniennes, des interactions de même nature que celles prévalant entre la Terre et la Lune, a forcé l’orbite de Mimas à prendre une forme elliptique et ainsi à se rapprocher périodiquement de Saturne. En 2019, ils montrent que la modification de l’orbite de Mimas est à l’origine de la formation de la bande noire très visible qui sépare les deux parties les plus brillantes des anneaux de Saturne, appelée division de Cassini. À chacun de ses passages, le satellite a repoussé les morceaux de glace tournant autour de la planète à la manière d’un chasse-neige, libérant ainsi un espace d’une largeur de 4 700 km, de faible densité et donc sombre, entre des anneaux abondant en glaces éclairées par le soleil.
« Le mouvement orbital de Mimas a pu faire l’objet de calculs très précis grâce aux images prises pendant des années par la sonde Cassini », précise Benoît Noyelles. Les données permettent aussi de dire que la lune s’éloigne peu à peu de la planète, et qu’à l’échelle de plusieurs millions d’années, la division de Cassini devrait s’effacer, redonnant toute leur place aux anneaux. La dérive orbitale de Mimas était un autre signe d’une activité interne du satellite, le phénomène s’accompagnant nécessairement de frictions internes provoquant son réchauffement. Début 2014, la confrontation des observations et des modèles mathématiques permet de conclure à l’existence d’un océan sous sa surface, et ce n’est pas la moindre des surprises que réservait le satellite de Saturne. La présence d’une étendue d’eau aussi vaste est habituellement trahie par une surface lisse et craquelée du corps céleste concerné. Si Mimas offre toujours un aspect cratérisé, c’est parce que son océan ne s’est formé que récemment, selon les critères de l’astronomie, à savoir il y a quelque dix millions d’années.
Cet océan est le quatrième identifié sur des satellites de planètes du système solaire, Europe et Ganymède pour Jupiter, Encelade et désormais Mimas pour Saturne. Les océans sont des objectifs de prédilection de la recherche astronomique, car ce sont des milieux susceptibles d’abriter une vie bactériologique, une potentialité qui n’a pour l’instant pas de réalité.
Lever le voile sur Mimas signifie aussi reconsidérer certains postulats scientifiques et ouvrir le champ de la connaissance. « Il apparaît clairement que le système n’est pas figé, bien au contraire. Il continue d’évoluer, et nous en sommes les témoins à travers l’observation de Mimas. »
Lainey V., Rambaux N., Tobie G., Cooper N., Zhang Q., Noyelles B. & Baillié K., 2024, A recently formed ocean inside Saturn’s moon Mimas, Nature, 626, 280-282