Au centre de la conception de produits, de systèmes, de machines et de postes de travail : l’être humain. Partant de ses caractéristiques et de ses réels besoins, des chercheurs et des ingénieurs de l’UTBM envisagent une nouvelle manière de créer, intéressant de plus en plus les entreprises désireuses de faire évoluer leurs gammes de produits selon d’autres facteurs d’innovation que la seule technologie. L’ergonomie est au cœur des travaux de l’équipe ERCOS (Ergonomie et conception des systèmes) du laboratoire SeT (Systèmes et transports) et, en termes de formation, a donné naissance en 2007 au département EDIM (Ergonomie, design et ingénierie mécanique) à l’UTBM.
Déchirer l’emballage d’une capsule de café, programmer une télévision, préparer un itinéraire sur un GPS, les gestes courants de la vie quotidienne relèvent parfois de la gageure. La volonté de penser les produits mis sur le marché en fonction des personnes qui vont les utiliser, et non seulement selon une approche technologique, est la base des travaux menés au sein de l’équipe ERCOS du laboratoire SeT de l’UTBM. La démarche s’applique de la même manière aux équipements industriels réservés à l’usage d’un public de professionnels, confrontés parfois à des problèmes de santé ou de sécurité liés à l’utilisation des machines ou à l’aménagement d’un poste de travail. De la cafetière électrique de monsieur tout le monde au robot d’une chaîne de production, en passant par la voiture électrique mise à disposition des conducteurs citadins, la conception ergonomique des produits est centrée sur les caractéristiques humaines des utilisateurs, leurs besoins et leurs attentes. En quoi cette démarche est-elle novatrice ? N’est-ce pas une évidence d’intégrer le facteur humain à une réflexion technologique et commerciale ?
Abri TER ergonomique
« Pour l’essentiel, cela se passe à l’intuition ! déclare Jean-Claude Sagot, responsable de l’équipe ERCOS. Très peu de cadres sont actuellement formés en ergonomie ». Ce qui peut expliquer notre perplexité devant une ouverture de sachet dite facile, ou qu’un téléphone pensé pour les personnes âgées possède effectivement de grosses touches bien visibles mais ne tienne pas debout sur son socle.
Les chercheurs et ingénieurs en ergonomie développent une approche véritablement scientifique, s’appliquant à la conception de n’importe quel produit industriel ou de consommation courante. « La démarche est très prisée par certaines entreprises qui souhaitent se positionner sur le marché avec des gammes de produits renouvelés, en meilleure adéquation avec les utilisateurs » raconte Jean-Claude Sagot.
Le point de départ, c’est l’observation de l’existant : comment les gens se comportent devant le fonctionnement d’un appareil, quelles sont les difficultés rencontrées, d’ordre cognitif, physique, voire de santé, en termes de surdité, de troubles musculo-squelettiques résultant, par exemple, de l’utilisation répétée de l’outil, de la machine… Munis de ces informations et des indications du cahier des charges, les spécialistes ont toutes les clés en main pour travailler à la conception et au développement du produit futur.
Né en septembre 2007 à l’UTBM, le département EDIM (Ergonomie, design et ingénierie mécanique) compte aujourd’hui quelque trois cents élèves-ingénieurs dans ses rangs. Habilité par la commission des titres d’ingénieurs, il est le seul en France à proposer une spécialité « Mécanique et ergonomie ». « Les trente ingénieurs issus de la première promotion en 2010 n’ont eu aucun mal à trouver un emploi », raconte Jean-Claude Sagot, directeur du département. Cette formation novatrice et de haut niveau semble promise à de beaux lendemains, dans un domaine encore peu développé en France, où « l’on compte moins de cinquante enseignants-chercheurs en ergonomie ! »
Certains projets se construisent à partir de maquettes numériques mises à l’épreuve avant d’envisager la phase de prototypage. À la pointe de la technologie, le laboratoire SeT est équipé de plusieurs plateformes de réalité virtuelle, dont l’une est dédiée à l’immersion d’un utilisateur, du concepteur…, alors que le produit n’est qu’à l’état de maquette numérique où tout est encore possible. Sans matérialité propre, il n’en est pas moins testé dans des conditions réalistes d’utilisation. Utilisateur et concepteur vont pouvoir interagir avec le produit, son environnement, et valider ainsi les choix de conception en termes d’utilité, d’accessibilité, d’utilisabilité, de design, ainsi que d’un point de vue technique et économique. F-City, un véhicule électrique mis au point par l’entreprise FAM Automobiles implantée à Étupes (25), est né de cette plateforme.
À l’étape de la conception, la voiture, virtuelle, a été soumise à l’approbation des ergonomes, des designers, mais aussi de vrais utilisateurs. Au fur et à mesure des essais effectués pour éprouver la visibilité, le confort, l’accessibilité, la compréhension des différents dispositifs, la présentation graphique du tableau de bord…, la maquette s’est vue modifiée pour évoluer vers un concept définitif. Design, ergonomie, technique, mécanique, marketing, coût, qualité, délai de production : tous les paramètres de conception sont à ce stade fédérés pour aboutir à la réalisation d’un prototype optimisé, représentant la solution acceptable, le meilleur compromis.
Une petite année a été nécessaire pour mettre au point F-City. Sortie de production en 2010, la voiture circule depuis dans les rues de Montbéliard et offre les meilleures conditions possibles pour être utilisée par tout conducteur potentiel. Elle constitue une excellente illustration de la philosophie et des produits issus de l’approche ergonomique.
La mise au point d’outils et de méthodes spécifiques à cette démarche de conception a valu à Gaël Guerlesquin, doctorant au sein de l’équipe ERCOS du laboratoire SeT, de remporter en 2010 le prix A’Doc récompensant la jeune recherche en Franche-Comté. Une distinction porteuse d’avenir…
Maquette numérique de la F-City
L’UTBM propose une formation en ergonomie d’un an à destination du monde socio-économique : professionnels de santé, responsables de PME, chefs d’atelier, ingénieurs et techniciens de production, concepteurs, gestionnaires, chacun dans ses attributions concerné par les notions de santé et de sécurité au travail. Le programme s’articule autour de huit modules axés sur ces problématiques et déclinant le concept d’ergonomie à plusieurs niveaux : la conception des postes et systèmes de travail ; l’informatique ; les ambiances physiques : bruit, éclairage, chaleur, froid… La formation inclut un projet professionnel, mené par le stagiaire sur toute l’année au sein de son entreprise, dans un domaine relevant de sa compétence.
Contact : Jean-Claude Sagot
Équipe ERCOS – Laboratoire SeT
Université de technologie de Belfort – Montbéliard
Tél. (0033/0) 3 84 58 30 13