Il combine la connaissance des ouvrages rares et la maîtrise de technologies appropriées à leur étude : le master Rare Book and Digital Humanities proposé par l’université de Franche-Comté se taille une place à part à l’international dans le domaine du livre.
Rare Books – Photo Suzy Hazelwood- Pexels
Inscrit à la carte des formations bisontines de l’université de Franche-Comté, le parcours de master « Livre rare et humanités numériques » mêle de façon originale l’étude d’ouvrages d’exception et la maîtrise de technologies qui donnent la possibilité de considérer ces livres sous un angle très actuel. La singularité et la qualité de cette formation dispensée pour l’essentiel en anglais, d’où son intitulé officiel Rare Book and Digital Humanities (RBDH), valent au master une solide réputation à l’international.
Faire un tour de table des étudiants RBDH, c’est un peu faire le tour du monde : de l’Argentine à l’Inde, de l’Afrique du Sud à l’Estonie en passant par les USA, l’Arménie, la Russie ou encore la Nouvelle-Zélande, pas moins de 29 nationalités se sont côtoyées dans les promos du master depuis son ouverture en 2019. Près de 80 % de l’effectif est d’origine étrangère, un brassage culturel bienvenu et apprécié. « Le master m’a fait rencontrer des personnes extraordinaires et m’a permis de nouer des amitiés à travers les continents », témoigne Serhat Açar, originaire de Turquie.
Rare books – Image janrye -Pixabay
Cet enthousiasme ne fait pas oublier l’engouement pour l’enseignement proprement dit de la part d’étudiants passionnés par le monde des livres et notamment des livres rares, classiques de l’Antiquité, manuscrits du Moyen Âge, carnets de voyages de la Renaissance, livres d’artistes contemporains… Si le terme humanités numériques peut laisser les profanes un peu perplexes sur la seconde partie de l’intitulé du diplôme, les étudiants savent s’en emparer pour l’expliciter. Ainsi Robert Lloyd, du Pays de Galles : « Définir les humanités numériques peut sembler compliqué à première vue mais, à mon avis, c’est simple : elles sont des façons de travailler pour analyser les humanités avec des outils et des techniques numériques. » Les humanités, rappelons-le, englobant les lettres, les arts, l’histoire, la philosophie, l’archéologie…
« Ce sont un outil puissant qui peut nous aider à mieux comprendre les sciences humaines, d’une manière qui évolue constamment, dans un monde qui continue à aller de plus en plus vite. Avant les ordinateurs, nous n’aurions jamais pu rechercher efficacement et exhaustivement des mots-clés, des phrases uniques ou toute autre marque linguistique dans un vieux texte manuscrit », complète la Française Alice Fournier.
Le master RBDH est l’un des masters internationaux mis en place par la communauté UBFC. Enseignant-chercheur en langue et civilisation italiennes, Frédéric Spagnoli en est le responsable. Il souligne que « cette formation est née de l’expérience du livre ancien développée de longue date à l’Institut des sciences et techniques de l’Antiquité (ISTA), déjà valorisée dans de précédentes formations à l’uFC, et à laquelle s’est ajouté l’intérêt croissant des chercheurs pour les nouvelles technologies ». Diplôme en poche au terme de quatre semestres d’étude, les étudiants peuvent s’orienter vers des horizons divers et notamment : le marché du livre, animé par les éditions et librairies spécialisées, et par les organismes d’expertise à usage des collectionneurs ou des marchands d’art ; la conservation de livres anciens en bibliothèque ou dans des institutions culturelles ; la valorisation d’ouvrages rares via la création de supports médiatiques, animations 3D, vidéos, numérisation et restitution de documents ; la recherche enfin, avec pour première étape la poursuite d’études en doctorat…
Salon du livre Py Rare Books
Native de Russie, Viktoria Malik vit à New York d’où elle travaille depuis deux ans pour une librairie anglaise. Son passage à Besançon ajoute au caractère international de son parcours, et marque une étape cruciale dans sa vie professionnelle. « Le master propose des enseignements spécifiques, c’est un chemin direct vers l’entreprise. Et les stages permettent de s’intégrer dans un milieu difficile d’accès, parce que les livres rares sont des objets précieux », souligne Viktoria. Un milieu où les réseaux fonctionnent bien. Les recommandations dont la gratifient ses responsables lors d’un premier stage lui ouvrent les portes de PY Rare Books, où elle est embauchée à l’issue du second. Spécialisée dans les éditions ayant trait à la Russie, la librairie souhaite développer ses activités aux États-Unis. « J’étudie les livres que la librairie achète un peu partout, surtout aux États-Unis, et je rédige leurs notices. Il est évident que ma langue maternelle est un atout, surtout quand il s’agit de décrypter des manuscrits illisibles des XVIIe- XVIIIe siècles ! », explique la jeune femme, qui par ailleurs participe régulièrement à des expositions et événements internationaux. Viktoria ajoute à propos de sa formation : « La France est réputée pour sa culture du livre, pour son niveau de connaissance en ce domaine. C’est essentiellement pour cette raison que j’ai postulé pour suivre le master à Besançon. »
Photo josh_ndc Pixabay
« Les livres et les livres rares, ce sont deux mondes différents. » Razan Zein El Abidine a appris à
considérer les seconds comme des objets d’art, à apprécier les procédés de fabrication anciens, le cuir d’une couverture ou la qualité de finition d’une reliure. Originaire du Liban où elle a suivi une licence en Métiers des bibliothèques et archives, Razan a rejoint le master RBDH pour développer ses compétences en humanités numériques, avec l’idée de les mettre en pratique dans le domaine de la recherche. C’était sans compter sur l’attrait pour le livre rare qui allait aussi la gagner.
La jeune étudiante est actuellement en stage à Paris chez Pingel Rare Books, une librairie spécialisée dans les ouvrages illustrés, où elle sera embauchée dès l’obtention de son diplôme. « Alexandre Pingel, le directeur de la librairie, a contacté les responsables du master à Besançon pour le recrutement, parce qu’il connaît la formation et l’apprécie ; il estime que la formation RBDH apporte aux étudiants des connaissances qu’on ne trouve pas facilement dans le milieu », raconte Razan. La future diplômée confirme : « C’est vrai, on a appris comment travailler chez les libraires, je le vois au quotidien. C’est un point fort du master, qui par ailleurs est le seul en France à lier humanités numériques et livre rare ».
