Université de Franche-Comté

L’implication des processus de transport dans la détoxification cellulaire et l’accumulation de composés végétaux. L’excrétion d’acides organiques et la survie des plantes dans des sols pauvres en phosphate.

L’excrétion d’acides organiques et la survie des plantes dans des sols pauvres en phosphate. Deux projets de recherche qui ont valu au laboratoire de Physiologie végétale de l’université de Neuchâtel, en la personne de Enrico Martinoia, le prix Körber 2001 L’implication des processus de transport dans la détoxification cellulaire et l’accumulation de composés végétaux Les plantes sont exposées à de nombreux composés toxiques et contrairement aux animaux ne peuvent pas se déplacer pour échapper à des sols dont la teneur en métaux lourds ou en produits chimiques toxiques, tels que les pesticides, est élevée. Les plantes doivent donc développer des stratégies pour modifier les composés chimiques ou pour inactiver les métaux lourds. Des substances modifiées peuvent toutefois rester toxiques ou jouer un rôle inhibiteur pour le métabolisme et les métaux lourds libres sont toujours en équilibre avec les métaux lourds complexés. Pour réduire le risque d’intoxication, les cellules végétales doivent stocker des composés toxiques modifiés et des métaux lourds complexés à un endroit où ces composés ne représentent pas un danger pour la survie de la cellule. Cet endroit se situe dans la grande vacuole centrale. Ce compartiment cellulaire, de loin le plus grand (80 à 90% du volume cellulaire dans les feuilles et les fruits), ne fournit qu’une activité métabolique très basse et contient surtout de l’eau et des ions inorganiques. Beaucoup de composés produits par la plante sont également stockés dans la vacuole pour se protéger des herbivores et des pathogènes. Avant d’être accumulés dans la vacuole centrale, ces composés doivent traverser la membrane vacuolaire à l’aide de protéines de transport.

•  Jusqu’en 1993, tous les processus de transport de composés décrits chez les végétaux dépendaient des pompes à protons. Ces pompes transportent les protons à travers la membrane en utilisant de l’ATP, la forme chimique d’énergie utilisée par toutes les cellules vivantes, et créent un soi-disant potentiel électrochimique, une énergie qui peut être utilisée pour l’accumulation d’autres solutés comme les ions ou les sucres. Les pompes à protons peuvent se trouver dans les différentes membranes de la cellule végétale et permettent, non seulement l’accumulation de solutés venant du sol, mais également la distribution de ces solutés à l’intérieur de la cellule selon les besoins.

•  Les recherches du laboratoire neuchâtelois sur le rôle de la vacuole végétale dans les processus de détoxification, ont permis de découvrir que les herbicides modifiés dans la cellule végétale sont efficacement absorbés par les vacuoles. Toutefois, contrairement aux observations faites jusqu’à présent, le transfert dans la vacuole ne dépend pas des pompes à protons mais est directement énergisé par l’ATP. Ce type de transport directement dépendant de l’ATP est beaucoup plus efficace et permet aux cellules d’accumuler des grandes quantités de composés toxiques dans la vacuole.

• Des études récentes montrent que, non seulement les pesticides ou leurs formes modifiées sont transportés dans la vacuole par ce mécanisme de transport, mais aussi quelques composés naturels. Un exemple intéressant concerne les produits de dégradation de la chlorophylle. En automne, les feuilles jaunissent, la chlorophylle est dégradée mais le produit de dégradation est toujours potentiellement toxique. Ce produit de dégradation est transporté dans la vacuole par un transporteur utilisant directement de l’ATP. Il est ainsi supposé que les plantes utilisent ces transporteurs efficaces si elles doivent stocker dans la vacuole des composés très dangereux. Les humains et les animaux disposent d’un transporteur très similaire à celui des végétaux pour éliminer des composés toxiques. Toutefois, les animaux, contrairement aux végétaux, excrètent ces composés. Si, en général, ces transporteurs de détoxification présentent un avantage, il est un cas où ils peuvent être dangereux : quand les cellules cancéreuses contiennent une quantité très élevée de ces transporteurs, les patients traités éliminent également les composés utilisés en chimiothérapie, et le traitement devient moins efficace.

•  Utilisant les instruments disponibles en biologie moléculaire, le laboratoire a identifié, cloné et analysé quelques-uns de ces transporteurs. Les études effectuées suggèrent que ces transporteurs sont hautement similaires à ceux des animaux. Les composés transportés par ces transporteurs appartenant à des classes de composés ayant un important impact en pharmacie (morphine, taxol), l’équipe neuchâteloise envisage la production de plantes qui pourront synthétiser plus de transporteurs et, il faut l’espérer, produiront et stockeront plus de composés intéressants pour la médecine.

 

Enrico Martinoia
Laboratoire de Physiologie végétale
Université de Neuchâtel
Tél. 41 32 718 22 92 – Fax 41 32 718 22 71
enrico.martinoia@unine.ch

 

 

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