Université de Franche-Comté

L'hypothèse d'une influence des rejets de l'incinérateur de Besançon sur la survenue de lymphomes malins non hodgkiniens* se voit confortée


Si la nocivité des dioxines, et notamment de la TCDD (considérée comme cancérigène par l'OMS depuis 1997) n'est plus à discuter, preuve n'a pas encore été faite de leur responsabilité dans la survenue de cancers pour des expositions à faibles doses environnementales. Or, le rejet de dioxines par les usines d'incinération se situe dans cette configuration, distincte de celle des expositions accidentelles ou professionnelles.
Une équipe de l'université de Franche-Comté, associant, dans le cadre du plan pluriformation  milieux naturels – milieux anthropisés Ÿ, le SERF — santé et environnement rural Franche-Comté — et le LBE — laboratoire de biologie environnementale — apporte une pierre à l'édifice en étudiant l'impact potentiel de l'usine de Besançon sur la survenue de lymphomes malins non hodgkiniens.
• Une première étude épidémiologique (sur la période 1980 – 1995) a révélé une augmentation significative de l'incidence des lymphomes malins non hodgkiniens aux alentours de l'incinérateur. Aussi, l'hypothèse d'une influence directe des rejets de dioxines, venant s'ajouter à l'exposition alimentaire générale bien documentée, devait-elle être vérifiée. L'équipe a donc mené une comparaison de l'exposition aux dioxines entre des patients atteints de lymphomes malins non hodgkiniens et des témoins de population, à partir des coordonnées de leurs lieux de résidence et des quantités de rejets aériens de dioxines par l'usine bisontine d'incinération d'ordures ménagères.
• Cependant, pour réaliser cette comparaison, il était nécessaire de connaître parfaitement la diffusion du panache de la cheminée. Or, de nombreux paramètres influent sur la circulation des molécules dans l'air : la forme et la taille de la cheminée, les flux et la concentration des polluants, la direction des vents dominants, la topographie du paysage environnant, la nature des sols… Ils ont été pris en compte pour construire un modèle de diffusion atmosphérique de la dioxine. Ce n'est donc pas sur des données réelles, mais bien sur une modélisation que l'étude épidémiologique avait été menée. Il restait donc à démontrer la pertinence et la justesse de ce modèle, également fondé sur l'hypothèse qu'aucune autre source de dioxine ne venait interférer.
• La troisième étape a donc consisté à valider le modèle, en le comparant aux concentrations réelles de dioxines dans les sols. Le modèle avait mis en évidence quatre zones, de la plus exposée à la moins exposée (cf. figure).

Exposition aux dioxines

• Le plan d'échantillonnage a été établi en tenant compte de ces zones, ainsi que de la géologie et de la topographie du secteur. Soixante-quinze prélèvements ont été effectués. Pour chacun, la concentration en dioxines, la nature du sol, le type de végétation, l'altitude… ont été renseignés. Après analyses statistiques, le modèle de diffusion atmosphérique s'est trouvé conforté, avec cependant des nuances à apporter. Deux types de territoires peuvent être dégagés : le nord-est, caractérisé par une topographie assez simple, faite de pentes modérées et régulières, et le sud-ouest, beaucoup plus complexe et tourmenté. Si une corrélation est établie entre les classes déterminées par le modèle et le taux de dioxine dans la partie nord-est, cela n'est pas vérifié dans le sud-ouest.
• Néanmoins, si l'on se cantonne au nord-est — et par chance 90 % des cas et 91 % des témoins de l'étude épidémiologique y sont répertoriés —, le modèle et l'enquête sont validés**. Et pour ces cas, une nouvelle analyse démontre que le risque de développer un lymphome malin non hodgkinien est 2,5 fois plus élevé pour les habitants de la zone la plus exposée que pour ceux de la zone la moins exposée. Cette étude conforte donc l'hypothèse d'une association entre l'exposition environnementale à la dioxine et la survenue de lymphomes malins non hodgkiniens.

* Terme très générique désignant les tumeurs dues à une prolifération des cellules du tissu lymphoïde.

** Ces résultats ont été publiés dans la revue
Environmental Science and Technology, classée n° 1 mondial en nombre de citations et n° 4 en facteur d'impact (3,557) par les sciences environnementales.

 

Jean-François Viel
SERF — Santé et environnement rural
Franche-Comté
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 21 87 38
jean-francois.viel@ufc-chu.univ-fcomte.fr

 

 

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