Université de Franche-Comté

L’homme et son environnement olfactif

Une question souvent posée, jamais clairement élucidée, est celle de l’influence que les odeurs peuvent exercer sur la physiologie humaine, les comportements, l’état émotionnel et la santé. Le recours à la vertu curative de certaines plantes parfumées, les changements psychologiques observés après l’inhalation de l’odeur de certaines huiles volatiles ayant des effets calmants ou excitants sont connus. Six mille ans avant notre ère, l’aromathérapie était déjà pratiquée en Chine. Transmise par l’Inde à l’Egypte pharaonique, elle parviendra en Europe au Moyen Âge. À partir du XVIIIe siècle, dans le sillage du développement des apothicaireries, la distillation de produits naturels et le nombre d’essences se multiplient. Le terme d’aromathérapie longtemps usité a laissé la place récemment au terme plus large d’aromachologie qui englobe toutes les interactions possibles entre l’odeur et les aspects psychophysiologiques (émotions, cognition, vigilance…).

•  Le rôle exact joué par les odeurs sur l’humeur, les capacités mentales ou le niveau de stress est loin d’être clair, alors qu’il l’est pour d’autres aspects comme la participation au contrôle de la prise alimentaire, par exemple. Longtemps délaissé par les scientifiques, le pouvoir attribué aux odeurs constitue aujourd’hui un thème de recherche important qui vise à déterminer la part de vérité objective parmi l’ensemble des connaissances empiriques et subjectives relatives à cette question. Toutefois, cette voie de recherche se heurte à la difficulté d’établir des protocoles expérimentaux valides. Les effets de l’odeur, s’ils sont vérifiés, n’ont pas forcément une origine unique. D’une part, ce n’est pas obligatoirement l’odeur en tant que telle qui est active mais éventuellement des molécules volatiles issues de la source émettrice qui se retrouvent dans l’organisme après avoir migré par l’épithélium nasal.

• D’autre part, les odeurs peuvent avoir un effet sur l’humeur qui aura alors un effet sur certaines capacités mentales, et inversement, les odeurs peuvent avoir un effet sur certains processus cognitifs susceptibles d’interférer avec l’humeur ou l’état de stress. Enfin, il semble qu’il y ait une grande variabilité interindividuelle dans la nature des réponses aux stimulations olfactives.

•  Parmi l’ensemble des manifestations possibles en réponse à l’odeur, les plus pertinentes sont sans doute celles commandées par le système nerveux autonome (appelé également système nerveux végétatif) qui régule les grandes fonctions comme la circulation, la respiration, l’excrétion… Dans ce cadre, les psychophysiologistes disposent d’indices relativement fiables et interprétables de l’activation du système autonome comme la pression sanguine, le rythme cardiaque, la résistance électrique de la peau, le diamètre pupillaire…

•  Des travaux récents réalisés au laboratoire de Neurosciences de l’université de Franche-Comté ont ainsi mis en évidence des modifications induites de certains paramètres vocaux (notamment au niveau du Fo, c’est-à-dire la fréquence fondamentale, qui joue un rôle important dans nos systèmes de communication sociale) en fonction de l’environnement olfactif, ainsi que dans la vitesse de temps de réaction (celle-ci augmente, sous certaines conditions, dans un environnement odorisé). Ces résultats initiaux incitent à développer des projets qui consistent à : – travailler sur plusieurs paramètres concomitants – utiliser des environnements olfactifs de différentes natures – valence hédonique opposée, intensité plus ou moins forte… – varier les tâches expérimentales auxquelles sont soumis les sujets.

•  Les résultats de ces travaux ne sont pas sans intérêt : si les effets de l’odeur sur le niveau d’éveil, l’humeur, le temps de réaction et d’autres variables psychophysiologiques commencent seulement à être scientifiquement prouvés, l’exploitation industrielle a déjà été envisagée et depuis plusieurs années sont mises sur le marché des applications (souvent fort coûteuses), dont les commanditaires souhaitent aujourd’hui acquérir, rétrospectivement, la preuve de leur éventuelle efficacité.

 

Gérard Brand – Laurence Jacquot
Laboratoire de Neurosciences
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 57 52 – Fax 03 81 66 57 46
gerard.brand@univ-fcomte.fr

 

 

 

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