Université de Franche-Comté

L’esprit du Moyen Âge souffle sur Kaamelott

 

 

« La visite en Carmélide, c’est un peu comme les plans de fraises. Plus c’est espacé, mieux c’est ! » assène Fraganan, la sœur de Léodagan, dans une réplique devenue culte. Mais un retour à Kaamelott, sur les terres du royaume de Logres, les fans sont preneurs, qui se sont rués dans les salles à la sortie du Premier volet du film, piaffant d’impatience après douze années d’attente. Cumulant plus de 2,6 millions d’entrées à fin septembre, Kaamelott arrive à cette date en tête du box-office français 2021.

 

 

 

Retour flamboyant du Moyen Âge

Au-delà de l’humour décalé du film, comment expliquer un tel engouement pour le Moyen Âge, que Kaamelott signe d’un si flamboyant succès ? « La fiction et la musique d’inspiration médiévale opèrent un retour en force depuis les années 1970. Convoquer l’imaginaire foisonnant du Moyen Âge se pose en réaction à l’emprise du progrès qui commence alors à marquer les sociétés », analyse Alain Corbellari, professeur en littérature française médiévale aux universités de Lausanne et de Neuchâtel. Même la littérature d’époque retrouve ses lettres de noblesse, comme le Livre du Graal, ou Lancelot-Graal, que les éditions de La Pléiade publient en 2001.

Ce roman anonyme en prose est une œuvre majeure du XIIIsiècle, période charnière avant laquelle les textes sont en vers, tels ceux du poète Chrétien de Troyes, fondateur de la légende arthurienne en ancien français. « Le réalisateur Alexandre Astier connaît parfaitement ces textes, qu’il remanie au gré de ses envies et de sa propre imagination. Son œuvre est en cela totalement en phase avec l’esprit du Moyen Âge, qui autorise toutes les adaptations. »

 

Transformer les histoires, une habitude médiévale

Qui oserait aujourd’hui toucher une seule ligne d’un roman de Victor Hugo ou de Marguerite Duras ? Les textes de l’Antiquité sont eux aussi restés fidèles à leurs origines. Au Moyen Âge, transformer l’écrit est monnaie courante. « Textes, histoires, personnages, rien n’est figé. Et c’est ce vent de liberté d’inspiration médiévale que l’on retrouve dans Kaamelott et qui emporte l’adhésion, voire l’enthousiasme, de la plupart des médiévistes. »

C’est ainsi que Lancelot, le meilleur des chevaliers de la légende, devient un imposteur dans le film, que l’impérieuse Guenièvre est transformée en oie blanche, que Karadoc est emprunté à d’autres contes pour la consonance bretonne de son nom, que Léodagan prend une importance inédite, qu’Arthur lui-même passe du second plan au statut de héros principal.

Alexandre Astier prend également ses aises avec l’histoire, et n’en est pas à une approximation près. « Parti pris ou méconnaissance de sa part ? Ce n’est pas très important, et de toute façon, la chronologie n’intéresse pas non plus beaucoup le Moyen Âge. Mais le spectateur doit se garder de vouloir apprendre l’histoire avec Kaamelott ! »

Au Vsiècle, qui est bien celui de la légende arthurienne, les châteaux sont en bois et non en pierre, et les régions du nord de l’Afrique où se situe le début du film ne sont plus une colonie romaine depuis belle lurette. On était encore à des lustres de parler des ducs d’Aquitaine, et les Burgondes, qui, soit dit en passant, n’ont jamais envahi la Grande-Bretagne, étaient les plus romanisés des barbares et parlaient le latin… « Arthooouuurrr ! Pas changer assiette pour fromage ! » relève donc d’une fantaisie linguistique, et historique, des plus pures.

Kaamelott plaît au public, Kaamelott plaît aussi aux universitaires, qui lui ont déjà consacré des colloques, des ouvrages et des cours, comme à l’université de Lausanne : là comme ailleurs, les étudiants ont grandi avec la série. L’approbation des médiévistes aurait même aidé à entretenir son succès… Selon l’avis d’Alain Corbellari : « C’est pas faux ! »

Contact(s) :
Institut de littérature française
Université de Neuchâtel
Alain Corbellari
Tél. +41 (0)32 718 18 96
retour