Université de Franche-Comté

Les impulsions lumineuses picosecondes, ou le millimètre lumière. Vers leur utilisation pour la détection de corps dans les tissus humains

Un laser peut émettre des impulsions lumineuses ultra-courtes, d’une durée de quelques picosecondes (10-12 secondes), voire de quelques femtosecondes (10-15 secondes). Il est difficile de se représenter ces durées. A noter toutefois que la lumière parcourt 1 mm en 3 picosecondes et la distance terre-lune en une seconde environ.

•  L’intérêt des impulsions ultra-courtes est de deux ordres : – un laser d’une puissance moyenne inférieure à celle d’une ampoule électrique peut émettre des impulsions extrêmement puissantes à leur maximum : un laser néodyne-YAG émet 10 impulsions de 30 mJ par seconde, soit une puissance moyenne de 0.3 Watt et une puissance crête de 1 GW pour chaque impulsion de 30 picosecondes, équivalente à celle d’un réacteur de centrale nucléaire. A ce niveau de puissance, les propriétés optiques des matériaux peuvent être modulées par la lumière, ce qui ouvre la voie aux fonctions non linéaires de traitement de l’information habituellement réalisées en électronique : amplification, commutation, mémoires… – des phénomènes brefs peuvent être photographiés avec ces impulsions. L’appareil photographique qui le permet a un temps de pose de l’ordre de la picoseconde. Afin d’obtenir la synchronisation entre le phénomène et la prise photographique, il est nécessaire d’utiliser une première partie de l’impulsion pour déclencher le phénomène à étudier ; la deuxième partie de l’impulsion, retardée par allongement de son trajet, éclaire l’objet. En répétant l’expérience pour différents retards, on peut obtenir un véritable film du phénomène au ralenti avec un écart temporel entre les images de l’ordre de quelques picosecondes.

•  L’équipe "Optique non linéaire" du laboratoire d’Optique de l’université de Franche-Comté a mis à profit ces deux propriétés pour photographier des corps présents dans des milieux diffusants, en particulier dans des tissus biologiques épais. Une application importante porte sur la détection précoce de tumeurs du sein.   

• Dans de tels milieux la lumière infrarouge émise par le laser est très peu absorbée mais est fortement diffusée. Ainsi une impulsion de 30 picosecondes est très fortement étirée temporellement jusqu’à plusieurs centaines de picosecondes après la traversée de quelques centimètres de tissu biologique. Ceci est dû au fait que la grande majorité des photons qui constituent l’impulsion sont multi-diffusés et parcourent plusieurs fois l’épaisseur du milieu avant de ressortir. En revanche, les photons en plus faible nombre sortant du milieu au début de l’impulsion, sont ceux qui auront parcouru le chemin plus court, c’est-à-dire qui n’auront pas ou peu subi de diffusion. Il est donc naturel de supposer que ces photons portent une information sur tout objet présent dans le milieu. Pour recueillir cette information, il s’agit de séparer l’image formée au début de l’impulsion, de très faible niveau, du bruit beaucoup plus intense dû aux photons multi-diffusés.

•  Dans un cristal non linéaire adapté, l’équipe a donc fait interagir l’impulsion ayant traversé le milieu avec une impulsion, appelée pompe, issue du même laser et retardée de façon à se superposer avec le début de l’impulsion diffusée. La pompe est suffisamment puissante pour que l’interaction dans le cristal donne naissance à une impulsion réplique amplifiée de l’avant de l’impulsion diffusée. Un dispositif adéquat de sélection permet de n’enregistrer que cette image réplique, qui a une résolution bien supérieure à celle de l’image issue de l’impulsion diffusée.

•  Une image d’une partie de foie a été obtenue à travers une épaisseur de tissus correspondant à celle d’un sein humain au cours d’une mammographie. La résolution spatiale, inférieure au centimètre, justifie la poursuite d’essais plus proches des conditions de l’imagerie médicale, afin de définir l’intérêt de cette méthode comme examen de première intention, rapide et sans danger car exempt de radiations ionisantes ou radioactives.

 

Eric Lantz
Equipe Optique non linéaire
Laboratoire d’Optique P.M. Duffieux
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 64 27 – Fax 03 81 66 64 23
eric.lantz@univ-fcomte.fr

 

 

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