Université de Franche-Comté

Les eaux souterraines, entre risques et ressources

Courant sous nos pieds dans des méandres invisibles, les eaux souterraines constituent le domaine de prédilection de l’hydrogéologie, qui en étudie la circulation, l’histoire au long cours, les propriétés chimiques et la qualité, les risques géologiques dont elles pourraient être responsables, et leur potentiel d’exploitation.

Comprendre, analyser et anticiper : le fil rouge de l’hydrogéologie se déroule de la surface aux profondeurs de la Terre, au moyen de l’observation de terrain comme de la modélisation mathématique, considérant toutes les interfaces entre l’eau et son environnement.

 

 

  

 

SOMMAIRE

Introduction

Chimie des systèmes karstiques

Eau étiquetée 20 000 ans d'âge

De l'observation de terrain à la modélisation

Eau et instabilités de versants

Exploiter la chaleur de la Terre

 

  

 

L’hydrogéologie s’affiche comme l’un des neuf domaines-clés de l’université de Neuchâtel. Une reconnaissance acquise au fil des décennies qui ont vu la discipline gagner ses lettres de noblesse en recherche et en formation sous l’impulsion, hier comme aujourd’hui, de scientifiques chevronnés.

À la fois aboutissement et symbole de la construction de ce domaine d’excellence, le CHYN, Centre d’hydrogéologie et de géothermie de Neuchâtel, fête cette année ses cinquante ans, sous la direction de Daniel Hunkeler.

Les roches karstiques du Jura sont des terrains d’étude historiques du Centre, peu à peu complétés d’observations menées dans d’autres formations comme les systèmes alluviaux. Établir un lien entre le fonctionnement des eaux souterraines et les autres composantes du cycle hydrologique est essentiel, aussi l’accent est-il mis sur une approche intégrée de la problématique, faisant intervenir hydrogéologues, géochimistes, spécialistes des cours d’eau, écologistes… dans un travail collectif.

Quelle est la quantité d’eau présente sous nos pieds ? Comment les structures géologiques du sol et du sous-sol affectent-elles son circuit, depuis son absorption jusqu’à sa résurgence ? Et quelles transformations va subir l’eau sous l’influence conjuguée d’éléments naturels comme les minéraux, ou d’origine anthropique comme les pesticides, au cours de son périple ? Les observations de terrain, les prises de mesures, les analyses physico-chimiques, les expériences de laboratoire et la modélisation mathématique sont au service de la connaissance et de la compréhension de systèmes aux fonctionnements très variés.

Les systèmes karstiques intéressent les scientifiques du CHYN comme ceux du laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté. Le karst, essentiellement composé de calcaire, couvre 30% de la surface de l’Europe. La chaîne du Jura en présente une configuration particulièrement intéressante : un dénivelé important, de fortes variations de climats et une diversité des types d’infiltration rendent le karst qui la compose plus actif qu’en d’autres endroits. Le dispositif Jurassic Karst développé à Chrono-environnement assure depuis 2009 la surveillance des réserves en eau du massif du Jura, qu’une faible filtration et une vitesse de circulation rapide rendent très vulnérables. Il s’inscrit au cœur du programme CRITEX, labellisé Équipement d’Avenir au niveau national.

Retour sommaire

Chimie des systèmes karstiques

Jurassic Karst comporte plusieurs points d’observation : le site de Fertans, depuis 2009, suivi par Sophie Denimal, hydrogéologue à Chrono-environnement, et ceux de Fourbanne et Lods, ouverts aux investigations de Cybèle Cholet, doctorante au laboratoire, depuis fin 2013. Un quatrième site concerne les sources du Doubs à Mouthe, également depuis 2013, mais son exploitation s’avère encore délicate compte tenu de paramètres climatiques difficiles à gérer.

Schéma d'un paysage karstique

Paysage karstique – Agence de l'eau, 1999

L’hydrochimie est une spécificité développée dans tous les travaux des hydrogéologues bisontins, que le géochimiste Marc Steinmann complète de ses compétences sur l’ensemble des sites. L’objectif est de suivre les relations entre fonctionnement biogéochimique de la zone d’infiltration et réponse hydrochimique du karst. La variété des sites choisis est une garantie de la qualité de l’observation : des gradients d’altitude s’étageant de 200 à plus de 1 000 m, des échelles de surfaces différentes, des infiltrations diffuses ou à l’inverse très localisées, des natures de sol variées, une circulation d’eau particulière selon la roche, rapide dans les fissures ou plus lente dans les microfractures… Les appareils de mesure et la fréquence des relevés sont, eux, identiques en tous points sur les quatre sites. Le débit, la température, la conductivité électrique, la fluorescence naturelle, la teneur en oxygène, le pH et autres paramètres chimiques sont enregistrés pour chaque source toutes les quinze minutes, et des prélèvements d’eau sont réalisés tous les quatre jours, toutes les deux heures lors de certaines crues. Les signaux chimiques sont transcrits en entrée et en sortie du système karstique, ainsi qu’au cœur de la roche, une analyse très fine et une première dans le massif du Jura.
1,8 million de données sont ainsi collectées, traitées et classifiées chaque année.

« La caractérisation chimique des différents types de sources apporte des clés sur leur fonctionnement, indique le chemin que l’eau a suivi, ses origines et la façon dont elle transite dans le massif. Ces données nous permettront ensuite de bâtir des modèles théoriques pour une compréhension plus grande des processus hydrogéologiques », explique Sophie Denimal.

À Chrono-environnement comme au CHYN, les observations incluent des paramètres tels que le fonctionnement des écosystèmes et les changements climatiques pour comprendre le transfert de l’eau à plus long terme. Elles sont aussi mises en lien avec les apports d’autres disciplines, notamment en biologie sur la qualité des eaux de rivière, avec des travaux comme ceux de Pierre-Marie Badot et François Degiorgi. Depuis les années 1970, la conductivité électrique, reflet de la minéralisation totale de l’eau, augmente dans le Doubs, une tendance confirmée par les mesures effectuées depuis au niveau des sources. « Cette hausse correspond à une plus forte dissolution du calcaire dans l’eau, elle-même
témoignant d’une présence de CO2 dans le sol en augmentation, raconte Marc Steinmann. Pour l’expliquer, les deux hypothèses prédominantes sont une activité microbienne plus importante dans les sols du fait du réchauffement climatique, avéré dans le Jura sur les vingt dernières années, et / ou en raison d’un signal anthropique plus marquant dû à de nouvelles pratiques agricoles. »

Grotte

Photo Chrono-environnement

En Suisse, où les plaines alluviales fournissent 40% de l’eau potable du pays et correspondent aussi à de grandes surfaces agricoles, on travaille avec les agriculteurs pour modifier les habitudes, afin de réduire ou d’annuler toute trace de substances toxiques dans le sous-sol, et par ricochet dans les puits de pompage. C'est le cas pour un grand aquifère du plateau, qui fournit de l'eau potable à 55 000 personnes. « Les efforts qui y sont entrepris depuis quatorze ans sont pour l’instant sans résultat sur la qualité de l’eau », déplore Daniel Hunkeler, spécialiste de ces questions au CHYN. Et pour cause ! Les recherches montrent aujourd’hui que l’eau progresse moins vite qu’imaginé pour venir de l’aquifère qui l’abrite à 50 m de profondeur. « L’eau que nous consommons a en réalité vingt-cinq ans. Il faudra patienter encore dix ans pour pouvoir apprécier le bénéfice des mesures prises. »

Captage d'eau potable en massif calcaire

Captage d’eau potable dans un massif calcaire des Alpes suisses – Photo CHYN

Retour sommaire

 

Le CHYN a cinquante ans, et plus…

Incarnation de l’un des domaines d’activité les plus prolifiques et novateurs de l’université de Neuchâtel, le CHYN, et l’Institut de géologie avant lui, voient leur histoire jalonnée par l’influence de grands noms des sciences de la Terre. À commencer par son fondateur André Burger, qui en 1965 crée le Centre d’hydrologie avec la complicité de son collègue Jean-Paul Schaer. André Burger publie en 1959 une thèse considérée comme la première monographie hydrogéologique de Suisse, base de travail de nombreuses recherches consacrées par la suite aux ressources en eau souterraine karstique. Les compétences du Centre sont mondialement reconnues dans le domaine de l’hydrogéologie karstique dès le début des années 1970, et en 1998, c’est le CHYN qui lancera l’action COST 620 pour créer une approche européenne coordonnée de la cartographie de la vulnérabilité des aquifères karstiques.

En 1985, sous la direction de François Zwahlen, le Centre, désormais appelé CHYN, renforce ses actions internationales sur les ressources en eaux souterraines dans les pays arides. 1990 voit l’apparition de la géothermie au nombre de ses activités, qui sera renforcée par la création de la première chaire de géothermie de Suisse en 2009. Les compétences en modélisation mathématique que le centre développe au fil des années se voient soutenues par la création d’une chaire spécifique en 1999. C’est en 2008 que se renforcent les aspects qualité et contamination des eaux, avec la création d’une chaire occupée par Daniel Hunkeler qui devient directeur du CHYN deux années plus tard.

Né voilà tout juste cinquante ans, le CHYN puise ses racines dans un passé plus ancien, et dont il est en quelque sorte l’aboutissement. En 1832, Louis Agassiz occupe la toute nouvelle chaire de sciences naturelles de l’académie de Neuchâtel, qui deviendra l’université de Neuchâtel en 1909, et dont il contribue à la renommée scientifique pendant quinze ans. Réputé pour ses travaux précurseurs prouvant l’existence d’un âge glaciaire dans le passé de la Terre et son influence sur la géologie, Louis Agassiz est considéré comme l’un des plus grands scientifiques de son temps.

D’autres scientifiques de renom marquent ensuite l’histoire de l’Institut de géologie, tel Émile Argand, pionnier de la tectonique et dont les travaux sur les Alpes occidentales deviennent une référence pour les géologues et sont toujours d’actualité. Eugène Wegmann, Jean-Paul Schaer, Bernard Kübler, Francis Persoz et Martin Burkhard se succèdent à sa suite à la direction de l’Institut, qui au fil des années pose les solides fondations sur lesquelles sera bâti l’actuel CHYN.

En 2008, l’Institut de géologie historique et le CHYN, qu’il abrite depuis 1965, fusionnent en une seule structure, dont l’identité se décline désormais sous le nom de Centre d’hydrogéologie et de géothermie de l’université de Neuchâtel, qui compte parmi les plus grandes équipes dans ces domaines en Europe.

 Retour sommaire

Eau étiquetée 20 000 ans d’âge

La nature et le degré d’activité des éléments chimiques identifiés dans l’eau sont des marqueurs infaillibles de l’âge. Le tritium et le crypton 85 sont révélateurs de jeunesse, quand le carbone 14 fait passer l’échelle de temps de quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers d’années. Les isotopes stables de l'eau mesurés dans l’aquifère nubien ouvrent une fenêtre de temps plus grande encore. Dans de nombreuses zones, les eaux souterraines se sont infiltrées dans des conditions climatiques tout autres qu'aujourd'hui, il y a 10 000 à 20 000 ans, à l’époque où le Sahara était vert ! (cf. en direct n° 239, novembre – décembre 2011). « De l’eau fossile !, depuis longtemps piégée dans le sol et qui n'est plus renouvelée, souligne Daniel Hunkeler, ce qui interroge sur une gestion durable de cette ressource. »

D’une surface de 250 000 km², l’aquifère nubien fait l’objet d’une modélisation de la part des scientifiques neuchâtelois, pour en vérifier son évolution. Le réservoir peut-il être suffisamment alimenté compte tenu de la faible quantité de pluie et du grand potentiel de l'évaporation liée à la chaleur ? Les recherches ont conduit à la création d’un master en hydrogéologie au Tchad, soutenu par le CHYN, pour assurer sur place la gestion des ressources et de la qualité de l’eau.

Au Kenya, la fourniture en eau du camp de réfugiés de Dadaab, réputé le plus grand du monde avec 500 000 personnes, pose également le problème des capacités d’alimentation de l’aquifère. Mandaté par le Haut-Commissariat aux réfugiés, le CHYN y étudie volume et qualité des ressources en eau depuis cinq ans. Une trentaine d’enregistreurs automatiques envoient les informations en Suisse via GSM, des données complétées par l’analyse d’images satellites prises lors d’épisodes de crues. Au CHYN, et parmi d’autres engagements à vocation humanitaire sur des terrains également sensibles, l’hydrogéologue Ellen Milnes dirige les opérations. Les conclusions récemment obtenues sont plutôt optimistes. « Le système est long et inerte, les réserves sont toujours très bonnes et l’alimentation semble supérieure à ce qui était estimé. La pluviosité du Mont Kenya est importante, provoque des crues, des inondations et amène de l’eau dans la plaine, qui s’infiltre en cours de route et alimente le réservoir par capillarité. »

Une thèse, en voie de conclusion, indiquera bientôt l’intensité de crue nécessaire pour que l’infiltration de l’eau soit supérieure à son évaporation. Les appareils de mesure renseignent aussi sur la qualité de l’eau. « Le réservoir est une lentille d’eau douce entourée d’eau salée, poursuit la spécialiste. La crainte était de voir l’eau douce « polluée » par l’eau salée, la rendant impropre à la consommation. Les analyses sont rassurantes sur ce point également. »

Retour sommaire

De l’observation de terrain à la modélisation

L’ensemble des informations collectées donne lieu à modélisation mathématique pour établir des simulations et des projections à long terme. Le CHYN développe depuis 2007 son propre outil informatique, auquel un cluster comptant pas moins de 128 machines apporte plus de flexibilité et de rapidité que les solutions existant sur le marché. Le système s’adapte aux 400 kilomètres de longueur du réservoir kenyan, mais concerne aussi des étendues beaucoup plus vastes, comme celle du Bassin parisien qui, des rives de la Manche jusqu’au Jura et au Massif Central, est le modèle hydrogéologique le plus impressionnant développé au CHYN. Pierre Perrochet en supervise l’élaboration.

« Les échelles, non seulement spatiales, mais aussi temporelles, sont telles qu’il est nécessaire de passer par la modélisation », explique-t-il. Car les simulations sur le Bassin parisien sont effectuées sur des échelles de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’années.

Les calculs de circulation de l’eau dans le sous-sol, jusqu’à 3 000 m de profondeur, prennent en compte les interactions avec la structure géologique, les eaux de surface et le climat. Le modèle du Bassin parisien représente la seule « carte » hydrogéologique de cette taille. Mis à jour périodiquement, il est alimenté par les données récoltées à l’université et auprès de partenaires comme le BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières français.

Il donne lieu à l’étude de sous-ensembles, des « modèles de secteurs » comme celui de Bure en France. Situé dans le département de la Haute-Marne, ce site est pressenti pour l’enfouissement de déchets nucléaires par l’ANDRA, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. « À 500 m de profondeur, constitué d’une couche argileuse très imperméable, l’endroit présente de bonnes caractéristiques, mais appelle à de sérieuses simulations, donnant lieu à de multiples scénarios, pour évaluer tout risque de pollution. »

Vue en coupe d'un stockage de déchets nucléaires en sous-sol

Concept du futur stockage de déchets nucléaires du site de Bure (52) – ANDRA

Retour sommaire

Eau et instabilités de versants

Bien d’autres risques intéressent l’hydrogéologie, certains à très court terme. Au laboratoire Chrono-environnement, Catherine Bertrand est spécialiste des aquifères fissurés de socle, où l’eau circule dans des fissures de la roche. Elle étudie la capacité des écoulements d’eau à provoquer ou aggraver les instabilités de versants, dont les sites de Séchilienne (38) et de La Clapière (04) dans les Alpes sont des exemples extrêmes et comptent parmi les sites les plus surveillés au monde.

Le glissement de La Clapière, dont le volume en mouvement est estimé à près de 60 millions de m3, est reconnu le plus important d’Europe. Les deux sites connaissent un regain d’activité brutal et inattendu depuis les années 1980, responsable à plusieurs reprises de la chute de blocs importants, avec comme conséquence sur le site de La Clapière la fermeture d’une route qui passait au pied du glissement.

À Séchilienne, le déplacement de la zone la plus active du massif est de 2 mètres par an. Moins spectaculaire à La Clapière, il est de 70 centimètres par an, mais fait suite à un déplacement du massif de 125 mètres en quinze ans ! Sur ces sites, les dispositifs de prévention s’accompagnent de mesures de surveillance pour comprendre les mécanismes en jeu, et si possible les anticiper.

Le suivi géochimique des écoulements d’eau, mis en place par Aurélien Vallet lors de sa thèse de doctorat, est un outil novateur qui, à terme, pourrait servir la prévision. Le sulfate est l’élément chimique de prédilection dans les analyses. Provenant exclusivement de la dissolution de la pyrite, il est plus facile à interpréter que les autres éléments, issus de différentes sources minérales.

« Nous avons mis en évidence qu’à chaque déplacement du massif, la présence de sulfates dissous dans l’eau est plus conséquente, elle correspond à un broyage important de la roche », explique Catherine Bertrand. Les études révèlent par ailleurs que la conductivité électrique mesurée est en partie expliquée par la concentration en sulfates. « L’acquisition en continu de la conductivité électrique est pertinente pour le site de Séchilienne, et peut se substituer au suivi chimique à partir du moment où le lien est établi entre conductivité / éléments chimiques / origine des éléments chimiques. Elle pourrait donc suffire à elle seule à être reliée à l’instabilité, et servir à élaborer une méthodologie déclinable à différents sites pour alléger les suivis. »

Il s’agit désormais d’essayer de reproduire les processus observés sur le terrain dans des études de laboratoire, et d’en tirer des modèles. Partant du modèle géochimique de l’eau et en le couplant à des modèles mécaniques, il deviendrait possible de mieux comprendre le processus de déstabilisation des versants et d’anticiper les déplacements.

Retour sommaire

Exploiter la chaleur de la Terre

Comprendre comment fonctionne le sous-sol et s’établit la circulation de l’eau est aussi un impératif pour en exploiter les ressources par le biais de la géothermie. La géothermie profonde se développe en Suisse et ailleurs comme une alternative renouvelable, locale et disponible en permanence pour la production d’électricité. Pour convertir la chaleur en électricité de manière efficace, il faut obtenir des températures de plus de 110°C, nécessitant généralement des forages de 3,5 kilomètres de profondeur ou plus. À cette profondeur, les massifs rocheux sont souvent trop peu perméables pour permettre la circulation de fluides, nécessaire à l’extraction de la chaleur. Dans ces systèmes dits pétrothermaux, il faut alors développer les fractures existantes ou en créer de nouvelles, par l’injection d’eau à forte pression, pour créer la perméabilité requise.

On parle de stimulation du réservoir. Son transit une fois assuré, l’eau se charge de la chaleur des roches en sous-sol avant de remonter en surface par l’intermédiaire d’un second puits. Au CHYN, Benoît Valley étudie les interactions entre les fluides, les caractéristiques du sous-sol et les contraintes tectoniques, et fournit ainsi les données quantitatives nécessaires à l’élaboration de simulations numériques qui, sous la houlette de Stephen Miller, reproduisent les processus en jeu lors du développement de la perméabilité.

Au sein du projet européen IMAGE, Benoît Valley et ses collègues de l’ETH Zurich cherchent à mieux comprendre les relations entre fractures et contraintes. « Les variations des contraintes pourraient être utilisées pour déterminer la distribution statistique de la longueur et de la connexion des fractures entre elles, un élément de connaissance essentiel car les caractéristiques du réseau de fractures conditionnent directement la circulation des fluides. » En parallèle, ces informations permettront de mieux anticiper l’occurrence d’événements microsismiques dans le réservoir, une réponse induite par la création de perméabilité. « Savoir à l’avance quelle serait la distribution des magnitudes des événements microsismiques permettrait d’optimiser les opérations de stimulation du réservoir, et d’éviter l’abandon de projets, comme cela a déjà été le cas à Bâle », explique Benoît Valley. La capacité à exploiter des systèmes pétrothermaux avec succès va dépendre du développement de ces connaissances et des technologies associées.

Une meilleure compréhension des conditions du sous-sol est également nécessaire pour le développement de systèmes hydrothermaux, c’est-à-dire des situations où une perméabilité naturelle suffisante existe grâce à la présence d’une faille ou d’une roche naturellement perméable.

Dans les deux cas, la chaleur résiduelle ne servant pas directement à alimenter la production d’électricité pourrait être utilisée pour approvisionner une industrie ou chauffer une ville située à proximité. Cette double valorisation de l’énergie extraite favorise la viabilité économique des projets et s’inscrit dans une optique d’utilisation optimale de la ressource exploitée. « C’est aussi dans cet objectif de chauffage à distance que nous étudions les possibilités offertes par la géothermie à des profondeurs intermédiaires, explique Benoît Valley. Le pompage d’eau à deux kilomètres de profondeur, avec une température de 50°C à 70°C, peut remplir le même rôle que la chaleur résiduelle issue de la géothermie profonde. »

Le CHYN, membre fondateur d’un Centre de recherche énergétique suisse (SCCER), né en 2014 et où il est beaucoup question de géothermie, témoigne de son dynamisme dans ce domaine à l’interne également, avec le renforcement récent et exemplaire de son équipe scientifique.

Retour sommaire

Où trouver le plus de chaleur dans le Jura ?

Du moins dans son sous-sol… C’est l’une des nombreuses questions auxquelles devrait pouvoir répondre le modèle géologique du massif du Jura, en projet au CHYN : où trouver le plus de chaleur : dans les roches, les grottes, les rivières souterraines ? Quelle est l’influence de la circulation d’eau froide sur le potentiel d’exploitation de la géothermie ? À quelles contaminations s’expose l’eau au cours de son trajet ? Et quelles sont les réserves disponibles ? La modélisation, agrégeant des calculs de toutes sortes sur des données existantes, ne concerne que le versant suisse du massif. Non pas par chauvinisme, mais parce que le Doubs est une frontière hydrogéologique. « Avec le type de relief que présente le Jura, il n’existe que peu d’échanges sous la rivière ; le Doubs est une frontière naturelle, même en sous-sol ! », explique Pierre Perrochet.

 Retour sommaire

Mesures hydrogéologiques prises dans un lac

Photo CHYN

 

Contacts :
Université de Neuchâtel – Centre d’hydrogéologie et de géothermie de Neuchâtel
Daniel Hunkeler – Tél. (0041/0) 32 718 25 60

Ellen Milnes – Tél. (0041/0) 32 718 25 94 

Pierre Perrochet – Tél. (0041/0) 32 718 25 77

Benoît Valley – Tél. (0041/0) 32 718 26 00

Université de Franche-Comté – Laboratoire Chrono-environnement
Catherine Bertrand – Tél. (0033/0) 3 81 66 65 49 

Sophie Denimal – Tél. (0033/0) 3 81 66 61 71 

Marc Steinmann – Tél. (0033/0) 3 81 66 65 46 

Cybèle Cholet – Tél. (0033/0) 3 81 66 65 46 

Aurélien Vallet – Tél. (0033/0) 3 81 66 64 31

 

Retour sommaire

Retour en haut de page

 

retour