Université de Franche-Comté

Les bactéries se mouillent
pour sauver des épaves

 

Bien choisies, certaines bactéries sont à même de prévenir les dommages causés aux bateaux engloutis et autres vestiges en bois ressurgis des mers et du passé, lorsqu’ils reprennent contact avec le grand air.

 

Le 10 août 1628, lors de son voyage inaugural, le navire de guerre suédois Vasa sombrait par 32 mètres de fond à 120 m à peine du rivage. Une histoire légendaire, sortie de l’oubli en 1961 lorsqu’il fut enfin possible d’extraire le vaisseau des eaux et des sédiments dans lesquels il reposait depuis plus de 3 siècles.

Dans un état de conservation exceptionnel, le bateau est alors traité avec du polyéthylène glycol (PEG) dont le rôle est de prendre la place de l’eau dans les pores du bois pour éviter que celui-ci ne se désagrège. Efficace, ce traitement n’est cependant pas toujours suffisant sur la durée. Au début des années 2000, les experts constatent l’apparition de sels soufrés sur la coque du Vasa ; dus à l’oxydation de sulfures formés dans l’eau et infiltrés dans le bois, ils sont susceptibles d’endommager gravement le bateau. Les éléments en fer, comme les clous, sont également sujets à oxydation et produisent des effets similaires sur la structure ligneuse. Pour contrer ces processus délétères, les scientifiques veulent extraire les composés incriminés en préalable à tout traitement de conservation du bois. C’est l’idée développée par la chimiste Édith Joseph et ses collaborateurs à l’UniNE et à la HE-Arc Conservation-restauration, qui recourent à des bactéries pour extraire les composés soufrés et ferreux du bois, dans un projet baptisé MICMAC (1).

Les expériences montrent l’efficacité du procédé d’extraction biologique, qui semble se comparer avantageusement aux méthodes chimiques pour sa compatibilité avec le PEG et pour sa capacité à mieux respecter la teinte d’origine des bois. La stabilisation des structures ainsi traitées doit désormais être vérifiée sur le long terme. La suite du projet verra également si la méthode nécessite des adaptations en fonction des applications, ou si elle peut être considérée comme universelle.

 

(1) Financé par le Fonds national suisse, le projet MICMAC, initialement prévu pour 4 ans et clos en juillet dernier, a été reconduit pour 2 ans et demi. Porté par l’Université de Neuchâtel, il reçoit la collaboration notamment de la Haute Ecole Arc Conservation-restauration, du Service archéologique du canton de Berne, du Musée national suisse, et plus récemment du Laboratoire de conservation-restauration et de recherche Arc’Antique (Nantes).
Photos : épave du navire de guerre exposée au musée Vasa à Stockholm

 

 

De la recherche à la prestation de service

En 15 années de recherche, l’équipe menée par Édith Joseph a apporté la preuve de l’efficacité naturelle de certains champignons et bactéries pour protéger ou nettoyer le cuivre, le fer, le zinc ou encore l’aluminium. Les biopatines mises au point sont uniques pour le traitement biologique des métaux et ont réussi à s’imposer sur le marché de la conservation-restauration. L’équipe assure des prestations de service ainsi que des séances de formation à destination des professionnels du domaine. Le développement de méthodes durables pour la conservation des bois gorgés d’eau est une nouvelle démonstration de son savoir-faire.

 

Contact(s) : Laboratoire de technologies pour les matériaux du patrimoine (LATHEMA)
Université de Neuchâtel
Édith Joseph
Tél. + 41 (0)32 718 22 35
Haute Ecole Arc Conservation-restauration
Tél. +41 (0)32 930 19 39
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