Université de Franche-Comté

L'épithélium olfactif, une source potentielle de cellules-souches nerveuses pour le traitement des maladies neurodégénératives

L'étude de l'épithélium olfactif est au coeur des recherches de l'équipe de Neurosciences* de l'université de Franche-Comté. Cet épithélium, qui tapisse les cavités nasales, contient des neurones, cellules sensorielles pourvues de cils, dans lesquels sont insérés les récepteurs aux différentes molécules odorantes. La stimulation de ces récepteurs, qui sont pour la plupart des molécules à 7 domaines transmembranaires, active une protéine G particulière, Gaolf, puis l'adénylate cyclase III. Le taux d'AMP cyclique augmente alors et les canaux cationiques dans la membrane du neurone s'ouvrent, ce qui déclenche une dépolarisation membranaire. Une autre voie de transduction active la phospholipase C qui clive le phosphatidylinositol diphosphate en diacylglycérol et inositoltriphosphate (IP3). Ce dernier entraîne une élévation du taux de calcium dans le cytoplasme.

•  Une originalité de l'épithélium olfactif réside dans sa capacité à régénérer complètement ses neurones sensoriels après leur destruction (fig. 1), à partir de cellules-souches (les cellules basales globulaires) disposées à la partie basale de la muqueuse olfactive et que l'on peut détecter grâce à divers marqueurs spécifiques. Cette régénération peut être déclenchée facilement chez les souris : l'instillation nasale d'une solution de sulfate de zinc détruit tous les neurones sensoriels et une grande partie des cellules de l'épithélium. Les cellules basales de l'épithélium peuvent alors se diviser pour produire de nouveaux neurones olfactifs.
figure 1 : en haut, épithélium olfactif témoin ; au milieu, après action du sulfate de zinc ; en bas, épithélium régénéré 35 jours après destruction

•  Les mécanismes cellulaires impliqués dans le contrôle du cycle cellulaire des cellules basales et leur modification en fonction de l'âge ont été étudiés par l'équipe : la division cellulaire des neurones est bloquée par des inhibiteurs spécifiques des kinases cycline-dépendantes, moteurs du cycle cellulaire. Ceci permet l'expression des gènes impliqués dans l'acquisition de la fonction olfactive et donc la différenciation des neurones en neurones olfactifs. La reprise du cycle cellulaire peut être constatée et quantifiée grâce à des marqueurs spécifiques du cycle cellulaire. Il est ainsi possible de comparer la capacité de renouvellement de la muqueuse olfactive entre des souris jeunes et adultes. S'il y a bien une diminution sensible du taux de renouvellement au cours des 6 premiers mois de la vie, elle n'altère pas la récupération fonctionnelle. La restauration complète de la hauteur initiale de l'épithélium et la maturation totale des neurones olfactifs ne semblent donc pas nécessaires à la récupération des capacités olfactives.

• La destruction et le renouvellement de l'épithélium olfactif adulte s'accompagnent de l'expression d'une protéine particulière, nommée YM1, découverte par d'autres auteurs dans des tissus différents et qui pourrait être une lectine, molécule qui se fixe sur certains radicaux présents à la surface des cellules. Le rôle et la signification de cette protéine sont actuellement étudiés, et notamment l'influence du sel de cadmium sur son expression dans l'épithélium olfactif. Ce dernier apparaît ainsi comme une source de précurseurs neuronaux ayant conservé la capacité de se diviser avant de se différencier en neurones olfactifs.

•  Les travaux de l'équipe portent actuellement sur la possibilité d'isoler ces cellules souches et de les faire multiplier en culture in vitro (fig. 2) en les stimulant par des facteurs de croissance mitogènes.
figure 2 : neurones de l'épithélium olfactif en culture in vitro

• Cette étape des recherches constitue la contribution du laboratoire de Neurosciences au programme de « bionez » initié, à l'université de Franche-Comté, par l'équipe Nanométrologie et microsystème pour les sciences du vivant du laboratoire d'Optique P. M. Duffieux (LOPMD) et incluant la culture des neurones sur un polymère conducteur mis au point par le laboratoire de Chimie des matériaux et interfaces (cf. en direct n° 168 de décembre 2002).

•  Plus globalement, la finalité envisagée est de contrôler la différenciation des neurones pour en produire d'autres types qu'olfactifs, soit en utilisant des facteurs de différenciation spécifiques, soit en greffant les neurones au contact d'autres tissus nerveux. Des résultats intéressants et importants ont déjà été obtenus par plusieurs équipes à partir de cellules-souches nerveuses prélevées dans le lobe de l'hippocampe du cerveau. L'épithélium olfactif pourrait ainsi représenter une source potentielle de cellules souches, faciles à prélever par une simple biopsie et susceptibles de permettre une greffe autologue**. La présence de cellules actives introduites dans les tissus sénescents est une piste pour le traitement des maladies neurodégénératives. Ainsi la possibilité d'induire une transdifférenciation de ces cellules souches olfactives en photorécepteurs (qui expriment la même adénylate cyclase III) et l'effet réparateur éventuel de ces cellules souches olfactives sur le vieillissement de la rétine vont être étudiés.

 

Alain Propper – Claudine Botteri
Laboratoire de Neurosciences
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 57 72
alain.propper@univ-fcomte.fr
claudine.botteri@univ-fcomte.fr

 

 

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