Université de Franche-Comté

[Légendes mécaniques]

Un mythique véhicule De Dion-Bouton en cours de restauration à la HE-Arc

Au tournant du XIXe siècle, le quadricycle à moteur De Dion-Bouton préfigure l’avènement de l’automobile et témoigne de l’ingéniosité de ses concepteurs. Un exemplaire de ce véhicule étonnant est livré à l’expertise des spécialistes de la Haute Ecole Arc Conservation-restauration : ils en assurent la restauration à des fins scientifiques et pédagogiques, et en vue de son exposition en musée.

Si elle n’est pas passée inaperçue, l’arrivée d’une De Dion-Bouton 1897 dans les locaux de la Haute Ecole Arc a tout de même manqué d’un peu de panache : c’est que le temps et la rouille n’ont pas épargné le vénérable véhicule, malgré les soins en conservation que lui a prodigués son propriétaire, le Musée national de l’automobile – Collection Schlumpf de Mulhouse.

C’est donc dans un état avancé de vieillissement que ce qu’il convient de nommer un quadricycle à moteur a rejoint les ateliers de l’école. Ce n’est d’ailleurs pas dans l’objectif de lui rendre toute sa superbe, ni même pour le voir à nouveau rouler que les deux institutions ont conclu un accord de partenariat pour sa restauration : il s’agit avant tout de remonter le fil de son histoire et de préserver sa mémoire.

Le quadricycle avant traitement – Photo HE-Arc

Plus tout à fait un vélo et pas encore une auto, le quadricycle à moteur est composé d’un train arrière motorisé sur lequel vient se poser le cadre muni de la selle, et un module avant comprenant le guidon et une petite banquette placée devant lui, sur laquelle peut s’installer un passager.

Conservateur-restaurateur d’objets techniques à la HE-Arc où il est chargé de cours, Guillaume Rapp a guidé cinq de ses étudiants pendant tout un semestre sur le chemin de la restauration du quadricycle. « Ce projet donne l’opportunité de mener des recherches sur les matériaux et de comprendre le fonctionnement du moteur, qui à l’époque était à la pointe de la technique. »
Les moteurs à essence des différents tricycles et quadricycles mis sur le marché à cette époque atteignaient 300 à 500 tours/mn. Grâce aux améliorations novatrices qui lui avaient été apportées, le moteur De Dion-Bouton tournait, lui, à plus de 1 000 tours/mn, une révolution qui a en grande partie posé les bases de la fabrication automobile : le système d’allumage inventé alors a traversé le temps, il a fondé la technologie sur laquelle fonctionne toujours l’allumage des moteurs thermiques.

Découvrir ces éléments techniques sur un véhicule d’époque représente une expérience unique, mais ne dispense pas de prendre des renseignements complémentaires. « Les informations que fournit l’observation d’un tel objet sont confrontées à d’autres sources, comme des documents techniques ou des témoignages issus d’archives. Cette démarche donne les moyens de comprendre et d’interpréter de façon plus sûre ce que nous avons sous les yeux. »

Respecter la conception d’époque

Le quadricyle après traitement – Photo HE-Arc

L’ allumage, la carburation, le refroidissement sont étudiés et retranscrits dans des croquis et des dessins côtés ; des tests simples et efficaces permettent de juger l’état et les capacités du moteur. Le démontage de ses différentes pièces, de la boîte à vitesses, du système de freinage, souvent très corrodées, nécessite un savoir-faire particulier et minutieux, protégeant au maximum du risque de casse ou d’altération.

Comptant au nombre des méthodes employées, le nettoyage cryogénique, sorte de « sablage » à base d’air comprimé et de glace carbonique, ne laisse aucun résidu ni aucune trace d’eau sur les pièces : les particules projetées se gazéifient immédiatement. Le brossage métallique, auquel il est souvent fait recours, est adapté en fonction du type de surface et de son état. « L’expérience fournit peu à peu matière à l’élaboration d’un protocole de restauration des objets techniques, c’est l’un de nos objectifs. »

Toutes les pièces et matières sont visées par un examen approfondi pour documenter l’objet et mieux le restaurer : cuirs, peinture d’origine, matériaux ferreux du châssis…
Même très dégradé, le cuir de la selle par exemple fait l’objet d’une remise en forme délicate, pour que ce modèle d’assise jugé très particulier puisse être conservé.

Photo d’un quadricyle à moteur De Dion-Bouton

« Les recherches menées sur des objets ethnographiques et archéologiques donnent à notre département une connaissance spécifique pour la restauration et la conservation d’objets organiques très abimés, que nous pouvons utiliser pour les objets techniques », explique Guillaume Rapp.

Toujours dans l’optique de rester au plus près de la conception de l’époque et de l’état d’origine du véhicule, ce sont des pneus de couleur blanche qui habilleront les roues : les pneus noirs n’apparaitront en effet qu’à la fin des années 1920. « Il nous paraît important de conserver autant que possible les pièces d’époque et fabriquées artisanalement, et de faire preuve de cohérence lorsqu’il est nécessaire d’intégrer des compléments contemporains dans la restauration. »

Léger, fiable et rapide, le quadricycle De Dion-Bouton a été produit à des milliers d’exemplaires et pendant de nombreuses années par la célèbre entreprise française, pilotée par l’aristocrate visionnaire De Dion et l’ingénieux mécanicien Bouton.

La restauration du spécimen confié à l’équipe de la HE-Arc est envisagée selon des normes et des techniques scientifiquement étudiées, permettant à la fois de garder la mémoire de la conception et de la fabrication du véhicule ainsi que les traces de son usage passé, et d’assurer la conservation du quadricycle dans le temps. « C’est un document que nous laissons pour les générations futures », conclut Guillaume Rapp.

Contact(s) :
HE-Arc Conservation-restauration
Guillaume Rapp
Tel : +41 (0)32 930 19 19
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