Université de Franche-Comté

Le rôle de l'immunosuppression dans l'athérosclérose après transplantation rénale


La prévalence de la maladie athéromateuse, ou athérosclérose, est augmentée chez les transplantés rénaux et provoque des maladies cardiovasculaires. Les raisons de cette  épidémie Ÿ tiennent à un excès de facteurs de risque traditionnels (hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète…) et non traditionnels (hyperhomocystéinémie, stress oxydant…). Les immunosuppresseurs, nécessaires à une transplantation, y contribuent. Par contre, le rôle direct de l'immunosuppression est moins connu.
• L'athérosclérose est une maladie inflammatoire. Les différents acteurs de la réponse immune, cellulaire et humorale, interviennent à tous les stades de maturation de la plaque d'athérome. Il s'agit d'une immunité spécifique avec des antigènes clairement identifiés (LDL oxydées, virus dont le cytomégalovirus, ou CMV) et non spécifiques. Les modèles animaux, également, ont largement contribué à la compréhension du rôle de la réponse immunitaire dans l'athérogénèse. Pourtant, un certain nombre de points contestent l'universalité de ces remarques et viennent contredire cette thèse généralement admise. D'une part, dans certains modèles animaux, l'immunosuppression aggrave l'évolution de l'athérosclérose. Un puissant immunosuppresseur, les globulines anti-lymphocytaires polyclonales, semble augmenter la mortalité cardiovasculaire après transplantation rénale. D'autre part, la lymphopénie CD4*, marqueur d'immunosuppression acquise après infection par le VIH ou exposition à des radiations, est associée à une augmentation du risque de complications cardiovasculaires. Elle est également un marqueur de sur-immunosuppression chez le transplanté rénal. L'équipe Interaction hôte-greffon et ingénierie cellulaire et génique en transplantation a en effet montré que les transplantés rénaux lymphopéniques avaient un risque accru de cancers et d'infections opportunistes.
• Afin d'explorer le rapport éventuel entre immunosuppression et athérosclérose, l'impact du taux de CD4 sur le risque de complications athéromateuses a été analysé dans une étude prospective incluant 302 transplantés suivis pendant 2 ans. Les conclusions montrent qu'il existe une relation inverse et linéaire entre taux de CD4 et risque cardiovasculaire. Néanmoins, le lien physiopathologique entre lymphopénie CD4 et athérosclérose restait à ce stade difficile à expliquer.

Trois hypothèses ont fait l'objet de recherches complémentaires :
• La première était que l'immunosuppression per se contribuait à l'athérogénèse. Cette conjecture a été écartée par les résultats de trois études de cohortes successives. Celles-ci ont en effet montré qu'un marqueur de la réponse inflammatoire précoce, la C-reactive protein (CRP), prédisait le risque de complication cardiovasculaire, tout comme la réponse humorale dirigée contre les phospholipides. Un autre résultat abonde dans ce sens. Le LPS, antigène bactérien, facteur de virulence, est associé à un récepteur cellulaire, le TLR-4. Celui-ci possède un polymorphisme qui, lorsqu'il est présent, induit une plus faible réponse inflammatoire. Il a été montré que le polymorphisme de TLR-4 conférait un risque accru de complications infectieuses, mais avait en revanche un effet protecteur vis-à-vis des complications cardiovasculaires. Ainsi, ces résultats confirment qu'un état pro-inflammatoire contribue à accélérer l'athérogénèse.
• La deuxième hypothèse postulait que chez les patients lymphopéniques, des infections virales plus fréquentes et/ou plus sévères contribuaient à la progression de l'athérosclérose. L'absence de lien entre infections au cytomégalovirus et athérosclérose plaidait néanmoins contre cette théorie.
• La dernière hypothèse supposait que la lymphopénie CD4 correspondait en réalité à une absence d'expansion de lymphocytes de type anti-inflammatoire (Th2, TR1). En effet, des données chez l'animal suggèrent une expansion de type Th2 après utilisation de globulines anti-lymphocytaires polyclonales. La polarisation de la réponse T influençait-elle le risque athéromateux après transplantation ? D'une part, l'équipe a étudié différents polymorphismes de promoteurs de cytokines et montré que les patients ayant un profil faible sécréteur d'IL-10 et/ou fort sécréteur de TNF- avaient un risque athéromateux accru. D'autre part, la réponse T en Elispot à des antigènes viraux a permis de montrer que les patients ayant des antécédents athéromateux avaient une plus faible réponse IL-10 à ces stimuli. Ces données suggèrent que la polarisation lymphocytaire joue un rôle dans la physiopathologie de l'athérosclérose post-transplantation.

* Maladie caractérisée par la diminution du nombre de lymphocytes.

 

Didier Ducloux
Équipe Interaction hôte-greffon et ingénierie
cellulaire et génique en transplantation
IFR Ingénierie et biologie cellulaire et tissulaire
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 21 87 82
dducloux@chu-besancon.fr

 

 

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