Université de Franche-Comté

Le réfrigérateur, bijou du XXe siècle

Salon des Arts ménagers au Grand Palais, 1950. Fonds Association Arts ménagers

Né de l’esprit d’innovation et de l’acharnement des scientifiques et des techniciens pendant de nombreuses années, le réfrigérateur est un objet culte du XXe siècle. Avec plus ou moins d’empressement selon les pays, il investit massivement les cuisines après avoir été un objet de luxe réservé à une élite, « un bijou rêvé » comme le raconte Aurélie Brayet, spécialiste en histoire des techniques, dans son ouvrage Un Frigidaire et nous serons heureux !

Histoire à compartiments

Objet (du) quotidien par excellence, le réfrigérateur est à lui seul une aventure technique, sociale et culturelle, une histoire symbolique à plus d’un titre que la chercheuse a étudiée lors de sa thèse préparée à l’UTBM, et qu’elle relate dans ces pages.
Aux États-Unis, il ne faut pas plus de 20 ans pour que le réfrigérateur, dont les débuts timides datent des années 1930, prenne toute sa place dans la cuisine ; dès les années 1960-1965, le taux d’équipement des ménages américains atteint plus de 90 %. En France, il faut attendre les années 1950 pour que le réfrigérateur entre progressivement dans les foyers. Si aujourd’hui la quasi-totalité de la population est équipée, à peine 8 % des Français possédaient un frigo en 1956. Outre un certain retard technique dans l’Hexagone, les ménages français font preuve à cette époque d’une réticence voire d’un blocage psychologique vis-à-vis d’un objet qui ne leur semble pas d’une utilité fondamentale. « Ils se laissent peu à peu convaincre à l’idée de boire frais et d’éviter des allers-retours quotidiens pour assurer l’approvisionnement alimentaire de la famille », raconte la chercheuse.
Le garde-manger et la glacière traditionnels cèdent peu à peu la place à ce « meuble » qui, en produisant du froid de façon constante, permet de conserver les aliments en toute sécurité et de réaliser des économies.

Concentré de connaissances et d’inspiration

Dans la longue histoire de la maîtrise du froid, le réfrigérateur est un substitut à la glace naturelle importée de pays aux climats rigoureux, pour laquelle le risque de développement des bactéries pose un problème de santé publique, et à la glace artificielle, une solution qui ne remporte pas l’adhésion. Il répond aux préoccupations hygiénistes naissantes, aussi bien au niveau politique qu’au cœur des foyers. Il est un aboutissement à de nombreux travaux de recherches menés à travers le monde, et représente un concentré de connaissances sur la réfrigération, l’un des enjeux scientifiques et techniques du XXe siècle. Érigé en symbole, il inspire les designers et les artistes, investit les Arts ménagers et passionne la publicité. Objet de désir passé à la consommation de masse, il témoigne des transformations de son époque et plus encore, participe à l’évolution de la société en permettant aux familles d’adopter de nouvelles habitudes et de nouvelles manières de fonctionner.
Ce sont donc plusieurs histoires en une qui se cachent derrière la porte d’un réfrigérateur, aujourd’hui aussi indispensable qu’invisible, aussi banal que précieux. Aurélie Brayet n’en omet aucun chapitre, démontrant avec ce livre tout l’intérêt et toute la valeur d’un humble objet du quotidien pour la connaissance historique.

Brayet A., Un Frigidaire et nous serons heureux ! Histoire technique et culturelle du réfrigérateur, Pôle éditorial de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard, 2019
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