Comme la majorité des galaxies de forme spirale que compte l’Univers, la Voie lactée est formée d’un bulbe entourée d’un disque, au total habités par deux cents milliards d’étoiles. Une étude internationale combinant observation du ciel et modélisation numérique vient de lever un coin du voile sur le mystère de la formation du bulbe de la Voie lactée, et d’apporter une réponse à une question qui anime la communauté scientifique depuis des décennies.
Pilotée par l’université de Californie, l’étude a été menée depuis l’Observatoire interaméricain de Cerro-Tololo au Chili et concerne plusieurs millions d’étoiles.
La partie simulation, qui aide à interpréter de manière fiable les données recueillies, a été assurée à l’Observatoire de Besançon par les astrophysiciennes Annie Robin et Nadège Lagarde.
L’étude a su faire parler les étoiles composant le bulbe galactique, qui avouent l’âge canonique de dix milliards d’années. Très anciennes, mais toutes sensiblement du même âge : c’est donc un processus bref et unique de formation des étoiles qui aurait donné naissance au cœur de notre galaxie. L’hypothèse avait déjà été émise par certains scientifiques ; sa confirmation bat en brèche la supposition inverse, selon laquelle plusieurs épisodes de formation des étoiles auraient été nécessaires au cours du temps. « De précédentes investigations sur la composition du bulbe faisaient état d’une cohabitation entre étoiles jeunes et anciennes ; on a pu constater avec cette nouvelle étude que les jeunes étoiles, datées d’environ trois milliards d’années, appartiennent en réalité au disque de la Voie lactée. »
« L’erreur d’appréciation provenait du fait que notre système solaire est situé quasiment sur la tranche du disque, et donc que notre poste d’observation depuis la Terre ne nous permet qu’une vue rasante sur la Galaxie : lorsque nous regardons vers son centre, les étoiles jeunes se situent sur notre trajectoire, en avant-plan des plus anciennes. » Les moyens technologiques aujourd’hui mis en œuvre ont eu raison de cette perspective trompeuse. En prenant en compte plusieurs millions d’étoiles, l’étude a ouvert une fenêtre d’observation de dimensions inédites ; les données recueillies au télescope ont été confrontées aux simulations que permet le modèle de Besançon, reconnu par la communauté scientifique pour être l’un des seuls au monde à synthétiser l’ensemble des connaissances portant sur les objets célestes de la Galaxie. Forte de ces approches complémentaires, l’étude a livré des informations donnant enfin aux scientifiques la possibilité de s’affranchir du biais introduit par l’angle d’observation.
Les 400 000 images capturées par le télescope ont été converties en données numériques indiquant la luminosité, la couleur, le mouvement propre et la composition chimique d’étoiles observées à une profondeur encore jamais atteinte à l’intérieur du bulbe. La spectroscopie a par ailleurs révélé une abondance d’éléments métalliques dans leur composition. « L’accumulation d’éléments chimiques lourds est le résultat d’un lent processus dans le milieu stellaire, ce sont donc en principe les étoiles récentes qui en contiennent le plus. Ici, c’est le contraire. La situation semble paradoxale, elle tend cependant à conforter le scénario selon lequel ces étoiles se sont rapidement formées à une période où le gaz, à l’origine de toute création d’étoile, devait être extrêmement dense et s’enrichissait rapidement en métaux dans le milieu qui allait donner naissance au bulbe de la Voie lactée. »