Université de Franche-Comté

Le moustique tigre, espèce invasive en voie de prolifération

Plus de quinze ans de surveillance et de plans d’intervention pour contenir la pullulation du moustique tigre dans le canton du Tessin en Suisse apportent leurs résultats. Une expérience analysée dans une thèse en biologie soutenue à l’université de Neuchâtel, conseils pratiques à la clé, pour tenter de garder sous contrôle ce qu’il faut bien nommer un fléau sanitaire.

S’il doit son nom aux rayures qu’il porte, le moustique tigre, comme le félin, est aussi sanguinaire et dangereux. Porteur de vingt-sept virus différents, il est à lui seul un concentré de presque toutes les maladies transmises par les autres moustiques, hormis la malaria. La moitié de la population mondiale est menacée par les maladies transmises par les moustiques, dengue, fièvre jaune, malaria, Chikungunya, Zika…, ce qui fait du moustique l’animal le plus dangereux pour l’homme, et du moustique tigre l’un de ses plus redoutables représentants.

Originaire d’Asie, Aedes albopictus apparait pour la première fois en Europe en 1979, en Albanie. Mais c’est en Italie que son extension fulgurante est la plus documentée, depuis sa première identification à Gênes en 1990. Encouragé par le développement de la mobilité internationale, l’urbanisation et le réchauffement climatique, le moustique tigre se développe à une vitesse hallucinante et progresse inexorablement vers le Nord. Il fait l’objet de plans de surveillance et d’éradication dans de nombreux pays, comme en France où il est reconnu actif dans une vingtaine de départements. En Suisse au Sud des Alpes, le Tessin, qu’il est si facile de gagner depuis l’Italie voisine, fait l’objet d’un plan de surveillance préventive depuis 2000.  Eleonora Flacio est biologiste et responsable sur le terrain de la stratégie mise au point au Tessin, sur laquelle se base l’ensemble du programme suisse ; elle vient de soutenir une thèse à ce sujet à l’UniNE. « L’analyse des données montre qu’il faut s’attendre à ce que de nouvelles régions soient touchées sur le territoire, notamment le lac Léman et dans une moindre mesure le plateau suisse. »

Voyageur clandestin

Pour comprendre la prolifération de cette espèce invasive, il ne faut pas voir uniquement le moustique à l’âge adulte comme on en a l’habitude, mais l’imaginer sous la forme d’œuf ou de larve. L’un des moyens de transport favori des œufs est le pneu usagé, dont le commerce vers l’Italie a été responsable de l’introduction du moustique dans la péninsule. Les adultes pondent en effet leurs œufs à proximité de milieux humides et d’eaux stagnantes, comme on peut en trouver dans des pneus stockés à l’extérieur, qui offrent en outre un abri favorisant l’éclosion des œufs et leur développement. Pas de commerce de pneus usagés vers la Suisse ? Qu’importe. Les adultes se glissent dans les habitacles des voitures et des camions pour franchir le Saint-Gothard en toute impunité. Le moustique s’installe à la campagne ou en ville, où il se reproduit dans l’eau présente dans les soucoupes des pots de fleurs, gamelles oubliées ou autres chéneaux obstrués par la végétation.

Fléau à priver d’eau

Dans sa thèse, Eleonora Flacio explique que les méthodes de gestion mises en place au Tessin ont porté leurs fruits. « Dans les zones frontalières, les densités de population de Aedes albopictus sont trois fois moindres côté suisse que côté italien. » S’il apparait impossible d’éradiquer purement et simplement le moustique, limiter ses densités de population semble bien à la portée des territoires. « Mais pour cela, il est indispensable que la population joigne ses efforts à ceux des autorités ». Des pièges sont installés pour localiser le moustique. Les municipalités gèrent les lieux publics et les égouts, où l’eau stagnante est traitée avec des produits spécifiques. Alertés et sensibilisés par des campagnes dans les médias, les citoyens assurent le relais dans leurs jardins où ils prennent garde à ne laisser aucun récipient susceptible de faire le lit des larves, et traitent les endroits capables d’être infestés par des substances écologiques. Des recommandations simples à mettre en œuvre, et à généraliser…

 

Crédits photos : © WikiImages, © Hans sur Pixabay

 

Article extrait du n° 265, juillet-août 2016 de en direct.

Contact(s) :
Laboratoire de microbiologie appliquée
Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI)
Eleonora Flacio
Tél. + 41 (0)91 935 00 47
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