Université de Franche-Comté

Le microassemblage libéré de ses contraintes

La mise au point de CEMIASS, une cellule de microassemblage réalisée à l’Institut Pierre Vernier (IPV), permettra de pallier les contraintes liées à la manipulation de très petits composants. Une réalisation ouvrant de nouvelles perspectives aux entreprises dans le domaine du microassemblage.

 

 

Posez un trombone dans un verre d’eau, la tension de surface contredira la loi de la gravité et empêchera le trombone de couler au fond. Prenez un tout petit élément d’horlogerie (une goupille par exemple de quelques dixièmes de mm) avec une pince, il restera parfois collé au métal, maintenu par des forces électrostatiques. Lorsque l’on tend vers le micromonde, de nouvelles lois physiques deviennent prépondérantes. La contrainte du poids d’un objet diminue avec sa taille, mais d’autres paramètres viennent perturber sa manipulation et, a fortiori, son assemblage avec d’autres composants du même acabit. La tension de surface, la force électromagnétique… sont autant de variables avec lesquelles il faut compter. Autre difficulté inhérente à leur petite taille, de l’ordre de quelques dixièmes de millimètres, les microcomposants ne se donnent pas à voir facilement. Seul un œil exercé et attentif, aidé par des systèmes de visualisation, saura les repérer pour bien les diriger.

 

 

Précision, dextérité, vision… la manipulation humaine a ses limites

Car dans le cas de réalisation de prototypes ou de mise en fabrication de petites et moyennes séries, le microassemblage reste, pour des raisons de coût, une opération essentiellement confiée à l’homme. La manipulation manuelle requiert par ailleurs une grande précision et tout autant de dextérité, des qualités humaines qui, comme l’acuité de la vision, ne sauraient être fiables à 100 % et inaltérables. Or, les défis, eux, sont de taille. Par exemple, fixer une lentille à l’extrémité d’une fibre optique de 200 μm de diamètre avec une erreur de positionnement de 1 μm conduit à une perte de 50 % de l’intensité lumineuse !

 

Enfin, si la dimension des composants est infime, celle des particules de poussière, elle, ne varie pas, et toute proportion gardée, devient démesurée. D’où la nécessité de travailler dans un environnement propre comme celui d’une salle blanche.

 

Partant de tous ces postulats et s’appuyant sur les recherches menées par l’Institut FEMTO-ST dans ce domaine, les ingénieurs de l’Institut Pierre Vernier ont conçu et mis au point une cellule de microassemblage baptisée CEMIASS, à commande automatisée ou téléopérée, capable d’apporter une alternative aux compétences humaines, de réaliser des petites et moyennes séries à moindre coût, dans des conditions d’environnement équivalentes à celles d’une salle blanche. Et au-delà de la maîtrise des contraintes de base, CEMIASS permettra d’envisager la fabrication de nouveaux produits jusque là difficilement concevables. Revue de détail…

 

 

CEMIASS, le microassemblage à la carte

À partir d’une base pilotant l’ensemble du système, CEMIASS propose une déclinaison de fonctions spécifiques, complémentaires et adaptables selon les fabrications voulues. Une souplesse et une réactivité précieuses, qui du lancement d’un prototype à la fabrication de moyenne série, donnent à CEMIASS un caractère révolutionnaire.

 

La manipulation humaine limite la précision, la fabrication automatisée coûte cher, voilà deux barrières à l’assemblage de microcomposants en petites et moyennes séries. Modulable et flexible, la cellule de microassemblage CEMIASS abolit ces frontières en autorisant le passage d’un produit à un autre, ou la succession de petites séries, de manière à la fois rapide et fiable. Un tour de force pour répondre aux besoins des industriels, qui ne disposent encore d’aucun équivalent dans leurs parcs machines. Mais au-delà de l’atteinte de cet objectif, la mise au point de CEMIASS montre qu’il est possible de concevoir autrement l’assemblage, et donc d’imaginer la réalisation de tout nouveaux produits grâce à ses capacités.

 

 

Une synergie de compétences

Conjointement à la définition des problèmes rencontrés par les industriels, s’est développé au sein du département AS2M — Automatique et systèmes micromécatroniques — de FEMTO-ST, un savoir-faire répondant spécifiquement aux contraintes du microassemblage. Les recherches ont porté sur la modularité et la flexibilité des systèmes, en associant des fonctions simples et peu coûteuses. Elles ont également fait évoluer les technologies de vision et de commande, permettant ainsi de téléopérer ou d’automatiser entièrement une production.

 

Partant des recherches menées par FEMTO-ST, l’IPV assure leur transfert vers le monde économique avec la réalisation d’un prototype industriel baptisé CEMIASS. À l’issue de deux années de travail et d’un programme de financement assumé en grande partie par l’État, l’Europe via le FEDER, et la Région Franche-Comté, CEMIASS est en passe de devenir entièrement opérationnelle. Son champ d’action concerne des pièces de 100 μm à quelques millimètres.

 

 

Une base générique, des fonctions en kit

Inamovible, la base est au cœur du fonctionnement de la cellule. Elle est composée de cinq axes lui conférant une grande précision. Le système de vision à caméra mobile dont elle est équipée permet à la fois de visualiser et d’analyser les pièces à assembler grâce à un grossissement variant de 1 μm/pixel à 12 μm/pixel. Dernier atout et non des moindres, un système de traitement de l’air embarqué garantit un travail en environnement propre : avec 10 000 particules de poussière maximum au m3 (classe 100 – iso 5), il soutient la comparaison avec une salle blanche. D’un point de vue fonctionnel, CEMIASS sait se rendre discrète, puisque l’ensemble du système représente un encombrement au sol de 3 m2 seulement.

 

Différentes fonctions s’adaptent ensuite à cette base. Toutes sont susceptibles d’être démontées ou remontées en moins de cinq minutes, ce qui autorise un changement rapide de produits et de séries. Il est en outre possible d’assurer la fabrication simultanée de produits différents. S’adaptant aux impératifs de fabrication, les fonctions peuvent passer d’un mode de commande téléopéré à une automatisation totale.

 

 

Vue d'ensemble de la cellule de microassemblage CEMIASS

 

Vue d'ensemble de la cellule de microassemblage CEMIASS mise au point à l'IPV

 

 

Commande téléopérée ou programmation automatique

Ainsi la fabrication d’un prototype pourra être lancée la journée sous le contrôle d’un opérateur guidant toutes les étapes de sa réalisation, par ordinateur interposé. Certaines fonctions seront ensuite démontées pour être remplacées en un temps record par de nouveaux instruments. La cellule est prête pour d’autres projets. Programmée en mode automatique, elle assurera l’éxécution d’une série de produits pendant la nuit.

 

Les fonctions peuvent être imaginées et multipliées selon les besoins de conception de nouveaux assemblages. Il n’est par essence pas possible d’en dresser une liste exhaustive, mais seulement de citer quelques exemples…

 

La préhension de pièces peut se faire par pince (pince pneumatique à mors parallèles adaptables au composant), par le vide (préhension par buse à dépression de dimensions différentes), par micropince piézoélectrique.

 

L’assemblage par microdoseur autorise le dépôt de colle, joint, lubrifiant avec une précision de quelques microns. Le microsertissage, le soudage ou encore le marquage laser feront prochainement partie des fonctions qu’il sera possible d’intégrer à CEMIASS.

 

 

Préhension par micropince

 

Préhension par micropince

 

Un outil à disposition des entreprises

Le projet CEMIASS reçoit le soutien financier d’entreprises régionales, qui seront prioritaires pour bénéficier de l’utilisation de la cellule. Mais CEMIASS sera également accessible à toutes les industries désireuses de développer leur savoir-faire et d’accroître leur compétitivité. Il sera même possible pour l’IPV de fabriquer de nouvelles unités si le marché est demandeur.

 

Un faible encombrement au sol, une consommation d’énergie réduite, une nuisance sonore limitée, assorties d’une facilité de programmation pour les opérateurs sont, au-delà du savoir-faire, autant de qualités persuasives pour convaincre les entreprises, à qui CEMIASS permet par ailleurs de faire l’économie de coûteux investissements dans une salle blanche, le travail en environnement propre se révélant indispensable dès lors que l’on parle de micromonde. C’est donc bien à une révolution dans le domaine du microassemblage qu’il faut s’attendre avec la mise au point de la cellule CEMIASS.

 

 

Contact : Service Communication

Institut Pierre Vernier

Tél. (0033/0) 3 81 40 57 08

 

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