Université de Franche-Comté

« Le discret pouvoir des odeurs »

Des cinq sens traditionnellement mis à notre crédit, l’odorat est sans doute celui qui, de tout temps, a été le moins considéré pour son rôle dans la vie émotionnelle et sociale de l’être humain. Ce n’est que depuis les années 1970 qu’il force l’attention à ce propos, depuis que des études sur l’animal ont conduit à vouloir percer ses mystères chez l’homme. C’est cette épopée de la connaissance que relate Le discret pouvoir des odeurs de Jean-Louis Millot, professeur en neurosciences à l’université de Franche-Comté, disparu en mars 2018, quelques jours avant la parution de son livre.
L’auteur explique les mécanismes de l’olfaction chez l’animal et chez l’homme, établit des comparaisons et met en évidence les singularités des systèmes, du papillon à l’escargot, du poisson à l’homo sapiens. Il remonte aux croyances des Égyptiens, qui faisaient du cœur le centre névralgique du fonctionnement de l’organisme, aux connaissances des Grecs qui les premiers établirent des liens entre olfaction et cerveau, avant de relayer les enseignements d’études contemporaines menées à travers le monde sur le sujet : les recherches effectuées au laboratoire de neurosciences intégratives et cliniques de l’université y figurent en bonne place.

Les compétences en matière d’olfaction présentent des disparités énormes d’une espèce animale à une autre. L’homme n’est doté « que » d’une dizaine de millions de neurorécepteurs olfactifs, quand les rongeurs en possèdent cinquante millions et les canidés plus de deux cents. Ainsi le chien pourrait sentir jusqu’à cinq cent mille odeurs différentes, quand les capacités de l’homme se limitent à mille. Chez l’être humain, l’olfaction est une compétence acquise dès le plus jeune âge, elle est plus développée chez les femmes que chez les hommes, intimement liée au goût, et universelle.
On sait aujourd’hui que les odeurs ont un impact sur les émotions et sur les comportements, et qu’elles peuvent avoir valeur de symptôme ou de thérapie pour certaines pathologies. Au-delà des réactions d’attraction ou de répulsion, elles jouent sur l’humeur, les capacités d’apprentissage, la perception du temps qui passe, l’attirance sexuelle, les performances cognitives ou l’identification entre une mère et son nouveau-né. À l’inverse, leur perception est susceptible d’être modifiée sous l’influence d’une maladie comme la dépression, pour laquelle on constate une diminution du volume des bulbes olfactifs ; la dégénérescence neuronale liée à la maladie d’Alzheimer porte en premier lieu sur les zones du cerveau impliquées dans l’olfaction : une perte d’odorat est un indicateur de la maladie bien avant les troubles de la mémoire, et peut faire l’objet de tests de dépistage précoce.
Si l’influence des odeurs est reconnue scientifiquement, il est aussi clairement établi que cette influence n’est que contributive et que les odeurs ne sauraient à elles seules endosser un pouvoir déterminant. Un pouvoir discret, mais qui n’a pas fini de se révéler.

Contact(s) : Millot J.-L., Le discret pouvoir des odeurs, L’Harmattan, 2018
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