Université de Franche-Comté

L’Arc jurassien entre science et art

Borne frontière – photo Ligne de partages

Il fait bon dans les chaumières comtoises, les soirs d’hiver au coin du feu… Dans les salles de spectacle aussi, où la veillée est un genre qui se renouvelle mais continue à rassembler les voisins.

Français et Suisses de l’Arc jurassien ont ainsi assisté à la veillée organisée à Morteau en novembre dernier par des artistes et chercheurs neuchâtelois et francs-comtois, tous réunis autour d’un centre d’intérêt commun : la frontière.

Séparation autour de laquelle se cristallisent parfois les mécontentements, les incompréhensions, les critiques, la frontière est aussi une coupure arbitraire, de temps en temps amenée à couper une maison en deux ou à faire changer une autre de nationalité. Elle se dessine au milieu de paysages de même nature et sépare des cultures puisant leurs origines aux mêmes sources ; elle est un terrain d’échanges politiques, économiques et culturels. Pour ces raisons, la frontière met aussi en valeur des airs communs, qui préservent de trop de stéréotypes et laissent place à la nuance. C’est cette philosophie que souhaitent porter les chercheurs sur le devant de la scène, et que partagent aussi nombre d’habitants des zones frontalières.

 

Événements à cheval sur la frontière

Accompagnés du metteur en scène Jean-Charles Thomas et du dramaturge-ethnologue Nicolas Yazgi, l’anthropologue Ellen Hertz (UniNE), le géographe Alexandre Moine et le sociologue Christian Guinchard (UFC), dépassant eux aussi les frontières de leurs disciplines respectives, conjuguent leurs efforts et coordonnent leurs travaux de recherche pour mettre en évidence ce qui fonctionne (parfois) bien autour de la frontière. Au cœur de leur dispositif de recherche-action, les artistes, également sensibles à la question, ont concocté un programme d’événements culturels dont le premier opus a rassemblé près de 80 participants à Morteau en novembre dernier.

Ligne de partages propose en effet « une exploration artistique de différentes manières de vivre la frontière franco-suisse dans l’Arc jurassien. Cette action se matérialisera progressivement à travers une mosaïque de témoignages filmés, d’une mise en image et en musique ainsi que d’événements théâtralisés participatifs. »

Différentes réalités vécues en zone frontalière sont ainsi présentées de façon humoristique, décalée, voire provocante, pour susciter les émotions, favoriser les prises de conscience et permettre les échanges. Saisis au détour de situations de la vie quotidienne et sociale, ces instantanés devraient se compléter, dès lors que la situation sanitaire le permettra à nouveau, de portraits réalisés dans d’autres lieux impliqués dans les dynamiques frontalières, comme des homes médicalisés ou des entreprises horlogères.

Théâtre, musique, vidéo, photographie, lecture, témoignages…, les veillées ne sont pas envisagées comme des spectacles, mais bien comme des événements participatifs auxquels chacun peut apporter sa contribution. Le souhait est de voir se créer des liens durables à partir de ces soirées, de les entretenir par des partenariats avec des associations et des collectivités locales, désireuses de soutenir cette démarche de promotion du vivre ensemble dans l’Arc jurassien.

« Organiser la première veillée représentait un vrai pari sur le désir des gens, raconte Ellen Hertz. Il était nécessaire de trouver un bon équilibre entre généralités anthropologiques et particularismes locaux pour intéresser ». Une option qui visiblement a fait mouche, et qui sera de la même façon retenue pour l’organisation d’une deuxième veillée à l’automne 2022, cette fois dans le canton du Jura, autour de l’espace frontalier Belfort-Montbéliard / Jura suisse, un contexte présentant ses propres caractéristiques.

 

Sciences sur les planches

Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement ? Théâtre de la connaissance, 2019  Crédit photo : Jean-Paul Guinnard

Produit par l’université de Neuchâtel sous l’impulsion de chercheurs en sciences humaines et sociales, le Théâtre de la connaissance livre sur scène, en collaboration avec des artistes professionnels, le fruit de recherches scientifiques en lien avec des préoccupations sociétales. L’événement figure parmi les outils de communication innovants mis en place par l’université. Inaugurés par une première édition en 2014, ces spectacles appelant la participation du public se complètent d’expositions et de conférences sur le même thème.

En septembre dernier, Bienvenue à Heimatland proposait au spectateur de se mettre dans la peau d’un migrant ; la pièce de théâtre faisait écho aux travaux consacrés à la question de la gestion migratoire dans le cadre du « NCCR On the move » et de la MAPS (Maison d’analyse des processus sociaux). De la place des agriculteurs dans la société suisse à la question palestinienne, du territoire neuchâtelois aux confins du Groenland, le Théâtre de la connaissance ne connaît pas de frontière.

C’est cependant celle qui partage l’Arc jurassien qui sera au centre d’une prochaine édition, et qui fera à cette occasion l’objet d’une nouvelle collaboration franco-suisse entre chercheurs et artistes. Pour en savoir plus… https://www.unine.ch/theatre-connaissance.

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