Aujourd’hui encore érigée en modèle ou vue comme un symbole, la Résistance n’en présente pas moins un visage aux contours imprécis. Son image s’est très vite perdue dans les interprétations politiques, les malentendus et les incompréhensions de toutes sortes, puis à travers l’écriture de sa propre histoire. Renouer avec l’identité de la Résistance suppose une nouvelle lecture de ce phénomène hors normes et intimement lié à un contexte, pour enfin lui redonner son sens véritable. Une mission à laquelle Cécile Vast s’est attachée dans une remarquable recherche en histoire, distinguée par plusieurs prix.
À peine la guerre se termine-t-elle que le souvenir de la Résistance déjà s’estompe. À des intuitions inquiètes répond l’amertume de la réalité. Ainsi, René Char écrivait dans les Feuillets d’Hypnos : « Je pressens que l’unanimité confortable, la boulimie de justice n’auront qu’une durée éphémère, aussitôt retiré le lien qui nouait notre combat. » Dans Le Résistant de 1940, Claude Aveline montre son découragement : « Allons-nous admettre que ce mot de « Résistance », dont nous avons les premiers fait un signe de ralliement, puisse être usé, vidé, fini ? »
Réduite à l’utilité de ses actions militaires, bafouée par le comportement de pseudo-résistants opportunistes, mise à l’épreuve de la guerre d’Algérie, associée sans discernement à l’idéologie communiste, réputée incapable de fonder un véritable mouvement politique après la guerre… la Résistance voit son esprit dénaturé au fil de l’histoire et du temps.
Née du contexte tragique de 1940 mêlant humiliation, écrasement psychologique et sentiment patriotique exacerbé, elle s’est pourtant forgé une véritable identité, fondée sur le rejet du renoncement, le refus du compromis, l’intégrité morale. Que reste-t-il de cet état d’esprit si particulier ? Comment les comportements ont-ils continué à l’incarner et se sont-ils adaptés à d’autres réalités ? Quelle part de son héritage attribuer à la Résistance elle-même ou à sa réécriture ?
Dépassant la seule approche historique, Cécile Vast a pris appui sur les outils d’analyse de l’anthropologie, de la phénoménologie et des sciences cognitives pour retrouver de la façon la plus fidèle possible la mémoire et l’essence de la Résistance. Elle en a fait l’objet de sa thèse en histoire, qui, soutenue à l’université de Franche-Comté en 2008 sous la direction de François Marcot, lui a valu le prix Jeune docteur en 2009. Sortant de la sphère comtoise, le livre est publié chez Payot en 2010. L’identité de la Résistance – Être résistant de l’Occupation à l’après-guerre a remporté deux prix nationaux : le prix Philippe Viannay – Défense de la France en 2011 et le prix Henri Hertz de la Chancellerie des universités de Paris Sorbonne en juin dernier.
Vast C., L’identité de la Résistance – Être résistant de l’Occupation à l’après-guerre, Payot, 2010.