Université de Franche-Comté

La part infime de Mars

Voici un grain de poussière de la planète Mars. Il n’est pas sur Terre, mais bien toujours sur Mars. L’image de ce grain, d’un diamètre d’environ un micromètre, nous vient de la sonde Phoenix qui a atterri le 25 mai 2008. À son bord, un microscope à force atomique (AFM) appareillé de quelques options supplémentaires, a été capable de prendre cette image, c’est-à-dire de collecter des échantillons de sol, de les préparer et de les présenter convenablement, de prendre l’image pour finalement l’envoyer sur Terre le 2 juillet 2008 (ou le 38e jour martien de la mission).

 

 

 Grain de poussière de la planète Mars. Image envoyée sur Terre grâce à un microscope AFM

Un AFM est constitué d'une pointe (qui, au plus fin, mesure quelques dizaines de nm), fixée sur un bras souple. Cette pointe balaie l'échantillon et permet de mesurer les interactions atomiques.

De ces données, il est possible de déduire la topologie, la forme, la structure de l'échantillon

 

 

 

Un microscope tout terrain

Pour construire ce condensé d’ingéniosité, l’université de Neuchâtel a mobilisé deux thèses et a fait appel à l’université de Bâle pour l’électronique, et à l’entreprise NANOSURF pour assurer le balayage mécanique. Car, par rapport aux AFM classiques, celui-ci se devait, en plus, de résister et de s’adapter aux contraintes à la fois d’un voyage spatial et de l’environnement martien.

 

Sa taille a été réduite d’un facteur 10 — il est de la taille d’une boîte d’allumettes — et pour assurer le balayage, la piézoélectricité a été abandonnée au profit de l’électromagnétisme.

Le choc pyrotechnique au moment du lancement de la sonde et de sa séparation de la fusée provoque une accélération de 4 000 G ; la taille et la masse de l’AFM devaient être suffisamment petites pour pouvoir limiter l’influence de cette accélération sur l’appareil.

 

Mars, enfin, n’est pas une planète des plus hospitalières pour les hommes et leurs machines. L’AFM doit fonctionner dans des températures allant de – 80° à – 20°C ; et il a fallu alors revoir tout le système d’amortissement des chocs dans des matériaux ne se rigidifiant pas à ces températures. Mars, aussi, est soumise à des radiations cosmiques de haute énergie, donc très destructrices. Pour limiter les risques, l’équipe a déployé des trésors d’astuces : démultiplier le nombre de bras (alors qu’un seul est logiquement utile, huit sont présents), démultiplier les zones de stockage numérique (trois), changer les procédés de fabrication.

 

De plus, les habitués des AFM le savent bien, un réglage s’opère en continu sur l’appareil pour obtenir l’image voulue. Comment faire ce contrôle, alors qu’il faut au mieux vingt minutes aux signaux de télécommunication pour parcourir la distance entre les deux planètes ?

 

Les chercheurs ont conçu l’AFM pour que ce soit lui qui analyse l’image, sa pertinence, et qu’il soit capable de la calibrer, de zoomer sur des zones intéressantes. Dans un système embarqué soumis à des contraintes de taille et d’énergie, l’AFM communique avec l’ordinateur central de la sonde dans lequel les programmes sont implémentés.

Il a fallu plus de dix ans à l’université de Neuchâtel pour développer cet AFM, la première génération ayant été prévue pour les vols annulés de 2001 (suite à deux crashs de missions robotiques sur Mars).

 

 

Détail de la pointe d'un AFM qui balaie l'échantillon et permet de mesurer les interactions atomiques

 

 

Collecter des informations fondamentales sur la planète

Pourquoi une telle dépense d’énergie et d’argent ? Parce que l’étude de la poussière de Mars nous fournit de nombreuses informations sur la planète. Bien sûr, il ne s’agit pas de mesurer la taille d’un grain de poussière, mais de définir l’ensemble de la distribution des tailles des grains, sources de cette fameuse couleur rouge. Cette information — réelle — vient renseigner un paramètre du modèle des spectres d’émission de la surface de Mars — eux-mêmes mesurés en 2000. À terme, les chercheurs pourront déterminer la composition chimique des particules, et par là, comprendre les processus géologiques qui ont eu cours sur Mars.

 

Ces particules de poussière, qu’il faut penser comme un nuage permanent s’élevant à la surface de Mars et qui lui donne cette couleur rouge, ont également leur rôle à jouer dans les cycles climatiques qui sévissent sur la planète, notamment à cause des échanges thermiques constants qui s’opèrent dans les régions polaires, entre cette couche et la couche de glace enfouie 5 cm sous le sol. L’ampleur des tempêtes de sable est directement influencée par ces échanges.

 

 

Vers une expédition humaine ?

Enfin, l’étude de ces poussières vient préparer une potentielle mission humaine, la question étant de savoir comment s’en protéger. Quels filtres adopter ? Quelles vitres ne s’éroderont pas ? Quels tissus résisteront ?

 

Ainsi, un voyage sur Mars semble à nouveau au goût du jour. Les étapes sont longues encore avant de pouvoir l’envisager, la prochaine étant de ramener sur Terre des échantillons de la planète rouge.

 

C’est bien à cette épopée que la petite boîte d’allumettes de l’université de Neuchâtel participe.

 

 

Contact : Sébastian Gautsch

Laboratoire Capteurs, actionneurs et microsystèmes

Université de Neuchâtel

Tél. (0041/0) 32 720 55 15

 

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