Université de Franche-Comté

La détection inconsciente d'une odeur n'est pas due à l'odeur elle-même

Dans la recherche en pleine expansion concernant le traitement de l’information olfactive par le cerveau et l’effet des odeurs sur le comportement humain ou la physiologie, l’une des nombreuses questions posées est relative à la détection inconsciente des odeurs*. En effet, il a été montré depuis longtemps qu’il était possible d’enregistrer des réponses électrophysiologiques chez des sujets auxquels on présente des odeurs en concentrations sous-liminaires, c’est-à-dire sans que les sujets perçoivent consciemment la stimulation olfactive. De tels phénomènes sont bien connus dans d’autres modalités sensorielles, en particulier dans la vision et l’audition. Au niveau de l’olfaction, cette question de la détection inconsciente a surtout été posée dans le cadre des recherches sur l’existence des phéromones humaines. Les sujets anosmiques** à une substance comme l’androsténone (substance présente dans les odeurs corporelles, notamment les odeurs axillaires) produisent des réponses d’activité du système nerveux autonome.

• Dans ce cadre, des études menées au laboratoire de Neurosciences de l’université de Franche-Comté ont pour but de comparer les seuils de détection à des molécules différentes, notamment du point de vue de leur composante trigéminale. La plupart des molécules odorantes qui parviennent dans la cavité nasale activent à la fois le système olfactif proprement dit (information véhiculée par la 1ère paire de nerfs crâniens) et le système trigéminal (information véhiculée par la 5e paire de nerfs crâniens, responsable principalement des sensations d’irritation ou de picotement). Une substance olfactivement pure (l’alcool phényl éthylique), une substance qui stimule modérément la sensibilité trigéminale (le butanol) et une substance qui stimule très fortement le système trigéminal (la pyridine) sont testées. Par ailleurs, trois méthodes de détermination des seuils sont retenues : une évaluation psychophysique classique, une auto-évaluation et une mesure indépendante réalisée grâce à l’enregistrement de la réponse électrodermale, indicateur de l’activation du système nerveux autonome.

• Les résultats montrent que pour les odeurs qui n’activent pas ou modérément le système trigéminal, la concentration nécessaire pour obtenir une réponse du système nerveux autonome est très supérieure à celle des seuils psychophysiques et auto-évalués. En revanche, pour la pyridine qui présente une forte composante trigéminale, les concentrations nécessaires pour obtenir une réponse du système nerveux autonome sont inférieures aux seuils de détection classiques. Ainsi donc, ce n’est pas l’odeur elle-même, mais sa composante trigéminale qui déclencherait des réponses psychophysiologiques inconscientes chez les sujets, correspondant à une augmentation du niveau d’éveil ou de vigilance. À une époque où l’utilisation des odeurs dans des domaines aussi différents que l’éducation, le marketing ou la santé devient de plus en plus courante, ce résultat contribue à spécifier le mode d’action des molécules odorantes en dehors du champ de la conscience.

 

Gérard Brand – Laurence Jacquot
Laboratoire de Neurosciences (EA 481)
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 57 52 – Fax. 03 81 66 57 46
gerard.brand@univ-fcomte.fr

 

 

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