Université de Franche-Comté

JO sous tension

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Elle est la première ville de l’histoire à réaliser ce doublé : après avoir organisé les JO d’été en 2008, Pékin accueillera les Jeux olympiques d’hiver du 4 au 20 février 2022. Des Jeux marqués par un contexte sanitaire toujours préoccupant et contraignant, auquel s’ajoutent des tensions politiques ciblant la Chine. Comment se passeront les Jeux d’hiver de Pékin ? S’il n’est pas devin, Denis Oswald connaît bien le terrain olympique et donne des éléments de connaissance pour mieux le comprendre.

Médaillé de bronze en aviron à Mexico en 1968, plusieurs fois champion de Suisse dans la même discipline, Denis Oswald ne quittera la compétition que pour mieux s’engager dans des responsabilités à l’international et dans l’organisation des Jeux, pour lesquels il cumule 25 participations. Membre du comité exécutif du CIO, il est à ce titre l’une des 15 personnalités du sport international gouvernant le monde olympique. Denis Oswald est également directeur du Centre international d’études du sport (CIES) associé à l’université de Neuchâtel, dont il est par ailleurs professeur de droit émérite.

 

 

Des mesures strictes

« Du point de vue sanitaire, Pékin bénéficie du retour d’expérience de Tokyo l’an dernier, et va sans aucun doute adopter des mesures aussi strictes pour garantir la sécurité des athlètes, des accompagnateurs et des journalistes », estime Denis Oswald. Déplacements limités entre village olympique, sites de compétition et hôtels, retour des athlètes dans leur pays quasiment dès la fin de leur épreuve, tests quotidiens et gestes barrières sous contrôle, les mesures draconiennes prises à Tokyo se sont révélées payantes : quelques dizaines de cas de COVID ont été déclarés, sur des milliers de participants venant des quatre coins du monde. La tenue des Jeux, qui plus est sans public, n’a pas provoqué d’accélération de la circulation du virus au Japon, ce qui était clairement l’un des enjeux de la manifestation.

Denis Oswald souligne que, malgré leur sévérité, les règles ont été bien observées, un respect pour autrui de la part des athlètes qui ne se limite pas aux aspects sanitaires. « Comme d’autres grands événements sportifs, les JO deviennent parfois un lieu d’expression. Une nouvelle version de la réglementation en cause a été adoptée l’an dernier, elle a emporté l’adhésion de la grande majorité des athlètes. » Édictée par le CIO sur la base d’une enquête menée auprès de 4 000 d’entre eux, cette réglementation énonce des principes plus souples que par le passé, mais à l’intérieur d’un cadre posé noir sur blanc. Elle stipule notamment que les podiums, les aires de compétition et le village olympique sont trois endroits où aucune manifestation d’opinion, politique ou autre, n’est tolérée.

Au-delà des prises de positions affichées par des athlètes à titre personnel, les Jeux olympiques échappent difficilement au politique. Alliant importance de la compétition sportive et dimension planétaire, ils cristallisent les tensions jusqu’au boycott de certains États protestant contre les agissements du pays organisateur. Appliqué à maintes reprises par le passé et dans des situations de crise très diverses, le boycott est une menace qui plane aussi sur les Jeux de Pékin, en protestation aux exactions commises par le gouvernement chinois envers le peuple ouïghour.

 

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Pourquoi Pékin ?

« Le boycott n’a pas d’incidence à long terme sur les situations politiques et sur les relations entre les pays. En revanche, il prend le sport en otage, et ruine des efforts se comptant en années pour les athlètes. Aux Jeux de Montréal en 1976, où les Africains ont décidé de boycotter la manifestation alors qu’ils étaient déjà sur place, j’ai assisté au départ d’équipes en larmes au matin des compétitions, et vu des générations d’athlètes sacrifiées pour cette raison. »

Face à ce douloureux problème, l’idée d’un boycott politique fait son chemin, et cette mesure a été annoncée par plusieurs pays. Certains dirigeants occidentaux avaient eu recours à cette forme de protestation pour défendre la cause tibétaine, en refusant d’assister à la cérémonie d’ouverture des JO de 2008. Une solution diplomatique plus en phase avec l’impartialité voulue par le monde du sport. Denis Oswald rappelle que « la mission première du CIO est d’assurer aux athlètes les meilleures conditions de compétition possible, en dehors de toute considération politique. Cette neutralité est garante de la bonne tenue des Jeux et du respect de ses valeurs, dont l’une consiste à établir des contacts fraternels entre des gens de tous pays et de toutes cultures. Dès qu’on tolère la présence d’éléments politiques, on divise au lieu de réunir ».

Il souligne par ailleurs que le CIO a le pouvoir de faire appliquer ses propres règles de fonctionnement et d’éthique lors des Jeux, placés sous sa compétence juridique, par le biais d’un contrat passé avec la ville hôte, mais qu’il n’a ni la mission ni la capacité de modifier le système politique d’un pays.
La capitale chinoise a été élue pour ses capacités d’organisation, qu’elle a démontrées lors des JO d’été de 2008. Les installations d’alors seront en grande partie réutilisées, comme les piscines qui seront transformées en patinoires.

Par le passé, beaucoup de villes n’ont pas anticipé ce que leurs investissements allaient devenir, comme Nagano en 1998 ou Athènes en 2004. D’autres ont vu leurs plans de conversion ruinés par les aléas politiques et économiques, comme Rio en 2016. D’autres encore ont choisi de réaliser des investissements colossaux pour rééquiper leur pays, comme à Sotchi en 2014 pour la Russie. « Aujourd’hui, l’emploi de sites existants est une priorité. C’est à 90 % le cas pour Paris 2024, et rien ne sera construit à Los Angeles pour 2028. L’assistance d’experts est proposée aux villes postulantes, afin qu’elles exploitent au mieux leurs ressources pour proposer des jeux de qualité. »

Grâce à cette nouvelle stratégie, les candidatures refluent au CIO. En 2014, seules Pékin et Almaty (Kazakhstan) s’étaient déclarées candidates pour organiser l’édition de 2022. Du côté de la population, les organisateurs espèrent que l’enthousiasme généralement porté par les Jeux puisse gagner les Chinois, qui, malgré leur nombre considérable, pratiquent peu le sport et encore moins les sports d’hiver.

Contact(s) :
Centre international d’études du sport
CIES
Denis Oswald
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