Université de Franche-Comté

Intégrer le concept de qualité de vie dans la pratique médicale

La notion de qualité de vie est prise en considération depuis une vingtaine d’années dans les protocoles de soins élaborés pour des patients souffrant de cancers. D’abord intégrée à des essais cliniques pour évaluer l’efficacité des traitements, la qualité de vie devient un élément de suivi au quotidien, dans le but d’améliorer la gestion de la maladie, la communication entre les médecins et les patients, la satisfaction et le bien-être de ces derniers. L’essor des technologies et la création de plateformes dédiées dans certains hôpitaux favorise son développement comme instrument à utiliser en routine, comme en Grande-Bretagne où des expériences ont été menées avec succès dès le début des années 2000.

Les spécialistes de l’Unité de méthodologie et de qualité de vie en cancérologie (UMQVC), créée en 2011 par le Pr Franck Bonnetain au CHU de Besançon, prennent part à des expérimentations pour tester le concept en France. Les patients sont-ils volontaires pour répondre à des questionnaires aidant à déterminer leur qualité de vie ? Les médecins sont-ils prêts à s’emparer de ces informations pour en faire un outil de diagnostic et de traitement ? L’étude QOLIBRI avait posé de premiers jalons de recherche auprès de patients atteints de cancers du côlon, du poumon et du sein, entre 2016 et 2018. Également pilotée par la plateforme bisontine, l’étude QUANARIE a pris le relais sur 24 mois, en 2018 et 2019, auprès de patients souffrant de cancers du rein, dans une étude multicentrique concernant 8 établissements de santé du Grand Est. « Une étude de cette envergure, outre qu’elle concerne davantage de patients et se déroule sur un temps long, donne la possibilité de vérifier que l’expérience est reproductible quel que soit le contexte médical », explique le Dr Guillaume Mouillet, cancérologue et responsable du projet. Les patients sont interrogés sur leur difficulté à porter un sac de provisions, à effectuer une promenade longue, à s’habiller ou à manger seuls… Les questionnaires sont administrés sur des tablettes numériques, à domicile ou en salle d’attente à l’hôpital, où les patients peu familiarisés avec les nouvelles technologies reçoivent l’aide d’une assistante pour saisir leurs réponses. Traitées en temps réel, les informations sont directement transmises sous forme de graphiques au médecin, qui peut les utiliser lors de la consultation. « L’idée est que le patient évalue lui-même les symptômes qui accompagnent son traitement et son quotidien : non seulement les effets secondaires liés à une chimiothérapie, par exemple, mais aussi les problèmes d’ordres psychologique ou financier, les contrariétés rencontrées dans sa vie familiale, sociale ou professionnelle. Ces informations aident à orienter le patient vers des soins de support adaptés à sa situation, comme une consultation de diététique, une rencontre avec une assistante sociale, des séances de relaxation ou de sport… »

Les résultats de l’étude, qui devraient faire l’objet d’une publication scientifique dans les mois prochains, montrent la bonne volonté des patients à se plier à cet exercice et leur intérêt si l’objectif de la démarche est bien explicité. Les médecins, de leur côté, reconnaissent les bénéfices potentiels de cette démarche, mais des efforts restent nécessaires pour améliorer l’intégration de ces données dans la pratique de routine et la prise de décision médicale.

 

Article paru dans le n°287 (mars-avril 2020) du journal en direct.

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