Université de Franche-Comté

Il ne parle pas encore, pourtant
bébé a déjà du vocabulaire

Photo Mario Cafiso / UniNE

Savez-vous qu’à l’âge de 6 mois, un bébé est déjà capable d’apprendre des mots de son quotidien, c’est-à-dire à associer une forme sonore à un objet qui lui correspond ? C’est à partir de 18-20 mois que la majorité des bébés développent de façon spectaculaire leur lexique. Tous les jours de nouveaux mots s’ajoutent à leur vocabulaire, provoquant l’étonnement et la fierté de leurs parents. Mais les premiers pas vers la conquête du langage sont bien antérieurs à cette période, alors même que le bébé ne peut formuler le moindre mot. Ce sont ces facultés précoces et les mécanismes qui accompagnent le jeune enfant vers l’acquisition du langage que les chercheurs du laboratoire Babylab étudient à l’université de Neuchâtel.

Leur objectif ? Comprendre comment s’opère cet apprentissage dès le plus jeune âge pour mieux déterminer les facteurs de risque de voir se développer des troubles du langage, actuellement diagnostiqués vers l’âge de 4 ou 5 ans. Ces nouvelles connaissances permettront ainsi aux parents, pédiatres, professionnels de la petite enfance, thérapeutes… d’adapter leurs pratiques et d’acquérir de nouveaux savoir-faire pour déceler d’éventuelles difficultés et accompagner l’enfant plus tôt si besoin.

Suivez mon regard

Puisque les bébés très jeunes ne peuvent pas encore prendre la parole, les chercheurs sont attentifs à leurs autres moyens d’expression. Les techniques d’étude du regard, ou eye tracking, sont bien adaptées pour comprendre un tout petit. On observe ainsi que si un bébé à qui on dit le mot « chien » tourne les yeux vers l’image d’un chien plutôt que vers l’image d’un chat, cela signifie qu’il comprend le sens de ce mot, avant même de savoir prononcer ces mots ou montrer ces images. Katrin Skoruppa, linguiste clinique, professeure en logopédie et chercheuse au Babylab, témoigne de cette expérience étonnante. Elle explique l’évolution de la compréhension de l’enfant, qui lui permet peu à peu de s’approprier le langage : « Au début de l’acquisition lexicale, les mots s’apprennent lentement, un par un. Selon certaines théories, le bébé fait alors le lien entre une forme sonore et une situation ou un objet précis, par exemple « chien » et l’animal du voisin dans son jardin ; en grandissant, il apprend à associer cette forme sonore à d’autres animaux du même type, dans des situations différentes, comme un chien plus grand dans la cour d’une ferme ; l’abstraction vient ensuite ».

Photo Mario Cafiso / UniNE

Les recherches concernent à la fois les enfants monolingues et bilingues. Elles montrent que les stratégies d’apprentissage peuvent être utilisées différemment par les uns et les autres. L’une de ces stratégies, l’exclusivité mutuelle, consiste pour un enfant à procéder par élimination. On lui présente deux objets, par exemple un stylo et une gomme, en lui demandant ce qu’est la gomme. Si l’enfant connaît le mot « stylo » et pas le mot « gomme », il devine que l’objet gomme correspond au mot qu’il ne connaît pas. « Cette démarche est moins évidente pour les enfants bilingues, qui apprennent sans cesse deux mots pour désigner un même objet. Ils ont alors tendance à s’appuyer davantage sur les indices sociaux, comme suivre le regard de leur interlocuteur pour déterminer quel mot et quel objet vont ensemble ». Au Babylab, de telles explorations sont notamment au cœur des projets FNS Crocodile, pour les enfants de 3 à 5 ans, et CLaP, pour les bébés de 6 mois à 3 ans, qui suivent l’évolution des enfants pendant plusieurs années et visent également à déterminer la façon dont les enfants apprennent à construire des phrases ou encore à initier une conversation. Outre des chercheurs en logopédie /ortho­­phonie et en sciences cognitives de l’université de Neuchâtel, le Babylab collabore avec d’autres universités en Suisse et à l’étranger, et fait appel aux compétences en eye tracking développées à la Haute Ecole Arc. Marco Pedrotti, qui en est un spécialiste, s’attache à développer les méthodes les plus appropriées possible aux études menées auprès de très jeunes enfants, dont l’attention ne saurait dépasser quelques minutes. Un véritable défi !

 

Confiez vos enfants à Crocodile !

Débutée en novembre 2018 pour une durée de 4 ans, l’étude Crocodile recherche des petits participants ! Des enfants de 3 à 5 ans, accueillis au Babylab avec toutes les précautions sanitaires requises, ou visités à leur domicile, c’est au choix. Une centaine d’enfants monolingues (français) ou bilingues (français + italien ou turc), qui auront la chance, outre la fierté qu’ils ne manqueront pas d’éprouver plus tard pour avoir aidé à faire avancer la science, de pouvoir partir à la chasse au trésor avec le crocodile en peluche Sammy, et de participer à des activités ludiques et adaptées à leur âge.

Pour en savoir plus et inscrire vos petites têtes blondes et brunes : https://fr.crocodile-study.ch

 

Contact(s) : Babylab
Université de Neuchâtel
Katrin Skoruppa
Tél. +41 (0)32 718 17 80
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