Université de Franche-Comté

Hippocrate, père de la médecine ?

Les murs des cabinets médicaux s’ornent parfois du serment d’Hippocrate, tout droit hérité des textes de l’Antiquité grecque, et que prononcent encore aujourd’hui les jeunes médecins à leur entrée en fonctions. Considéré comme le père de la médecine en Europe et de manière générale en Occident, Hippocrate est né sur l’île de Cos en 460 avant J­.­-­C­. et mort en Thessalie entre 375 et 351 avant J­.­-­C­. Il est connu pour l’approche rationnelle avec laquelle il aborde le corps humain et la maladie, l’observation remplaçant chez lui les considérations religieuses ou magiques. Sa haute réputation de médecin et de maître d’enseignement a traversé les siècles jusqu’à devenir cette figure d’autorité que les médecins se lèguent de génération en génération depuis le XIX­siècle.

« Pourtant la médecine d’Hippo­crate a très peu à voir avec la médecine occidentale actuelle, et il faut l’aborder avec un autre regard », soutient Antoine Pietrobelli, enseignant-chercheur en grec ancien à l’université de Franche-Comté / ISTA, qui s’attache, à l’instar d’autres scientifiques, à déconstruire le discours admis, non pour réfuter la valeur du praticien de l’Antiquité, mais pour replacer son enseignement dans son contexte et aborder de manière plus juste l’histoire de la médecine ancienne. Antoine Pietrobelli édite, traduit et étudie les textes antiques, notamment ceux d’Hippocrate et de Galien, qui fut, au II­siècle après J­.­-­C­., une autre grande figure de la médecine.

Comme d’autres spécialistes du monde antique et de l’histoire de la médecine, il montre par l’étude des textes que la réalité ne correspond pas au mythe que l’on a construit. « La médecine d’Hippocrate s’inscrit dans une continuité, et il y aurait du sens à la comparer à celles qui lui étaient contemporaines, comme les médecines chinoise, mésopotamienne ou indienne, avec lesquelles elle a des points communs. » Pour le chercheur, il convient d’inscrire Hippocrate dans l’histoire mondiale de la médecine plutôt que le présenter comme le précurseur qui aurait jeté les bases sur lesquelles se fonde la médecine d’aujourd’hui. « On dénombre une soixantaine de traités antiques de médecine dont certains sont antérieurs à lui, et d’autres n’apparaissent qu’à partir du Ve siècle après J.-C. » Une approche anthropologique et comparatiste qui nuance le rationalisme avec lequel la tradition moderne a voulu considérer la période antique et se forger un maître à penser.

retour