Université de Franche-Comté

Grand format
[Lab and co]

Des passerelles entre recherche et industrie

Les laboratoires communs et autres structures partenariales associent de manière étroite la recherche et l’industrie, et font monter en maturité les projets technologiques.
Illustration avec quelques exemples issus de différents domaines dans l’Arc jurassien…

Souvent mis en place à l’issue de plusieurs années de collaboration entre un laboratoire de recherche et une entreprise, un LabCom est un modèle partenarial officiellement reconnu par un label, développant un programme scientifique à moyen ou long terme, et qui peut être alimenté par différentes sources de financements, notamment par le biais de crédits alloués par l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Les laboratoires communs encadrent des projets à fort enjeu pour la recherche et pour l’industrie, et sont des outils privilégiés pour assurer le transfert de l’une vers l’autre.
« Le LabCom est un engagement fort, une déclaration officielle de la volonté de travailler ensemble. C’est une structure qui renforce les liens et qui favorise la visibilité du travail mené en commun », résume Nadège Courjal, enseignante-chercheuse en photonique intégrée à l’UMLP / Institut FEMTO-ST.

 

Des capteurs pour la détection de champs électriques intenses

Nadège Courjal est la coordinatrice pour l’UMLP de SYRAH-lab1, conclu avec l’entreprise KAPTEOS de Sainte-Hélène-du-Lac (73), qui s’est achevé fin juillet après cinq ans d’une recherche collaborative mise au service d’applications dans des domaines tels que la santé et la défense.

Les compétences complémentaires des deux partenaires sont réunies pour répondre à la problématique de la détection de champs électriques intenses. Ces champs sont générés, par exemple, dans le cadre de traitements anticancéreux utilisant l’hyperthermie ou les plasmas froids, ou encore par les antennes relais utilisées pour les télécommunications. L’objectif est de mesurer et de cartographier ces champs électriques afin de mieux contrôler les dispositifs émetteurs, en vue de leur mise en conformité ou de leur optimisation.

KAPTEOS développe et commercialise des capteurs diélectriques, c’est-à-dire dépourvus de métaux, qui ne modifient pas les champs électriques lors de la prise de mesures. L’équipe de chercheurs dirigée par Nadège Courjal travaille à l’amélioration de la sensibilité et de la stabilité de ces capteurs, en recourant à la structuration de matériaux, une technique développée depuis plus de trente ans au département Optique de l’Institut FEMTO-ST.

« La méthode traditionnelle pour réaliser des capteurs consiste à assembler des composants dotés de différentes fonctionnalités, mais ces assemblages peuvent poser des problématiques de stabilité à long terme. La structuration d’un matériau massif permet de produire un capteur monobloc, dans lequel sont inscrites toutes les fonctionnalités voulues », explique la chercheuse.

Pour parvenir à ce résultat, des guides d’ondes optiques sont usinés à l’intérieur du matériau, ils piégeront et confineront de la lumière pour créer des systèmes de traitement d’information, en l’occurrence ici la détection de signaux électriques.
À l’instar du silicium pour l’électronique, le niobate de lithium est le matériau phare de la photonique, le domaine technologique qui exploite les propriétés de la lumière pour la fabrication de ces composants.
Le niobate de lithium a été mis en œuvre pour la réalisation de guides d’ondes optiques de façon pionnière à FEMTO-ST, où son usinage, réputé très difficile, est assuré grâce aux compétences et équipements de la centrale de technologie MIMENTO.

Les structures réalisées à l’échelle nanométrique sont à l’origine de la mise au point de capteurs de taille équivalente, permettant la miniaturisation des systèmes : indétectables pour l’œil humain, ces capteurs affichent en effet des dimensions 80 fois plus petites que l’épaisseur d’un cheveu !

Le SYRAH-lab vient de se clore, après avoir consolidé les liens entre les deux partenaires et aidé à transférer les produits de la recherche vers l’industrialisation. D’autres projets vont continuer à faire vivre la collaboration, pour des applications principalement en faveur des domaines de la défense et du biomédical.

1 Sondes intégrées hyperfréquences pour la mesure de rayonnement électromagnétique à haute sensibilité – Laboratoire de développement industriel.

 

Solutions informatiques pour le secours à la personne

Savoir où installer un nouveau centre de secours, pouvoir traduire en temps réel l’appel d’urgence d’une personne non francophone, prévoir des renforts au bon moment : c’est à ces questions essentielles, parmi d’autres, que répondent les solutions informatiques mises au point par le LabCom SADIAND.

SADIAND est un partenariat conclu entre le département DISC de l’Institut FEMTO-ST et la société lilloise SAD Marketing, sur la base des besoins et attentes formulés par les pompiers du SDIS 25. Le centre départemental était déjà impliqué dans le projet RESPONSE, consacré à la sécurité des hommes et des bâtiments (voir l’article Pompiers connectés pour plus de sécurité, paru dans le journal en direct n°272, septembre-octobre 2017). Le périmètre s’élargit avec SADIAND, qui concerne quatre centres de secours en France, chacun doté de problématiques spécifiques. Les solutions développées pourraient se décliner à d’autres structures du domaine de la sécurité civile, et intéressent également l’hôpital.

« Le secours à la personne est devenu une priorité pour les pompiers, qui sont confrontés au vieillissement de la population en même temps qu’à une baisse de leurs effectifs volontaires, et parfois de leurs moyens matériels », explique Christophe Guyeux, informaticien au DISC et responsable du LabCom pour l’UMLP.

L’intelligence artificielle est particulièrement mise à contribution pour élaborer les logiciels qui permettront d’assurer une meilleure gestion de l’activité des soldats du feu au quotidien. « Les documents dont disposent les pompiers, les données météo, les articles de presse fournissent des informations avec un recul de plusieurs années. Ils sont lus et traités par IA générative. Cet ensemble de données fournit la base de connaissances nécessaires à un logiciel pour élaborer des prédictions. »

Du suivi des températures locales à l’évolution des activités de tourisme dans une région en fonction des saisons, le logiciel se nourrit de variables en perpétuel renouveau. Les paramètres pris en considération fournissent la matière nécessaire au logiciel pour bâtir ses prévisions, et donner des clés aux responsables pour qu’ils puissent anticiper les situations d’urgence, organiser les gardes, planifier les pauses ou encore sensibiliser leurs effectifs à la survenue d’un événement.

« Le LabCom est un outil adapté pour faire gagner en maturité les logiciels issus de nos recherches et pour garantir leur maintenance. L’entreprise partenaire dispose des compétences en ingénierie et des moyens humains nécessaires pour assurer ces missions. Travailler de cette manière, c’est faire le pari de la viabilité économique et avoir l’assurance de mettre au point des solutions informatiques à moindre coût pour les SDIS », conclut Christophe Guyeux.

 

Courses cyclistes et scientifiques

Cyclisme et science forment depuis de nombreuses années une équipe gagnante à Besançon : la collaboration entretenue de longue date entre le laboratoire C3S de l’UMLP et l’équipe cycliste professionnelle Groupama-Française des jeux a abouti en 2019 à la création du LabCom LAME, une première dans le domaine du sport (voir les articles Chercheurs et sportifs, une équipe hors pair, n°283 juillet-août 2019, et Science cycliste, n°307 juillet-août 2023).

Lancé avec pour fil conducteur la performance, à ses origines principalement autour de recherches en biomécanique, il se prolonge depuis 2022 de façon originale entre neurosciences et réalité virtuelle : tolérance à l’effort et à la douleur, charge affective, force mentale s’ajoutent désormais à la liste des mots-clés qui guident les chercheurs, les doctorants et les étudiants impliqués dans des travaux entièrement consacrés au sport de haut niveau.

Au terme du projet initial, d’une durée de trois ans et ici doté d’un budget spécifique de l’Agence nationale de la recherche (ANR), le label LabCom reste acquis tant que la collaboration se poursuit, comme l’explique Alain Groslambert : « Le par­tenariat ne s’appuie plus sur un financement dédié, mais toujours sur l’exploitation des technologies, des équipements et des compétences développées dans le laboratoire de recherche et dans l’entreprise ». Enseignant-chercheur à l’UMLP / laboratoire C3S, Alain Groslambert dirige le LabCom aux côtés de Frédéric Grappe, directeur de la performance à la SGE (Société de gestion de l’échappée), qui administre les activités des sponsors tels que Groupama et FDJ.

L’une des recherches récentes concerne l’étude de l’intérêt de la réalité virtuelle (RV) pour l’entraînement des cyclistes : placé en immersion sur une route de montagne par le biais d’un casque de RV, un coureur fournit les efforts nécessaires et bien réels sur son vélo pour affronter une descente vertigineuse.

« L’objectif est de tester les impacts de la descente sur les variables physiologiques, comme l’activité électrodermale et la fréquence cardiaque, et psychologiques, notamment le stress perçu. Cette mise en situation aide à redonner confiance aux cyclistes, lorsqu’ils ont par exemple été victimes de chutes. C’est une étape intermédiaire avant la reprise de l’entraînement sur le terrain. »
Aujourd’hui opérationnelle, cette méthode a auparavant été mise en lumière dans une publication scientifique.

Une autre recherche s’intéresse aux différences physiques et mentales observées chez des coureurs amateurs et professionnels d’une même tranche d’âge. Objet d’une thèse qui sera soutenue ce mois de septembre à l’UMLP, et là encore d’une publication scientifique, elle donnera des indications précieuses aux responsables de la SGE pour le recrutement et la formation de ses jeunes coureurs.

 

Tremplins pour l’emploi

Si les laboratoires communs donnent l’opportunité à une entreprise de bénéficier des apports de la recherche académique pour favoriser ses innovations, et en retour aident la recherche à prendre le chemin de l’industrialisation, ils constituent aussi une ressource pour l’insertion professionnelle des étudiants et des doctorants.
Nadège Courjal note ainsi que le SYRAH-lab a fourni l’occasion à un doctorant, impliqué dans le projet grâce à sa thèse, de rejoindre l’entreprise parte­naire, alors même que son profil le destinait davantage à la recherche académique.
Alain Groslambert voit également dans le LabCom un moteur pour l’emploi des jeunes : un chercheur et un ingénieur ayant fait leurs armes au LAME font aujourd’hui partie du staff R&D de la SGE, où ils poursuivent leurs travaux.

 

Apprendre à pédaler à l’envers

Le vélo, c’est aussi la raison d’être du LabCom CITSAP2, créé par le laboratoire SINERGIES et l’entreprise bisontine MTraining. Un vélo mis au point pour l’activité physique adaptée, et qui présente la parti­cularité de faire pédaler… à l’envers.

Les bénéfices de ce pédalage, dit excentrique, ont été scientifiquement mis en évidence dès les années 1950 et donnent lieu à des développements cliniques depuis une quinzaine d’années. Contrairement au vélo classique qui demande d’appliquer une force musculaire sur les pédales pour créer le mouvement, sur un vélo excentrique les jambes tournent à l’envers, car elles cherchent à freiner un moteur qui entraîne les roues. De cette manière, les muscles se contractent en s’allongeant, et non en se rétrécissant comme c’est le cas en pédalant sur un vélo classique.

Ce type d’activité apparaît moins difficile physiquement : la demande énergétique est beaucoup moins importante que lors du pédalage classique, ce qui en fait une pratique particulièrement intéressante pour les personnes atteintes de pathologies cardiaques, pulmonaires ou de cancers, des patients fragilisés par la maladie mais pour qui l’exercice physique est recommandé.

« CITSAP nous fournit des moyens supplémentaires pour développer un vélo excentrique qui soit financièrement accessible pour les centres de rééducation ou les cabinets de kinésithérapie, sur la base d’un prototype que nous avons rendu fonctionnel, après un an à peine de collaboration », explique Laurent Mourot, qui codirige le LabCom pour la partie académique. Enseignant-chercheur en physiologie à l’UMLP / laboratoire SINERGIES, Laurent Mourot est aussi directeur de la plateforme EPSI 3, dont le plateau technique est dédié à la santé par l’activité physique.

« Depuis plus de vingt ans, nous travaillons à l’individualisation de la prescription d’activité physique pour la santé. Celle-ci doit être adaptée en fonction de l’âge, du sexe, du poids, du mode de vie d’une personne, de ses pathologies, des traitements qu’il suit… C’est aussi un objectif prioritaire de nos travaux dans le cadre du LabCom, car la prescription d’un exercice excentrique demande de trouver de nouveaux repères. »

Si l’exercice paraît en effet moins difficile, le travail est bien là, et les effets sur l’organisme peuvent se faire ressentir avec un certain décalage dans le temps. Afin de tester l’ergonomie du prototype et de mesurer les impacts physiologiques des exercices pour assurer leur efficacité en toute sécurité, des essais cliniques sont actuellement menés sur des sujets sains à la plateforme EPSI, et seront proposés début 2026 à des patients en milieu hospitalier ou en centre de rééducation.

« Le LabCom donne un véritable coup d’accélérateur à une collaboration que nous entretenons depuis plusieurs années avec MTraining, et qui bénéficie d’un écosystème en ingénierie et en santé très favorable sur Besançon », souligne Laurent Mourot. Avec pour finalité la commercialisation d’un cyclo-ergomètre excentrique, puisque c’est son nom officiel, à des prix compétitifs pour l’équipement des professionnels de santé.

2 Centre d’innovation technologique pour la santé par l’activité physique
3 Exercice performance santé innovation

 

Un simulateur de poumon pour la formation des soignants

Fabriquer des équipements pour une utilisation de routine en clinique, l’idée a également présidé au développement de Lusim, dans le cadre des dispositifs CRUNCH proposés par l’UTBM. Lusim est un « simulateur de poumon » dont l’observation et la manipulation donnent aux soignants la possibilité de se former, en amont des interventions qu’ils auront à réaliser à l’hôpital. Ce simulateur comporte un dispositif physique auquel s’ajoute un module de réalité virtuelle, pour un effet saisissant et très pédagogique.

L’idée est émise par deux médecins du service réanimation de l’hôpital Nord Franche-Comté, alors que sévit l’épidémie de COVID : l’afflux de patients en réanimation, pris en charge par des soignants également plus nombreux, et parfois peu formés aux techniques de ventilation, occasionne des délais de soin plus longs qu’à l’accoutumée.

Laurent Faivre et Jean-Sébastien Buvat, qui réfléchissent à la conception d’un outil de formation à la ventilation, intègrent alors le CRUNCH Maker Camp : la compétition de type Hackhaton fait plancher pendant 48 heures des étudiants, des chercheurs et des industriels autour de sujets de R&D. L’équipe remporte le premier prix de cette édition 2021, qui, doté de 3 000 €, lui permet de poursuivre l’aventure au CRUNCH­ Lab.

Elle bénéficie alors des équipements de la structure, notamment en impression 3D, et s’adjoint les compétences de Lucas Romary, développeur de projets IoT 4 pour le Lab. La team s’agrandit ensuite avec Jules Ferlin, ingénieur en informatique fraîchement diplômé de l’UTBM, et Fabrice Lauri, enseignant-chercheur en intelligence artificielle à l’UTBM / laboratoire CIAD.

Le projet gagne en maturité, et si l’équipe continue à le développer dans les locaux de la maison CRUNCH où elle loue un bureau, elle volera désormais de ses propres ailes en vue de la création d’une start-up : NEXSIM aura Lusim pour premier développement produit, avec l’idée que le simulateur de poumon inaugure pour la jeune entreprise une série d’équipements conçus sur le même modèle technologique, et qu’elle commercialisera pour répondre aux besoins sur le terrain.

Lusim est un simulateur physique en résine, réalisé par impression 3D, doté de divers mécanismes motorisés et connexions, auquel s’ajoute un simulateur de réalité virtuelle. On peut ainsi observer comment le « poumon » réagit à une pathologie créée artificiellement, et regarder à l’intérieur la trachée et les alvéoles, voire les infections qui les gagnent, grâce à l’outil de réalité virtuelle. « L’ensemble permet une compréhension fine d’une pathologie et des processus en jeu. Pouvoir les visualiser de cette manière a un impact très fort en pédagogie », explique Lucas Romary.

Les soignants en formation ont alors toute latitude pour apprendre à maîtriser l’usage d’un ventilateur dans des situations simulées au plus proche de la réalité, pour apporter ensuite les soins nécessaires à un patient admis en service de réanimation à l’hôpital, dans les meilleurs délais.

4 Internet of Things. L’internet des objets est un réseau interconnecté de dispositifs physiques et de logiciels, qui échangent des informations et des commandes par le biais d’internet.

 

L’horlogerie suisse se mobilise pour la micro-usine

Concept audacieux développé depuis plusieurs années au MicroLeanLab de la Haute Ecole Arc, la micro-usine réussit à fédérer trois grands groupes horlogers suisses dans un même consortium. Confiants dans le système de production innovant imaginé par les chercheurs et ingénieurs de l’école, intéressés par la rupture technologique qu’il promet, les géants Swatch Group, Rolex et Richemont ont choisi d’unir leurs forces dans une collaboration inédite, mise au service de l’avancement du projet. Un partenariat débuté en 2019, et pour l’instant reconduit jusqu’à 2028.

Le MicroLeanLab est la plateforme où est assuré le développement de la micro-usine, et qui fait naître bien des espoirs industriels autour d’un prototype prenant la forme d’une grande étagère en bois de 3 x 3 m. Neuf mètres carrés et autant de cases correspondant à des blocs technologiques, chacun investi d’une opération de microfabrication pour l’horlogerie : deux microfraiseuses, une machine pour le dépôt de laques de protection et deux autres assurant des prises de mesures sont aujourd’hui opérationnelles. Les procédés de protection contre l’oxydation, de décoration au laser et de garnissage sont en cours de développement.

Le concept de micro-usine repose sur deux termes-clés : asynchro­nisation et autonomisation. Et sur l’expertise et la compétence de ses inventeurs et développeurs, dont l’idée était à l’origine de mettre au point un système de production de dimensions proportionnelles à celles des objets qu’il fabrique.

La Micro 5 est une illustration réussie de ce concept innovant : 250 de ces microfraiseuses équipent aujourd’hui des ateliers de fabrication, dix ans après la présentation d’un premier prototype. Un succès technique et commercial pour cet outil de production dont l’encombrement ne dépasse pas celui d’une machine à café, à la consommation énergétique réduite, et qui assure un taux de rendement synthétique (TRS) de 85 %.

Forte de cette expérience, la micro-usine va plus loin et remet en question le principe traditionnel de la production en ligne, dans laquelle les opérations de fabrication se succèdent et sont liées. Son organisation en blocs technologiques permet la gestion de plusieurs process en parallèle : si l’un est défaillant, il peut être relayé par une opération similaire menée dans la case voisine, et la panne n’impacte pas les autres procédés en cours.

« La micro-usine est pilotée par un logiciel d’ordonnancement qui définit pour chaque pièce en fabrication sa gamme d’usinage, sous forme d’une suite de besoins technologiques. Les blocs technologiques sont des ressources spécialisées mises à disposition des pièces en cours de fabrication. L’ordonnanceur attribue le bloc technologique adéquat à la pièce qui vient de terminer un de ses processus, et l’achemine vers lui. Le flux n’est plus séquentiel, les ressources répondent à des demandes en temps réel. Plusieurs gammes définissant plusieurs pièces différentes peuvent cohabiter sur la micro-usine », explique Florian Serex, responsable du groupe de compétences Ingénierie horlogère à la HE-Arc, et de la valorisation des travaux effectués dans le cadre du MicroLeanLab.

La micro-usine est aussi conçue pour être autonome, c’est-à-dire capable de traiter ses propres données de production, d’analyser les processus en cours, d’évaluer l’usure des outils, en somme d’avoir une perception de la qualité de ce qu’elle fait en temps réel, et de pouvoir ajuster ses paramètres de fabrication. « C’est le début de la production zéro défaut, estime Florian Serex. Le réglage des machines n’a plus lieu d’être, cela représente des gains de temps énormes. Cette flexibilité favorise la production des petites séries que les marchés demandent aujourd’hui. »

Aux côtés de Swatch Group, Rolex et Richemont, vingt-cinq fabricants de machines-outils pour l’horlogerie, de l’usinage des platines d’une montre à leur décoration, en passant par le sertissage de rubis, font partie du consortium MicroLeanLab : industriels et chercheurs assurent ensemble le développement de la micro-usine conçue par les équipes de la HE-Arc Ingénierie.

 

Blocs technologiques pour applications biomédicales

La micro-usine a apporté les preuves de son intérêt et de sa viabilité, son développement peut s’accompagner de déclinaisons pour des applications autres que les microtechniques : le domaine biomédical est un nouveau défi pour l’équipe du MicroLeanLab !

Dans le projet européen DNAMIC5, les chercheurs travaillent au stockage de données sur de l’ADN de synthèse (voir l’article L’ADN de synthèse, solution pour le stockage des données, paru dans le journal en direct n°310, janvier-février 2024).

L’objectif ? Assurer la sauvegarde de l’information à long terme, sur des supports de faible volume et sans consommation d’énergie. L’ADN de synthèse est le candidat idéal pour répondre à ces exigences.

La démarche est comparable à celle qui prévaut en informatique : les lettres A, T, G, C, qui correspondent aux composants de base de l’ADN, se substituent au système binaire organisé en 0 et 1 pour encoder l’information. La technologie est révolutionnaire : elle laisse envisager, selon les spécialistes, de pouvoir stocker toutes les données actuellement conservées sur des supports informatiques à travers le monde, dans le volume d’une boîte à chaussures !

Les grands noms de l’industrie européenne, fabricants de disques durs, de barrettes RAM et autres produits de la data science sont engagés dans la DNA Data Storage Alliance, qui traite tous les aspects de cette technologie de stockage. « Le stockage sur ADN est réputé inaltérable pendant cinq siècles, si les conditions de conservation, comme la protection aux UV, sont respectées. Si les molécules sont encapsulées de manière étanche, le délai peut atteindre des milliers d’années », explique Florian Serex, qui au MicroLeanLab travaille au coude à coude avec Jérôme Charmet, spécialiste en ingénierie biomédicale à la HE-Arc.

L’idée est d’automatiser et d’autonomiser les processus de codage et de décodage de l’information, équivalant respectivement à la synthèse et au séquençage de l’ADN. Des procédés complexes, que les chercheurs entendent aussi simplifier, comme le séquençage, qui ne nécessite actuellement pas moins d’une cinquantaine d’opérations réalisées avec des produits différents.

« La micro-usine est dotée de standards électriques, mécaniques, transitiques, informatiques et de communication qui seront adaptés aux besoins de l’archivage et du stockage sur ADN. Elle pourra ainsi piloter les nouvelles opérations requises dans ses blocs technologiques, comme elle le fait dans le domaine microtechnique », assure Florian Serex.

Il est prévu que le projet DNAMIC, lorsqu’il arrivera à son terme en septembre 2026, donne lieu à la création d’une start-up chargée du développement et de la commercialisation de la version biomédicale de la micro-usine.

5 DNA Microfactory for Autonomous Archiving regroupe sept partenaires en Europe. En Lituanie, la société Genomika, coordinateur du projet, et Kaunas University of Technology. En Suisse, la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES SO), dont fait partie la HE-Arc, et l’Université de Genève. En Angleterre, l’Impérial College London. En Allemagne, la Technische Universität München. En Autriche, la société Kilobaser. https://dnamic.org/
Crédit illustrations : Gwladys Darlot
Crédit photo 1 : frimufilms – Freepik
Crédit photo 2 : Doyo Hermann –Unsplash
Crédit photo 3 : Pexels – Pixabay
Crédit photo 4 : Robina Weermeijer –Unsplash
Légende photo 5 : Equipe MicroleanLab avec en arrière-plan la micro-usine.
Contact(s) :
Institut FEMTO-ST
UMLP / SUPMICROTECH / UTBM / CNRS
Département Optique
Nadège Courjal
Tel : +33 (0)3 81 66 55 85

Département DISC
Christophe Guyeux
Tel : +33 (0)3 84 58 77 22

Laboratoire C3S
Culture, sport, santé, société
UMLP
Yann Descamps
Alain Groslambert
Tel : +33 (0)6 65 61 30 22

Laboratoire SINERGIES
Soins intégrés, nanomédecine, IA & ingénierie pour la santé
UMLP
Laurent Mourot
Tel : +33 (0)3 63 08 23 24

UTBM Innovation CRUNCH Lab
Lucas Romary
Tel : +33 (0)3 84 58 33 75

Groupe Ingénierie horlogère
Haute Ecole Arc Ingénierie
Florian Serex
Tel : +41 (0)79 206 85 58
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