Université de Franche-Comté

Fibre écolo : le lin, matériau longue conservation

Fibres de lin anciennes vues au microscope électronique à balayage. © Alain Bourmaud, IRDL

Du lin vieux de 4 000­ans, aux propriétés mécaniques et biochimiques a priori quasi intactes et en tout cas comparables à celles d’un lin tissé aujourd’hui : ce constat surprenant a soulevé l’enthousiasme des chercheurs qui ont étudié de très près un linge mortuaire datant de l’Égypte antique, issu des collections du Louvre.

« Le lin cultivé à l’époque était sans doute différent des espèces actuelles, qui font l’objet de sélections. Nous ne savons pas exactement quelles étaient ses propriétés de départ, mais nous pouvons affirmer que le textile, bénéficiant de conditions d’humidité et de températures constantes à l’intérieur de la tombe, n’a subi que très peu de dégradations », raconte Vincent Placet.

Sa qualité témoigne aussi du grand savoir-faire dont faisaient preuve les Égyptiens dans la transformation de la matière végétale. Le fil était torsadé pour réduire le frottement entre les fibres élémentaires, elles-mêmes collées par de la pectine extraite de leurs parois : l’action combinée de torsion et de collage garantissait leur résistance au tissage, un défi d’autant plus grand que les fils étaient fins. Ce savoir-faire artisanal est aujourd’hui devenu un enjeu industriel aux multiples dimensions.

L’analyse du tissu antique révèle des irrégularités sur les parois des fibres de lin, cependant moins marquées que dans les tissages d’aujourd’hui. Ce constat pose question quant à l’origine de ces défauts, responsables d’une altération de la résistance des fibres : apparaissent-ils naturellement lors de la croissance des tiges de lin, sous l’effet du vent ou des variations d’humidité ? Sont-ils accentués par l’action du temps ou par les procédés de tissage d’aujourd’hui ? L’analyse de la morphologie des fibres a été effectuée par nanotomographie, un procédé non invasif proposé par la plateforme MIFHySTO et habituellement utilisé pour des applications en microtechniques. «­ Cette technologie permet une vision 3­D très précise de la forme et de la structure interne de ces fibres creuses, d’un diamètre inférieur à une trentaine de micromètres, et de leurs parois. »

Des travaux complémentaires sont actuellement poursuivis par les chercheurs de l’université Bretagne Sud, à l’initiative du projet, pour mieux comprendre l’influence de l’architecture des fils et des conditions de conservation sur la durabilité du lin. Les premières conclusions de l’étude sont cependant déjà probantes, et complètent utilement les tests de vieillissement accéléré des matériaux réalisés en laboratoire. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue de référence Nature Plants en septembre 2021.

retour