Le chanvre est l’une des plantes de prédilection des chercheurs impliqués dans le projet SSUCHY, qui vient de se clore après quatre ans de mise au point et de test de matériaux biosourcés. Coordinateur de ce projet européen au département Mécanique appliquée de l’Institut FEMTO-ST, Vincent Placet souligne que les études confirment l’intérêt du chanvre, de sa résistance mécanique, de ses propriétés biochimiques et de sa durabilité, comme matériau capable de se substituer à des produits issus du pétrole dans de nombreuses applications industrielles, en complément du lin.
« La demande mondiale de fibres végétales est en augmentation pour les besoins du secteur textile comme pour le développement de nouveaux matériaux respectueux de l’environnement. Une culture facile, des qualités exploitables du secteur automobile au domaine de l’acoustique font du chanvre une plante d’intérêt majeur pour répondre à ces objectifs. »
La création d’une chaîne de valeur chanvre en Europe, une hypothèse soumise à l’expertise des chercheurs, se révèle donc être une option intéressante au vu des résultats obtenus. La relance de la production de la plante ces dernières années va dans ce sens, et l’idée du développement d’une filière a conduit les membres du consortium à étudier tous les aspects de la valorisation du chanvre, de sa culture à ses applications industrielles potentielles, en passant par sa transformation. « Certains procédés techniques, qui avaient cours il y a cent cinquante ans et ont perduré jusqu’aux années 1950, méritent d’être réhabilités. Plus adaptés au travail sur des tiges longues, ils présentent pour certaines applications d’autres atouts que les méthodes de teillage dédiées à la transformation du lin. »
Bon rendement de la production et performances du matériau conformes au cahier des charges : les preuves de la pertinence des pratiques anciennes ont été établies en laboratoire, puis confirmées à l’échelle industrielle, grâce au concours d’entreprises qui ont selon ces procédés produit des fils de chanvre pour la fabrication des démonstrateurs prévus par le projet. « Une option serait d’optimiser puis d’implanter ces équipements spécifiques dans les zones de production du chanvre, par exemple en France dans l’Est et le Sud du pays. De manière plus générale, il nous faut retrouver le savoir-faire lié à l’exploitation des fibres végétales, que nous avons presque totalement perdu en Europe au cours des dernières décennies. »
Chanvre, lin, ortie…, SSUCHY montre que, même si des nuances sont à apporter en fonction du niveau de maturité des recherches et selon les applications choisies, les fibres et les polymères biosourcés étudiés dans le projet présentent un intérêt certain pour leurs propriétés. Il reste cependant à diminuer l’impact environnemental de la fabrication des matériaux composites, qui n’est pour l’instant que légèrement meilleur à celui de la production de matériaux issus du pétrole.
« C’est insuffisant, et cela reste un challenge, parce que même si on a recours à de la chimie verte, la mise au point des polymères et des composites requiert actuellement une consommation importante de solvants et d’énergie », explique Vincent Placet. Le volet environnemental pourrait faire l’objet d’un prolongement de SSUCHY dans les prochaines années, ainsi que le souhaitent les membres du consortium européen. Les résultats du projet et les prototypes mis au point sont à découvrir par le biais d’une vidéo et d’un document d’information disponibles sur www.ssuchy.eu.
Doté d’un budget global de 7,4 millions d’euros pour quatre ans lors de son lancement en 2017, SSUCHY a regroupé 17 structures dans un partenariat public-privé validé par le programme européen H2020, autour de l’étude et du développement de matériaux composites biosourcés pour l’industrie. Pas moins de 6 thèses ont été soutenues au cours du projet, et une école d’été, pour la première fois organisée autour de ce sujet, a réuni sur le net 175 participants de 27 pays différents en juillet 2021.