« Feuilletage temporel », cette formule de la philosophe Sarah Carvallo1 évoque en deux mots comment les disparités entre temps social, politique, économique, scientifique ou encore personnel se sont révélées lors de la pandémie de Covid-19, et comment ces temporalités se sont télescopées, se heurtant toutes à celle du virus. C’est par ce prisme particulier que des chercheurs de différentes disciplines, philosophie, physique, écologie, droit, histoire, immunologie…, abordent la crise sanitaire dans l’ouvrage Les temps des pandémies.
Le philosophe Arnaud Macé1 évoque en préambule que les pertes de repères et les contraintes temporelles d’un quotidien soumis au confinement résonnent de la même façon entre l’expérience que nous venons de connaître et le vécu rapporté par des témoins des deux guerres mondiales : par-delà les années, ces analogies témoignent d’une mémoire commune de ressentis, symptomatiques de crises au demeurant incomparables. L’historien Laurent-Henri Vignaud2 explique que les discours anti-vaccins trouvent leurs fondements aussi bien dans des principes religieux et philosophiques anciens, prônant la maladie comme un mal nécessaire, que dans le refus d’un ordre imposé par l’État avec les premières vaccinations obligatoires au cours du XIXe siècle. L’immunologiste Dominique A. Vuitton3 raconte le long cheminement de la notion d’immunité, éprouvée de manière empirique pendant 25 siècles avant d’être scientifiquement expliquée et comprise, jusqu’à détailler les étapes successives du processus immunitaire…
Les contributions à cet ouvrage collectif viennent en prolongement du séminaire en ligne Penser la pandémie, proposé par Arnaud Macé et Patrick Giraudoux4 dès les premiers mois de la pandémie, et qui a organisé la réflexion sur la crise sanitaire dans une série de conférences toujours disponibles sur canal-u.tv. En focalisant les analyses sur les temporalités, le livre pose aussi la question de la compréhension et de la gestion d’un phénomène sur le temps long, a contrario d’une vision et d’actions menées à court terme. Ces considérations de temps sont symboliquement mises en exergue par le différentiel de vitesse caractérisant l’existence des micro-organismes et celle des humains : « Il ne faut pas plus de dix ans à une bactérie pour connaître autant de générations que l’homme en a connu depuis l’Australopithèque ! » Le constat invite à la réflexion…
