Université de Franche-Comté

Entreprise : remue-ménage à tous les étages

Entre grands principes de droit, stratégies de gouvernance et organisation au quotidien, l’homme social voit se cultiver les paradoxes autour de son rôle et de sa place dans l’entreprise.


Du lean management à la responsabilité civile des entreprises, de la notion de travail à celle d’emploi, de la pénibilité physique aux risques psychosociaux, de la reconnaissance au contrôle… quelles évolutions jalonnent son parcours ? Quel(s) visage(s) offre aujourd’hui l’entreprise ?


Dessin d'un atelier


  

SOMMAIRE


La loi subordonnée au contrat ?


Droit tout-puissant ou instrument ?


L'individualisation change la donne

La pénibilité mentale, fléau de l'entreprise du XXIe siècle

Le temps des vaches maigres

Guérir est-il encore possible ?

Intérêt général et limites individuelles

La responsabilité sociale de l'entreprise en débat

Pour en savoir plus…

Contacts


  

La loi subordonnée au contrat ?

Dura lex, sed lex… En matière de droit du travail, l’adage a gagné en souplesse en France depuis trente ans, avec l’entrée en lice des partenaires sociaux aux côtés des législateurs dans l’établissement des règles du jeu de l’entreprise.

Retour à la case départ. 1982 : la mise en place des premiers accords dérogatoires donne de la latitude aux entreprises par rapport aux niveaux décisionnels supérieurs, à savoir les conventions collectives de branche qui fixaient les règles depuis les années 1950, elles-mêmes ayant pris le relais de l’État dans ce rôle. Autant d’étapes marquant la réforme de l’État providence. Les lois de 2004 et de 2008 accélèrent le processus et font pencher de plus en plus la balance du côté de l’entreprise, favorisant l’expérience du terrain et la mise en retrait du législateur. Les partenaires sociaux entrent en jeu : désormais, des négociations entre organisations patronales et syndicats de salariés précèdent obligatoirement toutes les grandes réformes, et l’entreprise peut fixer ses propres règles, toujours sous couvert de concertations. La souplesse est grande à l’intérieur d’un cadre qui reste placé sous la responsabilité de l’État.

La majoration des heures supplémentaires est un bon exemple de cette organisation. « La loi préconise un taux de 25 % de majoration des heures supplémentaires, qui s’applique dans une entreprise à défaut d’accord collectif. Elle fixe aussi le plancher minimum de rémunération à 10 %. Si pour une entreprise, un accord entre partenaires sociaux fixe le taux à 20 %, c’est celui-là qui sera appliqué », explique Thomas Pasquier, spécialiste de droit privé au CRJFC, le Centre de recherches juridiques de Franche-Comté.

Retour sommaire

Droit tout-puissant ou instrument ?

Très actuel, le débat sur le travail dominical est également révélateur. Si la loi l’interdit, sauf exceptions comme les boulangers ou les fleuristes, en pratique on sait que certaines grandes enseignes ne craignent pas de s’y soustraire, les amendes s’avérant négligeables au vu du profit réalisé.

Dessin d'un bureau

« Les économistes utilisent des outils comme la théorie des jeux pour connaître le point d’équilibre d’une situation de concurrence, et peuvent émettre des recommandations auprès du législateur, souligne Karine Brisset, économiste au CRESE, le Centre de recherche sur les stratégies économiques de l’université de Franche-Comté. Si la volonté est de laisser fermés les magasins le dimanche, alors il faut revaloriser l’amende jusqu’à atteindre ce point où les entreprises n’auront plus rien à gagner au sens strictement financier ».

Mais le droit épouse-t-il des valeurs dominantes inspirées par la sphère économique ou assure-t-il la défense de valeurs supérieures ? Pas de réponse tranchée pour Thomas Pasquier qui estime que « le droit du travail organise des équilibres à l’intérieur d’un conflit de valeurs, celles dictées par la sphère économique et celles, fondamentales, attachées à la question de l’être humain ».

Le marché se substitue parfois même au droit en matière de sanction. Issue d’une directive européenne, la loi de 2008 concerne l’adoption d’un code de gouvernance d’entreprise selon le principe du comply or explain : les sociétés cotées en bourse doivent se conformer à un code qu’elles choisissent et s’expliquer sur des décisions qui n’y seraient pas conformes. « Les associations professionnelles et les instituts d’administrateurs apprécient le comply or explain pour sa flexibilité et la possibilité pour une société d’adopter des structures de gouvernance appropriées », raconte Catherine Refait-Alexandre dans une recherche en économie menée au CRESE. Mais le principe pose ses limites. « La loi française ne requiert pas des sociétés qu’elles livrent une déclaration de conformité explicite. Il est facile de dissimuler aux yeux de la loi certains écarts aux principes de code ». Mais c’est du marché financier que tombe la sanction, par exemple sous forme de vente d’actions lorsque l’entreprise prend d’autres décisions que celles annoncées.

Dessin d'une salle d'attente

Retour sommaire

Privé / public : un seul droit ?

Dessin d'une salle de réunion

En France comme en Suisse, on observe un glissement du terrain de la fonction publique vers celui du privé, et inversement. En France, les accords collectifs du public s’inspirent des conventions collectives des entreprises, quand, dans le secteur privé, les notions de parcours professionnel et d’anonymisation des recrutements font écho à des pratiques connues depuis longtemps dans le public. En Suisse, la remise en cause des statuts des fonctionnaires est en marche depuis une dizaine d’années, et si les emprunts du secteur privé à la sphère publique se font plus discrets, ils n’endemeurent pas moins bien réels.

Y aura-t-il un jour en Suisse un seul régime qui s’appliquerait à tous les salariés ? C’est pour apporter des éléments de réponse à cette question que, dans une collaboration originale et à l’image de la situation, Jean-Philippe Dunand et Pascal Mahon combinent les deux aspects dans leurs recherches au CERT, le Centre d’étude des relations de travail de l’université de Neuchâtel, où ils sont spécialistes respectivement de droit privé du travail et de droit constitutionnel. Un financement de 400 000 CHF leur a été alloué en 2012 par le Fonds national suisse pour soutenir leurs travaux.

« Si le droit privé du travail est unifié pour toute la Suisse dans le Code des obligations, il n’en va pas de même pour le droit de la fonction publique qui se détermine aux différents niveaux de l’organisation fédérale (Confédération, cantons, communes) », souligne Jean-Philippe Dunand. « La Suisse compte ainsi une multitude de statuts du personnel, théoriquement pas moins de 3 000 ! », renchérit Héloïse Rosello, doctorante recrutée au CERT sur le projet. La réforme est complexe mais s’opère cependant peu à peu à tous les échelons.

Du côté du droit privé, la jurisprudence fait parfois appel à des principes généraux du droit inhérents au droit public, par exemple, le principe de l’égalité de traitement. En effet, la doctrine et la jurisprudence admettent que ce principe peut être déduit de l’art. 328 du Code des obligations (protection de la personnalité du travailleur), même si cela ne ressort pas expressément de la loi.

Catherine Bouverat, également impliquée dans l’étude en cours pour la réalisation de sa thèse, remarque que les transformations qu’apporte la jurisprudence peuvent engendrer une certaine insécurité pour les employés et surtout pour les employeurs. « Même si la liberté contractuelle gouverne toujours le droit privé du travail, la marge de manœuvre des partenaires contractuels semble se réduire. On ignore quelles seront les évolutions à venir, notamment eu égard à la protection de la personnalité du travailleur. »

 Retour sommaire

L’individualisation change la donne

Parallèlement à la prise de contrôle de l’entreprise sur un système de gestion de plus en plus personnalisé, les revendications des salariés à titre personnel se sont amplifiées.

La loi de 1982 autorise pour la première fois le droit à contrôler les dispositifs mis en place dans l’entreprise et les décisions prises par les employeurs à l’aune des droits fondamentaux. « C’est l’entrée de la citoyenneté dans l’entreprise, la reconnaissance des droits de la personne aux travailleurs, explique Chantal Mathieu, enseignant-chercheur en droit privé au CRJFC. Respect du règlement intérieur, loi sur le harcèlement…, les droits fondamentaux des salariés n’ont jamais été autant défendus que depuis cette date. » Autre grand précepte, l’évaluation des risques professionnels est aujourd’hui inscrite au bilan des entreprises.

Dessin de deux bureaux d'entreprise

La directive européenne relative aux machines, intégrée au Code du travail français en 2010, stipule que les équipements et les machines créés depuis cette date ont à répondre à certaines exigences en santé et sécurité pour être labellisés par une norme CE désormais obligatoire. Ce texte de loi engage la responsabilité des concepteurs.

À l’UTBM, ces évolutions confortent le choix de placer le facteur humain au cœur de la conception des produits, des systèmes et des postes de travail de l’IRTES-SeT. L’équipe ERCOS (Ergonomie et conception des systèmes) de l’IRTES-SeT est pluridisciplinaire, elle compte des spécialistes en physiologie et médecine du travail, en psychologie cognitive, en design industriel ainsi qu’en mécanique, pour mieux comprendre le fonctionnement du corps humain en activité, au travail.

Les produits nés de ce processus innovant tiennent compte de la variabilité des caractéristiques physiques des personnes (âge, sexe, taille, force musculaire…), des conditions d’utilisation de la machine, du rythme et de l’organisation du travail. La démarche est également valable pour la correction ergonomique de postes de travail déjà existants, une activité qui représente pas moins de 60 % des demandes de R&D adressées à l’IRTES-SeT. Un engouement guidé par une prise de conscience de l’importance du capital santé au travail, favorisé par de nouvelles dispositions légales, et que le succès de la formation d’ingénieurs EDIM, adossée aux travaux d’ERCOS, ne dément pas.

Dessin d'un atelier 2

En six ans d’existence, EDIM a vu passer de 40 à 371 étudiants son effectif, qui de plus compte une proportion notable de filles (30 %). Les compétences mêlent ergonomie, design et ingénierie, un cocktail qui fait le succès de la formation tout autant que celui de la recherche. « Nous sommes sollicités aussi bien par des PME, voire des TPE, que des grands groupes tels THALES, EUROCOPTER, EDF, SNCF ou PSA. Notre laboratoire, c’est l’entreprise ! », sourit Jean-Claude Sagot, responsable de l’équipe ERCOS et directeur du département EDIM.

Retour sommaire

La pénibilité mentale, fléau de l’entreprise du XXIe siècle

Mais la question de la santé au travail dépasse les cadres traditionnels. Plus que les variables de bruit, de lumière ou de vibrations générés par un environnement, ou les problèmes nés de tâches excessivement physiques, toutes choses largement améliorées au fil des décennies, c’est le stress qui est aujourd’hui pointé du doigt. Un stress en grande partie lié à une organisation du travail récente, et pourtant rétrograde à bien des égards. Celle-ci serait à l’origine d’une dégradation de la santé au travail, surtout dans les grandes entreprises, bien avant les écueils générés par la mondialisation et la financiarisation de l’économie. Ainsi, certaines recettes ne sont pas partout appréciées.

Tout droit importé du Japon, le lean management à la sauce occidentale ne serait qu’une contrefaçon peu réussie du modèle de gestion développé chez TOYOTA dans l’idée de réformer les vieux principes du taylorisme encore en vigueur dans les grands groupes automobiles. Le lean management veut chasser tout gaspillage pour améliorer les performances de l’entreprise. Temps, stocks, déplacements… si l’original japonais concerne au départ la production, sa déclinaison accole bientôt son qualificatif lean aux aspects de développement ou à l’administration. La recette écrème l’organisation de l’entreprise à un point tel qu’elle retire toute saveur au travail : tâches répétitives, impossibilité d’anticiper sa journée de travail sous prétexte d’adaptabilité, fabrication d’une pièce dont on ne sait dans quel puzzle elle va s’imbriquer, contrôle accru… « La spirale attire au cœur du cyclone tous les statuts, y compris les patrons d’entreprises de sous-traitance ou propriétés de fonds de pensions, soumis à des exigences qu’ils répercutent sur leurs salariés », déplore Didier Truchot, enseignant-chercheur au laboratoire de psychologie de l’université de Franche-Comté.

Dessin d'un bureau de direction

Retour sommaire

Le temps des vaches maigres

Se gardant de tomber dans une nostalgie de mauvais ton, le psychologue s’appuie cependant sur le passé pour expliquer que « là où les gens exerçaient un métier, qui de surcroît leur donnait une place dans la société, on trouve depuis quinze ans des opérateurs interchangeables, sans connaissance du fonctionnement d’une entreprise à laquelle ils n’ont plus envie de s’identifier ». La culture d’entreprise laisse place à un total désengagement. Un avis que partage Jean-Claude Sagot pour qui « la perte de contenu ajoutée à celle du savoir, du savoir-faire, de l’anticipation, conduit les salariés à un résultat navrant : un intérêt nul pour le travail et pour l’entreprise ».

À la Haute Ecole Arc, Alain-Max Guénette est enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines, psychosociologie et organisation. Il souligne lui aussi les contradictions du système, ces discours aux apparences trompeuses qui, sous couvert de participation ou d’adaptabilité, cachent en réalité un contrôle exacerbé, une « taylorisation plus forte que jamais ».

Le psychosociologue pointe les rythmes de travail insoutenables, les objectifs inatteignables et une fâcheuse tendance au recours à la moralité punitive plutôt qu’à la solidarité et à la mise en avant du fait que le travail est d’abord une affaire collective.

« À trop insister sur la performance individuelle, on participe d’une tendance à l’individualisation du traitement des salariés à qui on prodigue conseils et formations en tous genres jusqu’à leur attacher les services d’un coach personnel ; on oublie qu’autour l’organisation du travail n’est peut-être pas adéquate. » On fait porter la faute à l’individu qui, malgré les efforts déployés à son égard, n’arrive toujours pas à la hauteur de ce qu’on attend de lui, et pour cause.

Les exigences de la collectivité sont alors telles qu’elles dépassent le potentiel de l’individu, qui par ailleurs ne trouve plus dans son travail ni soutien ni solidarité, des ressources désormais épuisées au sein de ces entreprises de la génération lean.

Dessin d'un bureau

Retour sommaire

Le rapid modelling pour sauver l’emploi

Se concentrant sur les aspects de production et de logistique pour répondre à des problèmes précis, le rapid modelling quant à lui emprunte avec bonheur quelques principes au lean et s’oriente, au-delà de la performance de l’entreprise, vers la sauvegarde de l’emploi. « Keeping jobs in the european Union » est d’ailleurs, comme un credo, le nom donné au programme de recherche développé entre 2009 et 2012 à la faculté des sciences économiques de l’université de Neuchâtel, où l’on espère qu’un projet européen prendra son relais dès cette année. Si le concept de rapid modelling, né dans les années 1990, n’est pas complètement nouveau, il fait l’objet d’adaptations et de développements à l’aube de la crise financière de 2008 pour tenter d’apporter ses réponses.

« Avec la crise, les entreprises ont tenté de réduire les coûts liés à la main-d’œuvre, et lorsque l’économie a renoué avec la croissance, elles ont voulu maintenir des coûts salariaux bas afin de gonfler les profits à court terme. Les délais de production sont devenus plus longs et les niveaux de service ont baissé, la performance à long terme des entreprises s’est détériorée. »

Avec son équipe, Gérald Reiner propose des évaluations à moyen et long termes, intégrant différents paramètres logistiques pour une meilleure compréhension des processus de production, et réussir à les ajuster à la demande. « Ce concept inclut les valeurs de la production de proximité sur des registres aussi divers que les performances de livraison ou la préservation de l’emploi. » La méthode puis les outils préconisés par les chercheurs ont déjà fait leurs preuves auprès de certaines entreprises dans la réorganisation de leurs processus, avec une amélioration des délais de livraison pour des coûts de transport moindres, ou encore des gains de volume de production.

Pile de dossiers                                                                                      Pile de dossiers 2

 Retour sommaire

Guérir est-il encore possible ?

La mauvaise santé au travail, parfois poussée jusqu’au suicide, n’est cependant pas une fatalité.

Du côté des spécialistes, les solutions fusent : mettre en capacité les gens plutôt que les précariser de manière subjective en les coupant de leur réseau de travail, former les futurs cadres à l’organisation de l’entreprise et à la coordination des travaux, laisser des marges de manœuvre et assouplir les fonctionnements, impliquer le personnel dans la prise de décision et la politique de l’entreprise pour donner pleinement son sens au rôle de chacun, accroître l’entraide à l’intérieur de l’entreprise, développer le dialogue social, surtout en France où 7,8 % des salariés seulement sont syndiqués contre 17 % en Suisse et 68 % en Suède (chiffres OCDE, 2010).

Dessin d'une personne fatiguée dans un bureau

Enfin, il apparaît nécessaire de se centrer sur l’individu, non en termes de performances mais de ressources propres, dont chacun s’accorde à penser qu’elles atteignent leurs limites (cf. Cadres hospitaliers : un bilan de santé mitigéen direct n° 251 de janvier – février 2014). Françoise Pierson, enseignante et chercheuse au CREGO, le Centre de recherche en économie et gestion des organisations copiloté par Dijon et Besançon, s’inspire de préceptes du philosophe allemand Axel Honneth pour élaborer de nouvelles pédagogies. Il s’agit de réussir à lutter pour sa reconnaissance sociale et à opposer sa résistance au système, un apprentissage incluant émotions et subjectivités d’une façon pour le moins originale en gestion. « La théorie de la reconnaissance d’Honneth apporte des éléments précieux pour faire évoluer l’enseignement du management. »

Elle constitue un socle pour gagner en identité et en estime de soi, des armes pour lutter efficacement contre la souffrance au travail.

Retour sommaire

Les TIC, outils de contrôle ou sésames vers la liberté ?

Françoise Pierson s’attache à mesurer l’impact des Technologies de l’information et de la communication (TIC) sur les organisations et les individus. Les TIC imposent-elles leur loi dans l’entreprise ou sont-elles au contraire des outils dont les utilisateurs vont pouvoir se servir à leur guise et sous leur contrôle ?

Il semblerait qu’entre les deux, TIC et organisations humaines s’influencent mutuellement, la technologie servant de relais aux procédures et aux normes déjà présentes dans l’entreprise. « L’intranet est à ce titre un moyen de communication idéal, mais il sert aussi à exercer un contrôle plus grand sur l’application de ces principes et sur les comportements, notamment de la part de la direction générale envers l’encadrement intermédiaire », constate Françoise Pierson dans une étude réalisée sur le terrain.

 Retour sommaire

Intérêt général et limites individuelles

Cheval de bataille du XXIe siècle, le développement durable est un paramètre auquel ne peut se soustraire l’entreprise et qui suppose certains aménagements. Adopter de nouvelles pratiques de mobilité est l’une des expressions du développement durable dans son sens strict.

Encouragés depuis les années 2000 et plus récemment dans le cadre de la loi Grenelle I de 2009, les Plans de déplacement entreprise (PDE) sont l’un des outils de la transition vers une mobilité durable. Incitations au covoiturage ou à l’utilisation des transports en commun, développement de pistes cyclables à l’intérieur de sites étendus, création de services sur le lieu de travail…, bien que très inégales selon les typologies d’entreprises, les actions en faveur d’une mobilité responsable se développent.

Sociologue au laboratoire IRTES-RECITS de l’UTBM, Bénédicte Rey souligne que si les salariés sont sensibles à la question de l’environnement, il leur est cependant difficile de rompre avec des habitudes contractées depuis longtemps, bien ancrées dans leur fonctionnement personnel. « Certains ont le sentiment réel de ne pouvoir faire autrement. » La sociologue préconise le recours à l’expérimentation, un outil fondamental pour aller plus facilement vers le changement, que pourraient aider les TIC avec des informations données en temps réel et personnalisées. Pour Bénédicte Rey, malgré des implications variables selon les entreprises, « les PDE sont dans tous les cas intéressants pour la gouvernance car ils impliquent les différentes catégories de personnel autour de décisions incitant à la concertation et à la collégialité ».

Retour sommaire

La responsabilité sociale de l’entreprise en débat

Dessin d'un hall d'accueil d'entreprise

Également soucieuse d’environnement, mais pas seulement, la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) fait beaucoup parler d’elle depuis quelques années. Échappant encore à la rigueur d’une seule définition, d’ailleurs souvent orientée vers le qualificatif plus ambitieux de « sociétal », la RSE procède d’une démarche basée sur le volontariat. En marge de l’activité intrinsèque de l’entreprise, elle est l’ensemble des moyens que celle-ci met en œuvre pour contribuer au développement durable, incluant les aspects sociaux et économiques. Elle fait écho à la notion d’« économie sociale et solidaire » pour laquelle une loi est en projet en France.

La RSE rejoint les idées de l’historien de l’économie Karl Polanyi, qui, au début des années 1930, déplorait le « désencastrement » de l’économie et du social. Elle serait le moyen de revenir à une imbrication de ces deux entités, et certains économistes considèrent même que la RSE devrait pleinement s’intégrer à la performance économique de l’entreprise, au point d’en devenir une condition.

Pour le moment cependant, la RSE, même dotée d’objectifs et de conseils, est soumise au bon vouloir des entreprises. « Conclusion : à l’origine d’une nébuleuse de pratiques, la RSE ne revêt pas la même réalité pour une multinationale inscrite au CAC 40 ou pour une PME. Impossible à généraliser, elle suscite l’espoir autant que le doute », analyse Guillaume Gourgues, enseignant-chercheur en sciences politiques au Centre de recherches juridiques de l’université de Franche-Comté (CRJFC).

L’heure est à l’étude de terrain pour voir comment le concept de RSE prend vie dans l’entreprise, s’il est capable ou non de s’accommoder des notions de compétitivité et de réduction du coût du travail prévalant actuellement. Le déséquilibre est tel entre l’économie, elle-même dominée par le financier, le politique, dont il est peu de dire que le pouvoir en ce domaine est limité, et le social, qui fait souvent figure de grand absent, qu’il est difficile de situer l’impact du concept de RSE, qui n’est autre qu’une « manière contemporaine de poser un problème historique ».

La domination de l’économie sur les sociétés est une question récurrente dans les recherches de Guillaume Gourgues, et le projet ANR qu’il a contribué à élaborer, actuellement en cours d’instruction, sera une occasion pour relancer ce débat, essentiel pour la société et jusqu’au cœur du fonctionnement de l’entreprise.

« Se profile en arrière-plan l’idée que nous vivons une post-démocratie économique, une thèse défendue par plusieurs auteurs déjà, dans laquelle une vraie tendance à l’autoritarisme se dissimulerait derrière une façade démocratique. »

Dessin d'une salle de réunionRetour sommaire

Pour en savoir plus…

Le Garrec S., Guénette A.-M., Le travail est-il dangereux pour la santé ?, de l’Hebe éditions, novembre 2013.

Reiner G., Rapid modelling and quick response, éditions Springer, septembre 2010.

Tanquerel T., Bellanger F. (éditeurs), Les réformes de la fonction publique, Genève – Zurich – Bâle, 2012.

De la complexité des risques à leur gestion ? – 6e congrès suisse « Santé dans le monde du travail »,
20 juin 2014 à Lausanne.

Retour sommaire

Performances et inconscient

Les femmes ? De piètres managers aux compétences limitées, bien plus performantes au sein de la famille… Ces stéréotypes rétrogrades, les hommes, pour la plupart, ne diront jamais qu’ils le pensent… parce qu’ils ne le pensent pas ! Mais ces idées sont culturellement imprégnées dans les esprits au point de devenir des stéréotypes relativement inconscients, aux effets cependant tenaces. Démonstration lors d’une expérience scientifique menée par Ioana-Maria Latu et supervisée par Marianne Schmid-Mast à l’Institut de psychologie du travail et des organisations de l’université de Neuchâtel.

Différents participants simulent un entretien d’embauche. Les psychologues effectuent d’abord une mesure des stéréotypes et des associations mentales prévalant pour chacun d’eux. L’étude révèle ensuite que lorsque le recruteur est un homme investi de stéréotypes inconscients forts, la performance des candidates lors de l’entretien s’avère nettement moins bonne. C’est tout aussi inconsciemment qu’elles perçoivent les jugements implicites du recruteur ! « L’idée est désormais d’explorer des pistes pour contrer ces effets négatifs de l’inconscient », explique Ioana-Maria Latu.

Une autre étude montre l’influence d’un modèle féminin fort dans la performance des femmes lors d’une allocution en public. Sous les yeux des intervenants, un mur, puis le même mur investi d’une photo de Bill Clinton, puis d’Hillary Clinton, et enfin d’Angela Merkel. Dans les deux premiers cas, la performance des hommes s’est avérée supérieure. Mais avec Hillary Clinton et Angela Merkel pour modèles, les femmes se sont montrées égales aux hommes. Cette étude de genre, publiée en 2013 et remarquée pour son originalité autant que pour ses résultats, a fait l’objet des meilleurs échos dans les titres internationaux comme The Huffington Post, The Guardian et The Wall Street Journal.

                        Dessin d'une femme assise                                              Dessin d'un tableau                                                                                                     

 Retour sommaire

Contacts :

Université de Franche-Comté
CRJFC — Centre de recherches juridiques de Franche-Comté

Thomas PasquierChantal MathieuGuillaume Gourgues

Tél. (0033/0) 3 81 66 66 08

CRESE — Centre de recherche sur les stratégies économiques

Karine BrissetCatherine Refait-Alexandre
Tél. (0033/0) 3 81 66 67 59

Laboratoire de psychologie
Didier Truchot

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 41

CREGO — Centre de recherche en économie et gestion des organisations (copiloté par l’université de Bourgogne)
Françoise Pierson

Tél. (0033/0) 3 81 66 66 42

UTBM
Laboratoire IRTES-SeT
Jean-Claude Sagot 

Tél. (0033/0) 3 84 58 30 70

Laboratoire IRTES-RECITS
Bénédicte Rey 

Tél. (0033/0) 3 84 58 31 11

Université de NeuchâtelDessin d'un homme au téléphone dans un bureau

CERT — Centre d’études des relations de travail
Jean-Philippe DunandHéloïse RoselloCatherine Bouverat 

Tél. (0041/0) 32 718 13 19 / 19 41 / 19 13

Faculté des sciences économiques
Gérald Reiner

Tél. (0041/0) 32 718 14 73

Institut de psychologie du travail et des organisations
Ioana-Maria Latu 

Tél. (0041/0) 32 718 11 90

Haute école de gestion Arc
Institut du management et des systèmes d’information
Alain-Max Guénette 

Tél. (0041/0) 32 930 20 43                              

                       

        

Retour sommaire

Retour en haut de page

 

 

retour