Université de Franche-Comté

Écritures et figures de la fête


La fête… Voilà un sujet d'étude qui peut paraître bien peu sérieux. C'est pourtant celui que s'est choisi l'unité de recherches  littérature et histoire des pays de langues européennes Ÿ de l'université de Franche-Comté, dans le cadre du contrat d'établissement 2004 – 2007. Car la fête, la façon dont une civilisation en parle et les formes littéraires qu'elle fait naître, sont révélatrices d'un enjeu sociétal. Les fêtes ont souvent un caractère rituel. Elles sont célébration ou commémoration collective d'un événement ou d'un homme. Qu'elles participent à une théâtralisation du pouvoir (fête de cour royale), à l'avènement d'une nation (fête nationale) ou au contraire qu'elles figurent un renversement symbolique du pouvoir (le carnaval), les fêtes, par la participation active des gens, renforcent la cohésion et l'identité d'un groupe.
• Les anthropologues et ethnologues, qui ont étudié et étudient la fête dans diverses civilisations, l'ont bien compris. Ils ont cependant souvent délaissé l'axe historique. Or, au fil des siècles, les manifestations de la fête ont subi des modifications, en fonction des attitudes du pouvoir (politique et religieux), des idéologies ambiantes, des structures de sociabilité existantes (informelles ou institutionnalisées), mais aussi du rôle de l'argent (commercialisation de la fête). Elles ont été récupérées ou abandonnées en fonction des intérêts du moment, ont parfois ressurgi après avoir été données pour mortes. Plus récemment, la massification de la fête, sa transformation en spectacle touristique ou en opération commerciale ont encore contribué à modifier son sens et sa nature. La perspective historique est donc la première piste de travail de l'équipe.
• Dans une perspective littéraire, les écrits liés au rituel et au festif sont analysés. Un énorme répertoire existe de littérature carnavalesque (dont Rabelais peut être le digne représentant). Ce genre pratique la fusion entre la recherche philosophique, le fantastique et le  naturalisme des bas-fonds Ÿ. Il cultive les contrastes et les contradictions, met à mal les idées reçues et prône l'irrévérence. Il est polyphonique : le récit, la poésie, le théâtre y sont représentés.

Le caractère éphémère de ces manifestations littéraires permet de créer un espace de liberté que les auteurs se sont approprié avec jubilation. D'où le caractère ludique de ces textes, qui jouent avec les masques (réels ou imaginaires), avec les identités (sociales, culturelles…). Or, la littérature est, par essence, profondément ludique.
Enfin ces textes sont aussi l'écriture de la transgression, autorisée justement par son caractère éphémère, fondée sur l'inversion des valeurs sociales ( le monde à l'envers Ÿ y est un leitmotiv) ou tributaire des conventions littéraires elles-mêmes. Ce qui conduit à penser que ce répertoire a bien souvent un caractère  méta-littéraire Ÿ puisqu'il nous parle de la littérature par le biais de la transgression. Il nous rappelle combien la littérature est avant tout simulacre qui rend la catharsis possible.
• Aujourd'hui, le renouveau dans l'étude des fêtes du passé a permis de mettre en lumière l'importance symbolique des fêtes à la Cour, qui entrent pleinement dans l'étude de l'histoire politique et ne sont plus considérées comme des éléments mineurs ou frivoles par les historiens. Les retombées de cet intérêt récent pour la culture de la Cour sont considérables, car cela implique une réévaluation à la fois des textes littéraires (pièces et saynètes de circonstance) et des récits-descriptions de ces fêtes, destinés à diffuser la propagande politique. Pour ce qui est de la fête populaire, l'étude des rites a également enrichi nos connaissances dans le domaine de l'évolution des croyances. Replacer dans ce contexte historique la fête moderne permet de mieux saisir les enjeux des manifestations de la fête.
• L'unité de recherche  littérature et histoire des pays de langues européennes Ÿ regroupe essentiellement des enseignants-chercheurs de langues vivantes et de littérature comparée. La liste des interventions déjà faites ou à venir figure sur le site de l'équipe (http://lhple.univ-fcomte.fr). Prochains rendez-vous : le séminaire du 10 mars et le colloque  Irlande : le festif et le tragique Ÿ des 24 et 25 mars 2006.

 

Gérard Brey
Littérature et histoire des pays
de langues européennes (EA 3224)
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 53 95
gerard.brey@wanadoo.fr

 

 

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