Université de Franche-Comté

Ecologie de la transmission de l’échinococcose alvéolaire

L’Institut des sciences et techniques de l’environnement a accueilli, du 19 au 21 février 2003, le groupe de coordination d’un programme de recherche financé conjointement par les National Institute of Health (NIH) et National Science Foundation (NSF) des Etats-Unis (cf. en direct n° 148, février 2001). Son objectif principal est de comprendre l’écologie de la transmission de l’échinococcose alvéolaire, prise comme modèle de maladie parasitaire. Le programme est fondé sur une approche pluridisciplinaire du problème, dont les bases ont été élaborées principalement par des chercheurs de l’université de Franche-Comté et de l’université de Salford (Grande Bretagne), et qui impliquent une collaboration étroite entre biologistes des populations, géographes, vétérinaires, immunologistes, biologistes moléculaires et médecins. Lors de cet atelier de coordination, une vingtaine de chercheurs des universités de Franche-Comté, de Salford, d’Asahikawa (Japon), de Zürich (Suisse), de l’Institut de santé publique d’Hokkaïdo (Japon), des Centres de contrôle des maladies des États-Unis (CDC d’Atlanta) et de Chine (CDC du Sichuan), ont fait le point à mi-parcours du programme et planifié les prochaines missions de terrain.

•  L’université de Franche-Comté, notamment grâce au travail conjoint des laboratoires Biologie et écophysiologie (UsC INRA) et Théoriser et modéliser pour aménager (UMR CNRS) et de l’équipe Santé et environnement rural de Franche-Comté, dispose de l’ensemble des compétences scientifiques nécessaires pour aborder les problèmes complexes d’écologie de la transmission de ce parasite, et participe à plusieurs programmes de recherche européens. En collaboration avec des partenaires locaux comme les laboratoires vétérinaires départementaux et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, elle avait déjà mis à jour en Franche-Comté des interactions entre paysage (composition, arrangement spatial), fonctionnement des populations de rongeurs, infestation des renards par le parasite, et répartition des cas humains d’échinococcose alvéolaire. C’est cette expertise qui lui donne un rôle majeur dans la coordination du programme scientifique US NIH-NSF.

•  Des résultats ont d’ores et déjà émergé. Le dépistage humain organisé dans différentes localités du Sichuan tibétain par une équipe chinoise a mis en évidence un taux moyen de contamination par l’échinococcose alvéolaire d’environ 6 %, avec des villages où il peut dépasser 14 % de la population (à titre de comparaison, les plus forts taux observés en Franche-Comté sont de l’ordre de 1 pour mille). Les résultats préliminaires, obtenus par les chercheurs du laboratoire de Biologie et écophysiologie en collaboration avec leurs partenaires, montrent l’importance, dans la transmission du parasite, de la structuration des communautés de petits mammifères, de leur interaction avec l’organisation spatiale des prairies d’altitude et le mode de pâturage des yaks. 

• Ils montrent également la coexistence de deux espèces de renards, le renard roux et le renard tibétain, toutes deux susceptibles de transmettre le parasite. Leur infestation a été mesurée dans leurs excréments selon une méthode mise au point au laboratoire. Elle s’est révélée très élevée : le parasite a été détecté dans presque 70 % des excréments récoltés. La répartition de la contamination va prochainement être analysée en fonction des caractéristiques paysagères. Par ailleurs, les chercheurs de l’Institut de parasitologie de Zürich ont montré la très forte contamination des chiens, de l’ordre de 20 %. Elle est probablement à l’origine d’une contamination humaine importante du fait de la permanence de ces animaux dans l’environnement domestique. Les recherches en télédétection et en analyse spatiale ont permis aux chercheurs de Salford et de Franche-Comté de démontrer, à l’instar de la situation franc-comtoise, un lien fort entre certaines caractéristiques paysagères, la présence des petits mammifères hôtes du parasite, et la répartition des cas humains. Une analyse socio-économique des comportements humains, notamment vis-à-vis de la possession et des relations avec les chiens, et vis-à-vis des pratiques pastorales, est en cours afin de déterminer les pratiques à risque pour la contamination humaine. Elle est menée par un étudiant chinois inscrit en thèse à l’université de Franche-Comté et accueilli par l’équipe Santé et environnement rural de Franche-Comté depuis octobre 2002, avec l’appui méthodologique du laboratoire de Biologie et écophysiologie et le soutien du ministère des Affaires étrangères.

•  L’équipe franc-comtoise repart en mai, puis en septembre 2003 dans la province du Ningxia pour étudier l’écologie des hôtes de l’échinocoque dans les différents types paysagers. La mission de mai visera de plus à apporter un appui méthodologique aux équipes chinoises qui réalisent à cette époque un dépistage des cas humains. Les résultats attendus d’un tel programme concernent notamment la compréhension des mécanismes de transmission du parasite et la production de cartes d’évaluation du risque de contamination à diverses échelles. Elles permettront de mieux orienter les actions de dépistage et de prévention en Chine, pays dont l’ampleur et les difficultés d’accès dans certaines zones sont un frein à une action efficace. Au-delà, et ce n’est pas le moindre enjeu méthodologique, du fait du nombre d’équipes internationales impliquées, de leur distribution géographique et de la variété des champs disciplinaires, il s’agit bien de tester un modèle de recherche pluridisciplinaire dans le domaine environnement-santé.

 

Patrick Giraudoux – Francis Raoul
Institut des sciences et techniques del’environnement
Laboratoire de Biologie et écophysiologie
(EA 3184 UsC INRA)
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 57 45
patrick.giraudoux@univ-fcomte.fr

 

 

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