Université de Franche-Comté

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Docteur en multiples compétences

Au terme de sa thèse, le tout frais émoulu docteur possède une expertise scientifique incontestable dans sa discipline, mais pas seulement. Il a aussi acquis des compétences de haut vol, transférables à tous les domaines, d’un intérêt indiscutable pour des postes de haut niveau. La preuve par l’expérience, avec les témoignages de docteurs engagés en entreprise…

 

Des sujets de thèse pour le moins complexes, obscurs même pour les non-initiés, témoignent d’une grande spécialisation des doctorants à l’intérieur d’une discipline. Cette singularité, associée à une nécessaire connaissance de champs scientifiques plus vastes, participe pleinement au progrès de la recherche au sein d’une équipe. Elle se double de compétences transversales acquises au cours du travail de thèse, qui, hors du champ de la recherche publique, sont susceptibles d’être mises à profit à des postes de haut niveau en entreprise ou dans toute structure de la sphère socio-économique, et pas seulement en R&D.

Diplôme le plus élevé au niveau mondial, le doctorat est une référence à l’international. En France, il souffre cependant d’un fort manque de visibilité et de reconnaissance en dehors de la sphère académique, un constat d’autant plus regrettable que les formations doctorales sont reconnues comme particulièrement adaptées pour pouvoir répondre aux besoins des sociétés actuelles, où se préparent des transitions et mutations d’importance cruciale. En formation comme en emploi, la France manque de docteurs, au point que le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et le ministère de l’industrie ont dépêché fin 2023 une mission en faveur du doctorat, pour mieux le faire connaître notamment auprès des recruteurs.Des mesures incitatives ont déjà été prises en ce sens par le passé, comme les dispositifs CIFRE et Jeune docteur, en place depuis des années pour les entreprises et très avantageuses financièrement, et plus récemment Cofra (2022) pour les services de l’État ; hors programmes gouvernementaux, des structures dédiées apportent une aide précieuse, telles que l’Association Bernard Gregory (ABG) qui depuis des décennies œuvre pour le rapprochement entre docteurs et entreprises. La mission ministérielle promet le renforcement des dispositifs existants et de nouvelles propositions, avec un rapport attendu pour l’été 2024.

 

Développer la dimension scientifique en entreprise

En marge de ce constat, le taux d’emploi des docteurs est cependant satisfaisant, en France comme en Suisse. La dernière enquête réalisée par le collège doctoral UBFC auprès des diplômés 2018 et 2020 de la région montre un taux d’insertion professionnelle de plus de 93 % un an après la fin de la thèse, et de plus de 97 % à trois ans. « Ces emplois correspondent assez bien aux projets de carrière émis au départ, et près d’un tiers concerne le secteur privé », précise Candice Chaillou, chargée de valorisation du doctorat à UBFC.
« Le taux d’insertion après un doctorat est aussi bon, voire meilleur qu’après un master », confirme Denis Billotte, secrétaire général de la Conférence universitaire de Suisse occidentale (CUSO). « À court terme, les embauches se répartissent pour moitié entre les sphères académique et socio-économique. Mais après une période de deux à trois ans, une grande majorité des docteurs font l’essentiel de leur carrière hors du monde académique, ne serait-ce que parce que le nombre de docteurs augmente, quand le nombre de postes dans les universités, lui, reste stable. » C’est dire l’importance de favoriser la rencontre entre les docteurs et de potentiels employeurs.

Les entreprises ont du mal à prendre conscience de la spécificité du profil de docteur. Dans l’Hexagone, il est souvent associé à celui d’ingénieur, qui, lui, est bien intégré à la culture française. « Or ce sont des profils différents, et complémentaires », comme le souligne Candice Chaillou, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si certains choisissent de mener des études pour devenir « docteur-ingénieur ».

Certaines façons de penser demandent à être revues : « Le doctorat a une image fortement associée à la recherche académique, et les entreprises l’imaginent déconnecté de la réalité, de leur réalité. Quant aux docteurs, ils ont à apprendre à se mettre en valeur et à être fiers de leur expérience », rapporte-t-elle.

 

Structures et politiques doctorales

Le collège doctoral UBFC définit la politique doctorale en Bourgogne – Franche-Comté et garantit sa qualité.
Il coordonne, harmonise et fédère l’action des six écoles doctorales : Environnement-santé (ES) ; Carnot-Pasteur (CP) ; Sciences pour l’ingénieur et microtechniques (SPIM) ; Droit, gestion, sciences économiques et politiques (DGEP) ; Lettres, communication, langues, art (LECLA) ; Société, espace, pratiques, temps (SEPT).
La CUSO, Conférence universitaire de Suisse occidentale, finance, coordonne et organise les activités doctorales en Suisse romande. Elle regroupe les universités de Fribourg, Genève, Lausanne et Neuchâtel, et l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève, membres fondateurs.
Depuis le 1er janvier 2024, la HES-SO, Haute école spécialisée de Suisse occidentale, constituée de 28 hautes écoles, dont la HE-Arc, est entrée à la CUSO en qualité de membre associé.
L’Institut suisse de droit comparé (ISDC) est également membre associé de la CUSO, et l’université de Berne en est partenaire.

 

À sujet de thèse pointu, compétences larges

Car le doctorat, formation à la recherche et par la recherche, selon la formule consacrée, représente une véritable expérience de travail. Une expérience de trois, quatre ou cinq ans, au cours de laquelle se forgent et se peaufinent les compétences. Complémentaires à l’expertise scientifique, certaines sont transférables à tous les secteurs d’activité et sont en France désormais inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ; valorisées par les collèges doctoraux auprès des étudiants et des employeurs, elles témoignent de la capacité des docteurs à concevoir, élaborer et mettre en œuvre une démarche de R&D, à communiquer et valoriser des résultats, à effectuer une veille scientifique, à diffuser la culture scientifique et technique, à encadrer des équipes. S’y ajoutent l’autonomie, la créativité, l’adaptabilité, la capacité d’apprentissage…, entre autres aptitudes reconnues par les acteurs socio-économiques et les professionnels de l’emploi.
En Suisse romande, la CUSO s’emploie à cultiver cette richesse depuis des années. Ell

e propose en particulier un programme transversal de formation comportant aujourd’hui cent vingt ateliers d’une demi-j

ournée à trois jours par an, emportant l’adhésion de près de 60 % des doctorants des universités membres de l’association. « Ce programme leur est très utile pour prendre conscience de leurs compétences, pour les consolider, les formaliser et les valoriser », souligne Denis Billotte, qui place en tête de ces atouts « la capacité à inventer de nouvelles questions, à interroger le monde, à aller plus loin que ce qui est connu ».

Dispositifs à saisir

Une thèse CIFRE, Convention industrielle de formation par la recherche, donne lieu à un soutien financier de l’État en faveur d’une entreprise et plus généralement d’une structure socio-économique procédant au recrutement d’un doctorant pour lui confier une mission de recherche, qui deviendra le sujet de sa thèse.
La subvention versée par l’ANRT (Association nationale de la recherche et de la technologie) à la structure employeuse est de 14 K€ par an, sur un salaire brut moyen de 30K€ (minimum 25 200 € en 2024). Cette aide est cumulable avec le Crédit impôt recherche pour les entreprises éligibles.
Le Crédit d’impôt recherche (CIR) est une incitation fiscale en faveur de la R&D ; il comprend le dispositif Jeune docteur, destiné à encourager l’embauche des nouveaux diplômés de doctorat en CDI dans les entreprises. Ce dispositif double l’avantage fiscal du CIR pour l’entreprise, quels que soient son secteur d’activité et sa taille.
Ainsi, pendant les deux premières années suivant l’embauche d’un jeune docteur en CDI pour l’exercice d’une activité de recherche, l’entreprise peut porter au montant des dépenses éligibles au crédit d’impôt 200 % du salaire brut chargé du jeune docteur en dépenses de personnel, et autant en dépenses de fonctionnement.

Pour en savoir plus : https://collegedoctoral.ubfc.fr

 

Compétences au top niveau

C’EST AVEC CETTE CURIOSITÉ et un désir de « profiter à fond de la science » que Gaël Matten aborde sa thèse. Ingénieur en mécatronique, « mélange très savoureux », selon ses mots, de mécanique et d’électronique, le jeune diplômé de SUPMICROTECH-ENSMM se lance dans une thèse avec l’idée précise de développer des microsystèmes capables d’absorber les vibrations acoustiques dans les solides. Au terme des fructueuses recherches qu’il mène à l’Institut FEMTO-ST, il crée fin 2021 la société qui lui permettra de développer et commercialiser l’invention issue de ses travaux de recherche :

Vibiscus met au point des matériaux acoustiques programmables, capables de modifier la pression et la vitesse de l’air, et ainsi d’absorber le bruit émis par exemple par des systèmes de ventilation, tout en laissant circuler l’air. Une prouesse technologique pour réduire une nuisance de premier plan, permettant de créer des « bulles de silence » même dans des espaces ouverts.
« La thèse est l’occasion d’explorer un sujet inédit ; elle amène à résoudre par soi-même un certain nombre de problèmes et à trouver les ressources pour y parvenir. »

Comme pour Gaël Matten, la mécanique est une passion pour Camille Jeannot. Elle aussi met en avant « la capacité à chercher de l’information, à la comprendre et à l’adapter à une problématique particulière ». Après un Cursus master ingénierie (CMI) à l’uFC, la jeune étudiante poursuit dans sa voie avec la réalisation d’une thèse CIFRE : une option entre laboratoire de recherche et entreprise qui lui convient bien, et qui lui donne l’occasion de suivre un parcours sans faute chez ADR ALCEN à Thomery (77), depuis un premier stage de master jusqu’à son embauche définitive en 2022, après sa soutenance de thèse. ADR ALCEN est spécialisée dans le roulement à billes, un produit bien plus complexe qu’il n’y paraît lorsqu’il est comme ici de haute précision. Docteure-ingénieure R&D dans l’entreprise, Camille Jeannot travaille sur des modèles de calcul permettant de prédire l’impact de défauts potentiels, de l’ordre de quelques micromètres, sur des pièces fabriquées sur mesure pour des secteurs de pointe tels que le spatial.

Si la résolution de problèmes complexes est l’une des caractéristiques premières d’une thèse, elle s’accompagne d’une grande autonomie, autre passage obligé de l’exercice. « On acquiert une grande capacité à apprendre, et à apprendre par soi-même, parce qu’on travaille sur un sujet innovant, inédit ; par définition, on ne peut pas nous transmettre une connaissance qui n’existe pas encore », relève Camille Jeannot. Malgré l’encadrement, malgré l’intégration à une équipe, le doctorant travaille donc en autonomie, une situation qui confine à la solitude parfois, et qui procure aussi une grande liberté.

 

CETTE LIBERTÉ, Marlen Bakalli en fait largement l’expérience, lui qui soutient une thèse en management au terme d’un parcours pour le moins atypique. « On bénéficie d’une grande liberté dans une thèse, c’est un challenge qui permet de grandir. » Après une expérience entrepreneuriale avec la reprise de la marque horlogère Aktéo à Besançon, Marlen Bakalli entreprend à l’uFC un master, puis une thèse, deux épisodes de formation entrecoupés de nouvelles expériences de terrain, cette fois à l’international. Marlen Bakalli ajoute des cordes à son arc au fur et à mesure d’un itinéraire qui le mène aujourd’hui à la gestion de projets agro-industriels pour différents pays à l’ONUDI, une agence de l’ONU spécialisée dans le développement durable. « Alterner formations et expériences professionnelles m’ont apporté des compétences en marketing, vente, achat, management, recrutement… Tout ça rentre en ligne de compte dans les solutions que vous pouvez apporter à une problématique. Des points de vue pluridisciplinaires permettent d’être force de proposition, d’être créatif, en définitive d’être brillant quand on est dans le feu de l’action. »

 

QUEL QUE SOIT LE CHEMIN PARCOURU et les options choisies, la passion pour la science est un prérequis nécessaire pour mener à bien un projet aussi exigeant qu’une thèse. La passion aide à être tenace. « Ça n’a pas marché du premier coup, pas même au deuxième ou au troisième. Ça a marché à la sixième version », témoigne Gaël Matten à propos des microsystèmes et du procédé qu’il a mis au point. « Réaliser une thèse, c’est espérer certaines réponses. Mais la science, ça ne marche pas toujours comme on voudrait ! En entreprise, c’est la même chose, il faut trouver tous les chemins possibles pour aboutir à l’objectif qu’on s’est fixé », confirme Audrey Wetzel, docteure en biologie cellulaire, qui démarre en 2018 sa thèse CIFRE entre le laboratoire RIGHT et la start-up Med’Inn’Pharma avec cette même ténacité. Son stage de master en microbiologie ne la prépare pas vraiment au sujet en immuno-cancérologie sur lequel elle a accepté de travailler, et pour lequel elle s’emploie à rapidement acquérir les nouvelles connaissances qui lui seront nécessaires, une preuve de persévérance et d’adaptabilité. Lorsqu’elle entre comme cheffe de projets R&D chez TransCure Bioservices à Archamps (74), spécialisée dans la production de modèles animaux pour les besoins de la recherche préclinique, la jeune chercheuse rejoint une équipe chargée de développer des modèles de pathologies chez la souris humanisée, comme des cancers, des maladies inflammatoires ou encore des infections, pour étudier l’efficacité de médicaments innovants sur l’animal avant de passer à l’homme. « En R&D, le travail en équipe est primordial pour atteindre les objectifs fixés. Il faut apprendre à travailler tous ensemble sur un sujet, chacun avec ses priorités et ses façons de voir, alors qu’en thèse, on fait généralement tout de A à Z. Pour ma part, j’ai encadré des étudiants en stage au cours de ma thèse : on apprend à déléguer, à faire confiance, à lâcher du lest, à respecter le rythme de travail des autres. C’est très formateur pour travailler ensuite en équipe. »

 

CERTAINS INTÈGRENT UNE ENTREPRISE et une équipe, d’autres créent une start-up pour développer et commercialiser le produit de recherches qu’ils ont menées au préalable, d’autres encore investissent des marchés de niche pour répondre à des besoins qu’ils ont identifiés. C’est ce dernier choix qu’a fait Adrien Wyssbrod, docteur en histoire diplômé de l’université de Neuchâtel, spécialiste d’histoire du droit. Avec la complicité de collègues historiens ou juristes, ce n’est pas un, mais deux projets entrepreneuriaux qu’il monte depuis la fin de sa thèse, en parallèle aux activités d’enseignement et de recherche qu’il continue d’exercer dans le milieu académique.

La société StoriaVostra répond à des demandes ciblées de documentation historique et de travaux d’édition à faible diffusion, auxquels elle apporte sa caution scientifique, un service qui jusque-là n’existait pas en Suisse ; en lien avec une association et des professionnels du patrimoine, elle est à l’origine d’une plateforme de crowdfunding dédiée à la restauration et à la mise en valeur de biens patrimoniaux.
L’Institut Arthur Piaget, consacré à la recherche et à la formation en histoire moderne et médiévale, né fin 2022 et d’ores et déjà partenaire d’un projet de recherche à l’échelle européenne, a quant à lui pour objectif premier de proposer des formations ponctuelles et très spécifiques en histoire.

« Ces projets nous permettent d’expérimenter différentes pistes, de faire ce que l’on veut librement. Nous les menons selon un rythme qui, pour ma part, m’autorise à garder mes activités dans le champ académique, auxquelles je tiens beaucoup. On sortira de cette phase le jour où l’on aura envie de franchir un pas définitif vers l’entreprise », explique Adrien Wyssbrod. En attendant, les compétences en communication requises lors de sa thèse servent ses ambitions entrepreneuriales : « En doctorat, on doit présenter son projet et ses résultats sur différents supports, dans différentes langues, à différents endroits ; écrire une thèse-fleuve en même temps que des articles scientifiques condensés. On constitue des réseaux que l’on entretient, de colloques en conférences. On est toujours en train de communiquer autour de son projet, de le vendre ; c’est un peu la même chose avec une entreprise ».

Chez Vibiscus, Gaël Matten ne dit pas autre chose : « Avec une thèse, tout d’un coup il n’y a plus de frontières. Il faut savoir présenter son sujet en anglais à l’autre bout de la planète, alors que ça ne coule pas de source. Dans une entreprise, rencontrer des clients ou faire une visio en anglais avec des Espagnols, on sait faire, car c’est ce qu’on a fait au quotidien pendant la thèse. Je dirais d’un doctorant qu’il est plutôt un « entrepreneur de recherche ».

 

UN DOCTEUR ÈS SCIENCES, c’est aussi un interlocuteur fiable, reconnu comme tel lors des négociations à l’international. C’est ce que souligne Maxime Etiévant, docteur en robotique, responsable scientifique chez Percipio Robotics où il entre en 2022, son diplôme tout juste en poche. Le jeune chercheur commence ses études supérieures par une école d’ingénieur à Clermont-Ferrand, avant de rejoindre l’Institut FEMTO-ST pour y préparer sa thèse, passant d’une région à une autre, de la robotique « classique » à la microrobotique, une différence d’échelle qui n’est pas sans s’accompagner de certains ajustements avec la physique. Son sujet concerne la création de champs magnétiques spécifiques pour assurer le pilotage de microrobots, sans qu’ils se perturbent l’un l’autre lorsque plusieurs sont amenés à se déplacer simultanément. Mais c’est en qualité de chargé du financement de la R&D que Maxime Etiévant rejoint le staff Percipio Robotics, une nouvelle casquette dans un domaine qu’il connaît bien.

La promotion du doctorat n’est pas à faire auprès de la start-up bisontine, issue de l’Institut FEMTO-ST, qui affiche un taux record de sept docteurs sur un effectif global de 42 salariés. Et qui compte dans ses rangs des ingénieurs aussi. « Mais le modèle ingénieur est spécifique à la France, alors que le doctorat est extrêmement réputé à l’international. C’est un gage de crédibilité technique. »

Maxime Etiévant vit cette réalité sur le terrain, qu’il illustre par une anecdote révélatrice alors qu’il se rend à un salon professionnel dans un pays nordique, avec trois collègues ingénieurs. « Vous n’êtes venus qu’à un scientifique ? », lui assène-t-on alors avec un brin de déception. Sanctionnée par un doctorat, sa connaissance des microtechniques et plus globalement de la recherche lui ouvre les portes, elle est un atout pour monter des projets et conclure des partenariats avec les différents acteurs de la microrobotique à travers le monde.

 

MONTER ET SUIVRE DES PROJETS, c’est une mission clé dans une entreprise, et c’est précisément ce que les jeunes docteurs ont eu à faire pendant leur thèse. « Trois ans, cela paraît long, mais il faut apprendre à gérer son temps, à ne pas s’éparpiller. Il faut de la rigueur dans la méthodologie, car un problème résolu ouvre sur dix nouvelles questions ! », rapporte Camille Jeannot. « On prend conscience de la faisabilité des projets et on apprend à anticiper, ajoute Audrey Wetzel. L’aspect multifactoriel de la thèse nous permet d’avoir une vision globale des choses ».
« La gestion de projets, c’est mon cœur de métier à l’ONUDI, et c’est un peu être un homme-orchestre. Cela demande de la flexibilité, de la gymnastique intellectuelle, de l’efficacité, ce que nous apporte le doctorat », estime Marlen Bakalli, qui poursuit : « À force d’absorber des quantités d’informations pendant la thèse, on acquiert une grande capacité d’apprentissage. Et à partir de là, une solide capacité de synthèse : on peut décrire en quelques phrases, en une page, l’essence d’un projet. » Et rendre son savoir accessible à des publics non avertis, depuis ses proches collaborateurs en entreprise jusqu’au grand public, enfants compris. Une diffusion du savoir aidée par des rendez-vous désormais réguliers comme Ma thèse en 180 secondes (MT180), la Nuit européenne des chercheurs ou la Fête de la science, auxquels répondent volontiers les doctorants. Ce sont là des illustrations des liens essentiels qu’ils tissent avec la société, et qui pourront donner envie aux jeunes générations de se lancer à leur tour dans l’aventure scientifique.

 

Un doctorat à la HE-Arc ?

Silvia Russo a préparé sa thèse à la fois à l’université de Neuchâtel et à la Haute Ecole Arc. Une expérience unique, l’école n’étant pas habilitée à délivrer le doctorat : « Fin 2022, j’ai été la toute première diplômée au sein de la HE-Arc Conservation-Restauration ».
Silvia Russo a bénéficié des apports des deux institutions : « La HE-Arc Conservation- Restauration était ma routine de travail quotidienne, c’est là que j’ai mené mon projet et là qu’étaient situés les équipements, mes principaux collègues et superviseurs. Je me suis sentie pleinement intégrée et j’ai pu participer à la vie de l’équipe. L’UniNE m’a donné accès à des ressources universitaires, à des cours et à du perfectionnement professionnel. »
La chimiste Édith Joseph était elle-même professeure dans les deux établissements lorsqu’elle a encadré la thèse de Silvia Russo. Aujourd’hui pleinement affiliée à la HE-Arc, Édith Joseph souligne l’intérêt d’une collaboration « gagnante pour tout le monde » et la souplesse appréciable du système : « Je suis autorisée par le Décanat de la faculté des sciences de l’UniNE à co-encadrer des thèses depuis la HE-Arc, parce que c’est une responsabilité que j’ai exercée auparavant, et parce que je suis moi-même titulaire d’un doctorat ».
Après sa thèse, Silvia Russo quitte Neuchâtel pour le Texas, où elle est pour deux ans post-doctorante en sciences de la conservation au Musée des Beaux-Arts de Houston et à la Menil Collection, musée d’art moderne et contemporain de cette même ville. À nouveau deux institutions ! « Je réalise des analyses de routine pour les deux équipes de conservateurs-restaurateurs, je participe à des projets de recherche, je gère l’équipement et la maintenance du laboratoire… »
La jeune docteure cite la résolution de problèmes, la créativité, la résolution de conflits et la négociation comme les compétences auxquelles elle a eu le plus recours pendant sa thèse. « La thèse m’a permis de mieux me connaître et de savoir quel contexte convient le mieux à ma personnalité. Les conversations avec mes collègues sur la définition du leadership, du travail d’équipe et de l’établissement des priorités ont été extrêmement utiles et éclairantes, ce sont des renseignements précieux que j’utilise encore aujourd’hui dans mon processus décisionnel. »

 

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