Université de Franche-Comté

Design industriel : un pôle émerge dans l'Arc jurassien

Pourquoi la valeur esthétique d’un objet a-t-elle autant d’impact à nos yeux ? Passée l’innovation technologique, c’est sur le design que la différence se fait. En témoignent de nombreux succès commerciaux. Est-il besoin de parler de la ligne des ordinateurs MAC ? De la Twingo ? Si le design empreint les objets de la vie quotidienne et familiale depuis de nombreuses années, cela fait peu de temps qu’il commence à s’introduire dans les outils de production et dans les objets professionnels. Mais la valeur d’estime a aussi son importance dans les ateliers. Apparaissent maintenant de jolis robots, des chariots élévateurs tout en rondeur et en douceur, des armoires électriques particulièrement pratiques. Peut-être davantage que dans tout autre objet, la fonctionnalité technique, la nécessaire sécurité apportent des contraintes très fortes, au milieu desquelles le design doit se nicher.

 

Avec la même problématique que l’ergonomie, avec souvent les mêmes méthodologies de projet, le design doit être intégré le plus en amont possible de la conception. Cette idée est ardemment défendue en Franche-Comté et dans l’Arc jurassien par des équipes de recherche, de formation, par des centres de transfert spécialisés dans le design, ou par des entreprises.

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

 

– Deux formations complémentaires partageant la même philosophie : la design touch des ingénieurs

 

Habiller la ville, s'y reconnaître

 

La créativité naît dans la place laissée par les contraintes

 

Amorcer une mutation industrielle

 

 

 

Deux formations complémentaires partageant la même philosophie : la design touch des ingénieurs

À l’UTBM, les élèves ingénieurs mécaniciens (bac + 5) sont fortement initiés à l’ergonomie et au design, pour qu’ils soient aptes à intégrer ces préoccupations dès la conception d’un produit (cf. numéro spécial en direct n° 211, novembre 2006). La pédagogie du département EDIM — Ergonomie, design et ingénierie mécanique — est immersive : la première étape de cette pédagogie consiste en une approche manuelle par l’apprentissage des bases que sont le dessin et le modelage. Pour les étudiants, il s’agit sur un premier projet d’analyser le besoin, esquisser des préconcepts, puis de dessiner un objet (machine à pain, sac à dos…), pour le matérialiser par une maquette physique. Cette initiation est nécessaire à une bonne appréhension du produit, tant du point de vue esthétique que du toucher. Les outils XAO et usinage numérique interviennent ensuite, pour apporter efficacité, faisabilité mécanique et passerelle vers les outils de conception mécanique. L’objectif de cette filière n’est pas de former des ergonomes ou des designers, mais bien des ingénieurs mécaniciens, potentiels chefs de projets, capables de comprendre l’intérêt, mais aussi les contraintes de l’ergonomie et du design et pour cela, de les avoir déjà touchés du doigt. L’ingénieur, responsable de l’architecture et de la conception technique, doit avoir aussi comme principal objectif, l’intégration de l’usage (l’utilisabilité) et de l’esthétique dans ses produits. Il dispose de leviers techniques et d’un rôle décisionnel lui permettant de proposer des pistes menant à la réussite du produit.

 

Loin d’être anodines, les interventions des designers impactent sur les matériaux, les formes des objets ou postes de travail, et engendrent des modifications techniques. C’est donc dans une véritable synergie qu’ingénieurs mécaniciens, ergonomes, designers et concepteurs doivent travailler… à charge au chef de projet d’en faire une synthèse et de trouver les meilleurs compromis. C’est pourquoi des ingénieurs initiés au travail des designers peuvent faciliter grandement les collaborations. Ils seront ensuite à même d’intégrer les facteurs humains (biomécaniques, physiologiques et psychologiques) en anticipant sur les réels besoins et attentes des clients ou utilisateurs dans l’ensemble des projets innovants. Au sein du laboratoire Systèmes et transports (SeT), l’équipe ERgonomie et COnception des Systèmes (ERCOS) met en jeu les mêmes connaissances, les mêmes méthodologies pour ses travaux de recherche et de valorisation industrielle.

 

Strictement dans la même logique, la Haute École Arc (Neuchâtel, Berne, Jura) forme des bachelors of sciences(bac + 3) ingénieurs designers. Créée en 2006, cette filière entend éviter la perte de compétences en design industriel en Suisse romande (une étude a révélé que 400 places seraient à pourvoir dans les quatre années à venir). Les ingénieurs concepteurs apprennent là aussi les techniques de créativité, abordent des notions d’anthropologie et de marketing, de communication visuelle et verbale. L’apprentissage par projet est également favorisé. Lancés sur une thématique (les insectes, le chaud et le froid…), les étudiants laissent libre cours à leur imagination pour proposer qui un habitat humain où les insectes créent leur œuvre d’art évolutive, qui un concept domotique où les éléments décoratifs varient avec la température. En troisième année, les projets se précisent — avec la possibilité donnée aux industriels de fournir des sujets. Des capteurs d’UV incrustés dans des nu-pieds, pour avoir constamment à l’œil le degré d’exposition, un luminaire « fleur » dont les pétales s’ouvrent au fur et à mesure de l’augmentation de la chaleur… Les réalisations des étudiants concilient esthétique, utilité et technicité.

 

 

              Nu-pieds équipés d'un indicateur de rayonnement UV           Banc public créé par des étudiants ingénieurs designers

Des réalisations étudiantes : des nu-pieds équipés d'un indicateur de rayonnement UV

et un banc public

 

 

L’UTBM et la Haute École Arc se sont engagées ensemble dans cette voie prometteuse du design industriel. Par une convention de partenariat, les bachelors suisses peuvent poursuivre leurs études dans le département EDIM. Des échanges d’enseignants de part et d’autre de la filière tissent également des liens. Ils s’expriment au travers de projets de recherche et développement.

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Habiller la ville, s’y reconnaître

La Haute École Arc anime en effet également des structures de recherche. Associée à la filière ingénieur designer, l’unité de recherche EDANA — Ergonomie, design et anthropologie appliquée —rattachée à l’Institut d’horlogerie et création, a développé, avec l’aide d’ergonomes et de mécaniciens de l’UTBM, un projet de mobilier urbain pour la ville de la Chaux-de-Fonds. Identification de la ville, écologie, modularité : les maîtres-mots du projet se sont concrétisés dans une proposition originale, sous le nom de TOTEM. Qu’est-ce qu’un totem ? C’est un élément concret à portée symbolique. Objet de ralliement et signe de reconnaissance d’un groupe, il « signifie une relation à une puissance naturelle métaphorisée par des symboles (animaux, plantes…) ». C’est pourquoi le groupe de travail, constitué de chercheurs, associant systématiquement des usagers et utilisateurs du mobilier à créer, a pensé utiliser comme totem des éoliennes, s’inspirant de la configuration particulière de la Chaux-de-Fonds : orientée d’est en ouest pour que le vent élimine les miasmes.

 

Implantées en ville, ces éoliennes sont d’un type particulier : résistantes aux turbulences, elles produisent peu de bruit et sont sans danger pour les oiseaux. En contrepartie, elles produisent aussi peu d’électricité : 60 W. L’autre source d’énergie du mobilier provient de panneaux solaires. Pour alimenter quoi ? Des conteneurs destinés à accueillir des expositions, des bars, des restaurants et des terrasses. Ces conteneurs hautement modulables peuvent être vitrés, ou à parois pleines, ouverts, empilés… Une manière simple pour que chaque utilisateur puisse se les approprier, en même temps que, disposés aux quatre coins de la ville, ils en fondent l’image et l’identité. 

 

 

     Plan de la ville de la Chaux de Fonds (Suisse)    

 

 Projet Totem à la Chaux de Fonds (Suisse) : pavillon bar dans des conteneurs modulables

 

Projet Totem à la Chaux de Fonds (Suisse) : pavillon exposition dans des conteneurs modulables

Le projet Totem : implantation dans la ville de la Chaux-de-Fonds,

un pavillon bar, un pavillon exposition

  

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La créativité naît dans la place laissée par les contraintes

Le travail du CRIPS dans le domaine du design industriel revêt un tout autre caractère. S’intéressant à toutes sortes d’objets techniques usuels (une station météorologique domestique, des pipes, des poignées de portes, une gamme de matériel électrique, des cabines de piscine…), le centre de transfert, basé à Sevenans — et en passe de devenir une SARL — conçoit son métier comme un travail de synthèse, à partir duquel une créativité est possible. Loin du design à la Stark, ce sont les contraintes imposées par le client, par le système industriel, par les considérations environnementales qui forment une matrice dans laquelle la créativité se niche, émerge. La démarche est alors plus proche de celle de Georges Perec écrivant La vie mode d’emploi. Si elle rejoint celle des designers « traditionnels », c’est peut-être davantage dans ses buts : apporter un changement par une innovation et créer une émotion positive, un agrément chez les utilisateurs.

 

Pour les révéler, néanmoins, une approche rigoureuse est mise en œuvre. Après une phase d’émulation et d’analyse du problème posé, plusieurs propositions sont jetées sur l’ordinateur. Un premier filtre, formé par l’équipe du CRIPS, permet de sélectionner quelques projets. Sur cette base de 4 ou 5 réponses différentes, des micro-outils sont mobilisés pour tester la réception des produits par les acheteurs. Un dialogue permanent s’instaure entre la proposition et son acceptation sur le marché. Trois méthodes permettent d’explorer les réactions des utilisateurs — observées en individuel ou en groupe — sur différents plans.

 

Un des grands succès du CRIPS — pour lequel il a reçu le Janus 2005 de l’industrie —, une gamme complète d’équipements modulaires électriques (interrupteurs, disjoncteurs…) conçue pour le groupe Hager, est représentative de l’efficacité de la méthode CRIPS. En cherchant au bord de toutes les contraintes imposées, le CRIPS a créé des disjoncteurs et interrupteurs non pas révolutionnaires dans leurs formes, mais particulièrement pratiques et sûrs pour les installateurs, beaux et répondant aux envies des acheteurs.

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Espera Sbarro

 

Espera Sbarro, l’école des métiers de l’automobile du célèbre créateur Franco Sbarro, s’est installée dans le Pays de Montbéliard (Étupes – 25) en 2007, au cœur du pays de la production automobile. C’est d’ailleurs un partenariat avec le Pôle Véhicule du futur, qui se concrétise dans la création de la société d’économie mixte FUTURA, qui a permis ce déménagement. Les liens vont ainsi être facilités entre les entreprises du pôle, l’UTBM, les universités d’Alsace et de Franche-Comté et l’école Espera.

 

Car Franco Sbarro a beaucoup d’atouts à apporter sur le territoire. Designer indépendant depuis les années 70, ses talents s’expriment sur des pièces uniques ou des petites séries, mais toujours avec une originalité, une audace et une inventivité qui vont au-delà du simple design. Il a, par exemple, breveté des innovations techniques telles que le dual frame, une technique d’assemblage où carrosserie et châssis sont complètement indépendants ou bien, en 2003, la roue autonome motrice qui porte directement le moteur et ce qui va avec : un radiateur, les freins, la batterie et un réservoir de trois litres.

 

Alors que d’autres travaillent dans les limites des contraintes, Sbarro a l’air, lui, de les repousser. Cet esprit, il s’attache à le transmettre au sein de l’école qui accueille pour cette première année à Montbéliard, une quarantaine d’étudiants pendant un an. Quand on demande au designer la pédagogie qu’il prône, il répond passion, motivation et compréhension des liens dans une équipe. L’autre volet tient dans la mise en situation. Chaque génération d’élèves doit passer le baptême du feu : la présentation au salon de Genève au mois de mars d’un modèle fabriqué par eux dans l’atelier de l’école. Ils pourront ensuite être engagés chez les équipementiers et concepteurs de la région et pourront se faire ambassadeurs de la touche Sbarro.

 

 

 

Nemesis, l'une des voitures Espera Sbarro présentées au salon de Genève 2008 

 Nemesis, l'une des voitures Espera Sbarro présentées au salon de Genève 2008

 

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Amorcer une mutation industrielle

La synergie impulsée dans le territoire autour du design industriel, aidée par les collectivités et facilitée par des outils innovants et fédératifs tels que NUMERICA et la plate-forme VISIO-CONCEPT, est porteuse d’une volonté de mutation industrielle : qu’à terme, les entreprises de la région n’hésitent plus à concevoir de nouveaux produits, et pour cela trouvent facilement les aides et les compétences nécessaires pour intégrer elles-mêmes le design dans leurs nouvelles productions.

 

 

 

Contact : Hugues Baume

Université de technologie de Belfort – Montbéliard

Tél. (0033/0) 3 84 58 35 01

 

Erwin Van Handenhoven

CRIPS

Tél. (0033/0) 3 84 56 04 05

 

Nicolas Babey

Haute École Arc

Tél. (0041/0) 32 930 20 20

 

Gianni Fiorucci

Haute École Arc

Tél. (0041/0) 32 930 14 62

 

 

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