Université de Franche-Comté

Des dents de toutes les couleurs

Le supercontinuum est obtenu à partir d’une seule impulsion laser qui se propage à l’intérieur d’une fibre optique. Les peignes de fréquences sont une autre façon de créer une gamme spectrale étendue, cette fois à partir des impulsions très courtes et répétées d’un laser dit « à modes bloqués ».

Les différentes longueurs d’ondes obtenues se répartissent côte à côte et à équidistance les unes des autres, formant ainsi un véritable peigne, comptant lui des milliers de dents. Cette technologie, née voilà une quinzaine d’années, est un point fort des recherches menées à l’Institut de physique de l’université de Neuchâtel comme à l’Institut FEMTO-ST. À Besançon, Yanne Chembo travaille dans l’infrarouge proche à 1 550 nm, la longueur d’onde typique des télécommunications. Son idée est d’obtenir un peigne à partir d’un unique laser émettant continûment. Le principe ? Faire passer une fibre optique tout contre un résonateur en forme de disque, sans le toucher, ce que le chercheur appelle un « couplage évanescent ».

La fibre, préalablement chauffée, est étirée en cet endroit précis, passant de la taille d’un cheveu à un diamètre cent fois plus petit. Ce processus permet à la lumière de sortir de la fibre, un peu comme si celle-ci était poreuse, et d’entrer dans le disque résonant en suivant un angle rasant. Une fois piégés dans le résonateur, les photons obéissent au principe de la réflexion totale interne. Ils subissent les effets conjugués de la non linéarité optique et de la dispersion chromatique, créant des photons de couleurs différentes redistribués en sortie sous forme de peigne de fréquences. Ce système a fait l’objet d’expériences applicatives menées avec succès avec des scientifiques allemands spécialistes des télécommunications.

Les résultats sont spectaculaires, affichant un débit de 200 Gbit/s sur quatre-vingts kilomètres, soit l’équivalent de trois millions de conversations téléphoniques simultanées.

Cette recherche avait été encouragée en 2011 par un financement Starting Grant de l’ERC (European Research Council), complété cette année par un financement Proof of Concept pour valoriser le projet. « Pour que le système fonctionne bien, la température du résonateur doit être extrêmement contrôlée, et pour l’instant nous visons le 100e de degré Celsius », explique Yanne Chembo, qui relève ce défi avec l’entreprise bisontine CRYSTAL DEVICE. Une amélioration possible de la stabilité du système consiste par ailleurs à remplacer la fibre optique étirée par un prisme en verre. Mais s’il sait jouer le même rôle sans aucune usure dans le temps, le prisme n’a qu’un « rendement » de 70 à 80 % quand la fibre optique envoie 99 % de ses photons au résonateur. Un autre casse-tête scientifique à résoudre…

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