Université de Franche-Comté

Des cellules solaires au mètre

Près de 80 % des cellules solaires vendues sont fabriquées à partir de lingots de silicium purifié, achetés à bas prix aux entreprises de microélectronique (qui éliminent ainsi leurs déchets). Ces lingots sont ensuite coupés en tranches de quelques centaines de microns d’épaisseur (A œm environ) pour réaliser des cellules solaires en silicium monocristallin ou multicristallin (c-Si). Malheureusement cette source de matière première purifiée devient insuffisante face à la demande croissante de cellules solaires (41 % en 2001). Il est néanmoins possible de réaliser des cellules solaires avec une matière première (sous forme gazeuse) moins difficile à obtenir : le silane (SiH4). Les techniques, dans ce cas, sont variées.

•  La technique choisie par l’Institut de Microtechnique (IMT) de l’université de Neuchâtel est le PE CVD (Plasma Enhance Chemical Vapour Deposition). Elle consiste à créer un plasma en appliquant un champ électrique alternatif entre deux électrodes. Le substrat, où se dépose alors la cellule, est placé entre ces deux électrodes. Ce substrat est communément en verre. 10 % environ des cellules vendues sur le marché sont réalisées ainsi. Leur épaisseur est de l’ordre de 1 à 0.3 mm, soit cent à mille fois plus fines que les cellules en c-Si. Cette technique a le mérite d’être simple et bon marché. L’IMT a trouvé le moyen d’augmenter la vitesse de dépôt en imposant une tension à haute fréquence entre les électrodes (VHF : Very High Frequency). Il a également pu accroître le rendement de telles cellules solaires en combinant deux types de cellules en silicium ― le silicium amorphe et le silicium microcristallin ― pour former une cellule tandem nommée "micromorphe" (voir en direct n° 138 mars 2000). Ces deux inventions font l’objet de brevets.

•  Aujourd’hui l’IMT vise à réduire le prix de la cellule en déposant les cellules sur des substrats bon marché comme le PET (Polyéthylène Téréphtalate), qui présente, en outre, trois autres avantages : il est souple, léger et "incassable". Ces avantages sont importants pour l’intégration des cellules dans diverses applications, pour le transport mais aussi pour les applications spatiales : l’ESA (European Space Agency) est très intéressée par les cellules en couches minces sur substrat plastique qui améliorent le rapport puissance / poids, un critère crucial dans ce domaine. Un premier projet entre l’ESA et l’EPFL consistait à intégrer des cellules solaires sur PI dans une antenne pour satellite. L’ESA a également demandé une étude de faisabilité pour réaliser des panneaux solaires pour satellites intégrant des cellules solaires en couches minces : il s’agissait d’étudier la structure des panneaux en tenant compte des propriétés des cellules solaires en couches minces (l’IMT a collaboré avec la firme CONTRAVES dans le cadre de cette étude).

•  La vente au mètre de cellules solaires sur support plastique est un rêve qui a germé il y a déjà quelques années au sein de l’équipe du professeur Arvind Shah, ancien directeur de l’IMT. Diego Fischer, principal investigateur de ce type de cellules en Suisse, écrivait déjà dans sa thèse en 1994, qu’il fallait s’attacher à obtenir un rendement de cellule raisonnable (10 %), tout en réduisant leur coût ; il ajoutait "If substantial progress can be realised in these two fields, a new generation of cost effective amorphous silicon solar cells can make a break-through of photovoltaic power generation more likely to happen."

•  Grâce à l’enthousiasme et au savoir-faire des chercheurs de l’IMT, un pas important a été franchi puisque cette étude déboucha en 2000 sur la création d’une entreprise ― VHF TECHNOLOGIES ―, unique en Europe, qui fabrique des cellules solaires sur substrat plastique selon un procédé de fabrication "roll to roll" (dépôt continu de silicium en couches minces sur du PET se déroulant entre deux rouleaux). Cette entreprise, créée par Diego Fischer, Pedro Torres (également ancien thésard de l’équipe "photovoltaïque" de l’IMT) et Alexandre Closset, se situe au Locle dans les locaux de l’Ecole d’Ingénieurs du Canton de Neuchâtel (EICN). Cette école, l’IMT et VHF TECHNOLOGIES travaillent en étroite collaboration, le rôle de l’IMT étant d’étudier et d’optimiser les cellules solaires.

•  VHF TECHNOLOGIES utilise actuellement le PI, en travaillant activement au transfert de sa technologie afin de déposer ses cellules solaires sur substrat PET. L’IMT apporte son aide en étudiant la faisabilité d’un tel projet.

•  L’objectif en cette fin d’année 2002 est de réaliser une cellule solaire simple (non tandem), "industrialisable", déposée sur substrat PET, avec 7 % de rendement stabilisé (le rendement stabilisé actuel est d’environ 6,5 % à l’IMT, ce qu’aucun laboratoire n’a obtenu jusque là). Cet objectif constitue l’objet d’un mandat direct de VHF TECHNOLOGIES avec l’IMT.

•  L’objectif visé dans les deux ans à venir est d’obtenir un rendement de cellules solaires simples en silicium amorphe, supérieur à 8 % stables sur PET. Dans le cadre du programme prioritaire "Top Nano 21" de la Confédération suisse, l’effort sera porté sur le piégeage de la lumière : il est possible de piéger la lumière en utilisant des surfaces texturées aléatoirement ou en utilisant des réseaux. Un premier pré-projet a été réalisé avec succès en collaboration avec l’université Jean Monnet de Saint-Étienne (laboratoire TSI : Traitement du Signal et Instrumentation) et l’Institut Paul Scherrer à Villigen en Suisse. Ce type de projet demandant une collaboration avec l’industrie, la société VHF TECHNOLOGIES a été naturellement retenue. La Confédération suisse, par le biais de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et celui de la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI), apporte son aide à cette étude et permet également d’étudier les cellules solaires de plus hauts rendements (les cellules tandems micromorphes) sur les substrats souples. Les cellules micromorphes ont un rendement actuel de 11 à 12 % stables sur substrat de verre. Un effort particulier sera porté dès janvier 2003 sur la réalisation de ce type de cellules sur substrat plastique.

•  Les cellules solaires en couches minces de silicium amorphe ou microcristallin sur substrat plastique semblent donc avoir un bel avenir.

 

Jo353lle Guillet
Institut de Microtechnique
Université de Neuchâtel
Tél. 41 32 718 33 45
Fax 41 32 718 32 01
joelle.guillet@unine.ch

 

 

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