Université de Franche-Comté

De la Préhistoire à l’époque contemporaine… on a l’âge de ses dents !

Invisibles à l’œil nu, les stries que la croissance de l’émail forme en continu sur les dents indiquent l’âge de leur propriétaire de manière irréfutable. L’exploitation de ce phénomène biologique connu depuis de nombreuses années se heurtait à des difficultés de coût et de technique. La mise au point d’un instrument de mesure optique au laboratoire FEMTO-ST donne désormais aux spécialistes la possibilité d’accéder à une information capitale de manière simple, rapide et fiable, et trouve des applications dans différents domaines, de l’anthropologie à la médecine légale en passant par la sécurité.

 

 

Tels les cernes de croissance inscrivant l’âge d’un arbre sur son tronc, l’émail produit chaque jour par nos dents forme des stries à leur surface, selon une périodicité bien établie. Problème : sachant qu’une strie représente 2 à 5 μm de hauteur et 70 à 100 μm de période, ce qui correspond en moyenne à sept à dix jours de croissance, quel est l’âge du propriétaire d’une dent passée au microscope ?… Il ne reste plus qu’à compter les minuscules bandes ! Ce dénombrement s’est toujours révélé complexe, long et coûteux, quelles que soient la méthode expérimentée et les technologies utilisées au cours de ces dernières années.

 

Spécialiste des mesures 3D, avec un ordre de précision dans le relief de l’ordre du nanomètre, l’Institut FEMTO-ST est contacté en 2008 par le laboratoire d’anthropobiologie de l’université Paul Sabatier de Toulouse dans l’idée de mettre au point un nouveau procédé. Deux ans et une thèse plus tard, le pari est remporté. Doctorante à l’Institut, Imen Elhechmi présente un instrument optique inédit et révolutionnaire permettant d’effectuer une mesure fiable, rapide et, par là-même, peu coûteuse. Dix minutes suffisent pour établir le relevé topographique d’une dent, là où de nombreuses heures s’avéraient auparavant nécessaires ! Pour éprouver la fiabilité du prototype, des mesures sont effectuées à titre de comparaison sur des échantillons ayant déjà fait l’objet de datation, comme ces fossiles de dents d’australopithèques, provenant de musées d’Afrique du Sud, assurés à 600 000 € pour leur transfert en France !

 

 

 

Incisive centrale droite permanente mandibulaire de KB 5223, vestiges fossiles provenant du site de Kromdraai B (Afrique du Sud)

 

 

 

L’incisive centrale droite permanente mandibulaire de KB 5223, un vestige fossile provenant du site de Kromdraai B (Afrique du Sud), (1) vestibulaire, (2) distale, (3) linguale, (4) mésiale

 

 

 

Relevé topographique d'une dent par instrument optique

 

Positionnement de la source de lumière

 

 

 

Mesures des stries sur une dent d'un sujet de l'espèce Australopithecus africanus

 

Mesures des stries sur une dent d'un sujet de l'espèce Australopithecus africanus (Sts 52, Sterkfontein, South Africa)

 

 

Jeux d’ombres et de lumière

Le principe optique sur lequel se base l’instrumentation mise au point est celui de la détection de la composante spéculaire de la lumière. Il s’agit de jouer sur différents angles d’illumination et d’observation, grâce à une source de lumière et une caméra toutes deux mobiles, pour mieux faire apparaître les stries et en apprécier la texture. La surface de la dent réfléchit la lumière transmise et la caméra utilise les phénomènes d’ombre pour souligner les stries par contraste. Outre les indications d’âge, l’usure de la surface des dents peut également être mise en évidence grâce à un angle particulier donné à la source lumineuse. Carnivores ou végétariens ? Les traces d’usure témoignent des habitudes alimentaires des sujets étudiés. Toutes ces indications sont précieuses en anthropologie, pour l’étude des fossiles de dents datant de l’ère préhistorique.

 

La connaissance de la topographie d’une dent pourra aussi servir à compléter nos cartes d’identité modernes ! Comme une empreinte digitale, une dent présente des caractéristiques uniques, exclusives à un individu : l’étude des stries révèle par exemple des ruptures de croissance de l’émail, dues à un stress, une maladie…

 

La rapidité et la fiabilité de l’instrumentation permettront de dater un grand nombre d’échantillons à moindre coût, ouvrant des perspectives totalement inédites. Il sera ainsi envisageable de créer une « base de données dentaires », utile à la médecine légale comme aux services de sécurité d’un pays.

 

Bien des étapes auront à être franchies d’ici là. La première est la demande de dépôt d’un brevet réalisée par l’Institut FEMTO-ST pour l’invention de l’instrumentation optique d’Imen Elhechmi. La thèse de la jeune chercheuse a été coencadrée par les universités de Toulouse et de Franche-Comté, et financée par le consortium européen d’anthropologie EVAN.

 

 

Contact : Imen ElhechmiTijani Gharbi

Institut FEMTO-ST

Université de Franche-Comté / UTBM / ENSMM / CNRS

Tél. (0033/0) 6 07 44 26 18 / 3 81 66 64 61

 

 

José Braga

Laboratoire d’anthropobiologie

Université Paul Sabatier de Toulouse

 

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