Université de Franche-Comté

« Écrivains malgré tout ? »

Drôle, inventive, belle, ringarde, sophistiquée, donneuse de leçons… les adjectifs ne manquent pas pour qualifier les visages que la publicité donne à voir, elle qui s’impose sans vergogne dans notre quotidien. À bien y regarder, il est très facile de se laisser prendre au piège de sa personnification, et par là même de la considérer comme sujet. Au point qu’on en oublierait presque que derrière se cachent des hommes et des femmes bien réels qui la créent de toutes pièces.

Dans la pléthore de professions à l’origine de la création publicitaire, les rédacteurs-concepteurs ont particulièrement retenu l’attention de Nathalie Pelier dans cet ouvrage. En les tirant de l’anonymat dans lequel ils sont généralement plongés, c’est à eux qu’elle redonne une position de sujet, tout en reléguant du même coup la production publicitaire à sa juste place d’objet. La signification des termes mêmes de « concepteur » et de « rédacteur », jusqu’à celle du trait d’union liant les deux, est très complexe. Le décryptage du jargon professionnel, bien plus que les maigres documents d’archives disponibles, nourrit la connaissance de l’histoire et de l’évolution de leur métier sur 180 ans. La rencontre est intéressante et instructive, elle montre notamment que les concepteurs-rédacteurs présentent des traits de caractère en général bien différents de ceux de leur création.

Souvent pointée du doigt pour les valeurs qu’elle véhicule, du mercantilisme le plus affirmé à l’exploitation avilissante de l’image de la femme, la publicité est aussi extravagante et envahissante que ses concepteurs-rédacteurs se font discrets et consciencieux : c’est à mettre l’exercice de leur talent au service d’une forme d’expression que s’emploient le plus souvent ces spécialistes du verbe, obsédés par l’emploi du mot juste. Pour Nathalie Pelier, chercheuse en histoire sociale des professions, membre associée du laboratoire RECITS de l’UTBM, si l’on ne peut véritablement les considérer comme des écrivains au sens où on l’entend habituellement, au moins pourrait-on reconnaître qu’ils sont des « écrivains du commerce ».

Pelier N., Écrivains malgré tout ? Une histoire des rédacteurs de la publicité française du XIXe siècle à nos jours, Pôle éditorial de l’UTBM, novembre 2015.

 

retour