Université de Franche-Comté

Courbet et les philosophes

Deux cents ans après sa naissance à Ornans, Courbet suscite toujours l’intérêt des chercheurs. Moins attendue que d’autres disciplines, la philosophie trouve aussi matière à réflexion dans la vie et l’œuvre du maître du réalisme en peinture.

L’Atelier du peintre (1854-1855)

Longtemps incompris et critiqué, haï par certains de ses contemporains autant qu’admiré et soutenu par d’autres, Courbet (1819-1877) a toujours revendiqué sa liberté. Son œuvre bouscule les canons artistiques jusqu’au scandale, son engagement politique le condamne à l’exil et à la ruine. Les philosophes proposent de lui différentes lectures. Les chercheurs du laboratoire Logiques de l’agir de l’université de Franche-Comté ont ainsi partagé leurs réflexions lors du colloque Courbet autrement 1, organisé fin juin à Besançon pour rendre hommage à l’artiste comtois, à l’occasion du 200e anniversaire de sa naissance.

Courbet était en lien avec nombre de ses contemporains, illustres ou restés dans l’oubli. Engagés dans l’art, la politique ou encore la littérature, tous ont joué un rôle de premier plan dans l’histoire de leur siècle ; leurs pensées et leurs actions sont mises en relation avec celles du peintre. Spécialiste de Charles Fourier, le philosophe Louis Ucciani établit ainsi un rapport entre la pensée du socialiste et la peinture de Courbet pour nourrir le concept d’esthétique, un champ disciplinaire de la philosophie s’intéressant particulièrement à la fonction de l’art dans la société. Louis Ucciani étudie notamment comment l’image, qu’elle soit peinture, photographie ou autre interprétation iconographique, représente le réel au point parfois de se substituer à lui. L’Atelier du peintre, mêlant gens du peuple, puissants et artistes sur une même toile, lui semble illustrer la pensée de l’inventeur du phalanstère. De même L’Origine du monde fait-il peut-être écho au « nouveau monde amoureux » décrit par Fourier.

Autoportrait à Sainte-Pélagie (1872)

Spécialiste de Proudhon, Edward Castelton s’intéresse pour sa part au « cénacle franc-comtois », composé d’amis et de connaissances de Courbet, qui comme lui et comme il était d’usage au XIXe siècle, gagnèrent Paris en espérant y trouver la reconnaissance. Les manuscrits et les échanges de courriers retrouvés dans les archives de la Bibliothèque nationale confirment une sensibilité politique à gauche, partagée notamment avec le poète Max Buchon, ami d’enfance de Courbet, ou encore l’avocat Gustave Chaudey, dont il était également très proche. Mais la réalité n’est pas simple, et les recherches montrent les clivages et les dissensions que l’histoire a gommés. Étudier la pensée de Courbet et des personnalités de l’époque amène à mieux cerner la vision politique de ces Francs-Comtois, notamment lors de la Commune de Paris au printemps 1871, marquée par l’exécution de Gustave Chaudey. « On a souvent considéré les artistes du côté de la révolte parisienne, en réalité il existait une pluralité de vues sur ces évènements. »

Ces deux axes, l’un orienté vers l’esthétique, l’autre vers la politique, sont des exemples montrant comment Courbet peut inspirer la réflexion philosophique, en même temps qu’ils mettent en perspective une époque et les idées circulant alors.

1 Organisé par le musée départemental Gustave Courbet, en collaboration avec le laboratoire Logiques de l’agir (UFC) et la ville d’Ornans, du 27 au 29 juin 2019.
Contact(s) :
Laboratoire Logiques de l’agir
UFC
Louis Ucciani / Edward Castelton
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