Déterminer la responsabilité des firmes industrielles dans la survenue de catastrophes environnementales n’est pas chose aisée, pas plus que leur faire payer l’addition. Des recherches menées en économie aident à élaborer des instruments politiques adaptés, visant en premier lieu à limiter les risques.
Économiste de l’environnement, Yolande Hiriart consacre ses travaux à ce thème depuis une dizaine d’années. Enseignant-chercheur au CRESE — Centre de recherche sur les stratégies économiques — à l’université de Franche-Comté depuis deux ans, elle vient d’être nommée membre de l’Institut universitaire de France.
Marées noires sur les côtes, naufrages de stations pétrolières, accidents d’usines… S’ajoutant aux pollutions quotidiennes générées par l’activité humaine, de nombreux accidents provoquent des désastres environnementaux majeurs. Afin de mieux gérer ce risque, qu’il s’agisse de le prévenir ou d’exiger réparation quand malheureusement il est trop tard, les recherches en économie aident à élaborer les meilleurs instruments politiques possible.
« Le régulateur comme le juge ne disposent en général pas de l’ensemble des informations pertinentes pour établir la responsabilité des firmes impliquées, qui ont tout intérêt à dissimuler certaines données » pose d’emblée Yolande Hiriart, économiste de l’environnement au CRESE. Pour contourner cet écueil et permettre aux autorités d’élaborer des politiques en meilleure connaissance de cause, les économistes conçoivent des mécanismes qui tiennent compte de la manière de faire des entreprises, de leur façon d’opérer des choix budgétaires en matière de prévention et de gestion des risques de pollution.
En France comme dans d’autres pays d’Europe, les politiques environnementales reposent encore largement sur la régulation traditionnelle, et la responsabilité dans le domaine est plutôt inopérante en cas d’accident. Les pouvoirs publics se substituent alors aux firmes pour régler la note de la pollution. La directive européenne de 2004 1 pose les premiers jalons d’un régime de responsabilité dit avec faute, voulant sanctionner un pollueur dont la négligence est avérée. Le régime de responsabilité stricte ne tient pas compte de la notion de faute. Tel qu’il est appliqué aux États-Unis, il s’étend de plus aux partenaires de l’entreprise incriminée et engage financièrement ses filiales, banquiers, fournisseurs, voire ses clients.
Les travaux de Yolande Hiriart portent sur l’articulation entre les instruments de régulation préventifs et les régimes de responsabilité à activer en cas de survenue d’un accident, et comparent l’efficacité des systèmes mis en place d’un pays à un autre. Plusieurs années de recherches amènent aujourd’hui à éprouver les théories grâce à des tests empiriques. Des premières expériences ont été menées à l’Institut Max Planck de Iéna, un important centre d’expérimentation économique, à l’apport technologique essentiel. Dans une mise en scène artificielle mais proche d’une certaine réalité puisqu’elle met en jeu de véritables sommes d’argent, des étudiants prennent le rôle de dirigeants d’entreprises à qui l’on demande de faire des choix en fonction d’un budget et d’événements survenant au cours de différents scénarios. « Les expériences sont élaborées de manière décontextualisée, pour ne pas introduire de biais risquant de fausser l’interprétation des résultats. »
Si les premières pistes indiquent que l’existence d’un régime de responsabilité, quel qu’il soit, amène à davantage de prévention, il faudra encore de nombreux tests pour donner corps à la recherche théorique. La nomination de Yolande Hiriart à l’Institut universitaire de France au titre de membre junior, pour cinq ans, arrive à point nommé et lui donne les moyens de poursuivre efficacement des travaux prometteurs en matière de régulation des risques environnementaux.
1 Directive du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux.
