Université de Franche-Comté

Capteur moléculaire à base de nanotubes de carbone


Depuis leur découverte en 1991 par Sumio Iijima, les nanotubes de carbone sont à la base de nombreux espoirs pour l'amélioration ou la fabrication de nouveaux outils dans le domaine des nanosciences. Ces nanotubes, dont le diamètre varie entre 2,2 et 30 nanomètres et dont la longueur peut excéder le micromètre, peuvent aussi bien servir de source d'électrons (grâce à leur propriété d'émission de champ importante), de pointe AFM, de nanopipette, de muscles artificiels ou de filtre et/ou capteur moléculaires, domaine en plein essor actuellement dans le cadre des problèmes liés à l'environnement.
• En effet, la présence de molécules nocives, même en quantité infime, doit pouvoir être détectée. Comment, dès lors, repérer des substances gazeuses dans un environnement atmosphérique non confiné ? Comment, de surcroît, discriminer ces molécules ? Depuis 3 ans, une équipe du LPM − laboratoire de Physique moléculaire − de l'université de Franche-Comté s'est penchée sur l'élaboration de capteurs de gaz ultrasensibles et sélectifs. Les pistes envisagées ont d'abord consisté à utiliser les nanotubes de carbone alignés comme filtre moléculaire, par l'intermédiaire du contrôle des propriétés d'adsorption et de diffusion des molécules, afin d'apporter une meilleure sélectivité à des capteurs par ailleurs très sensibles. Les molécules peuvent diffuser plus ou moins librement dans ces structures tubulaires et le contrôle des diamètres interne et externe des tubes permet, dans un premier temps, de filtrer les molécules de faible taille.
Une piste intéressante serait de filtrer les petites molécules, notamment polaires, grâce au  tamis Ÿ moléculaire constitué de nanotubes. La question est de savoir comment disposer ces derniers pour optimiser la détection. Les premières simulations montrent que le processus de filtrage sera beaucoup plus efficace si l'on fait croître des tubes perpendiculairement au support sensible, de manière à exposer le gaz aux nanotubes. En effet, les molécules vont d'abord s'adsorber sur le fagot de tubes, puis diffuser de manières différentes selon les types de sites rencontrés. Le contrôle de l'adsorption et de la diffusion est directement relié aux caractéristiques des nanotubes et aux propriétés intrinsèques des molécules : sur les tubes mono-paroi, les molécules polaires s'adsorbent préférentiellement aux gaz rares ou aux molécules apolaires et ceci de façon différente suivant leur rayon.

Le cas des tubes multi-parois enrichit cette situation puisqu'ils présentent des diamètres intérieur et extérieur différents des tubes mono-paroi, et font apparaître l'existence de canaux interstitiels connus pour être des sites d'adsorption supplémentaires. Par conséquent, un tel système présente toutes les caractéristiques d'un filtre moléculaire puisque chaque espèce aura une vitesse de diffusion propre liée à son interaction avec les nanotubes, ce qui permettra de séparer dans le temps des molécules d'un mélange gazeux à l'instar d'un chromatographe.
• L'utilisation des nanotubes de carbone directement comme élément sensible à la détection a ensuite été explorée. Le principe fondamental de détection d'espèces moléculaires est le changement d'une propriété électrique du matériau sensible lors de son exposition au gaz. Or, pour les nanotubes, des changements de résistance, de travail de sortie ou encore de permittivité ont été observés lors de l'adsorption de molécules comme NO2 ou NH3. Ainsi, un groupe de Clemson University (USA) a déjà développé un capteur qui utilise les variations de fréquence et d'amplitude de résonance électromagnétique d'une pastille de cuivre recouverte de nanotubes. Cette méthode a d'ores et déjà permis de détecter des concentrations moléculaires de l'ordre de la centaine de ppb (parts per billion)*.
L'équipe de Besançon a modélisé ce détecteur à l'aide d'un nanotube simple sur lequel des molécules s'adsorbent. Le rapport des permittivités du système en présence ou en l'absence de molécules adsorbées est directement lié aux fréquences de résonance mesurées par le groupe. La confrontation des expériences et des simulations révèle un accord remarquable. Une loi phénoménologique a été dégagée, reliant les variations de fréquences de résonance aux caractéristiques des tubes. Ce nouveau capteur est donc prometteur puisqu'il permet d'obtenir un signal de présence de molécules jusqu'à une concentration de l'ordre du ppm. Cependant, il se heurte au même problème de sélectivité que les capteurs actuels car sa réponse ne sera une fonction que du mélange gazeux en présence et non de la molécule toxique présente en supplément dans le mélange. Des pistes restent donc à explorer pour résoudre ce problème de sélectivité.

* En effet, la fréquence propre du résonateur est proportionnelle à la racine carrée de l'inverse de la permittivité relative de la couche de nanotubes déposée sur le capteur.

 

Fabien Picaud
Laboratoire de Physique moléculaire
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 62 84
fabien.picaud@univ-fcomte.fr

 

 

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