C’est pour pallier ce problème, directement lié à la façon dont sont conçus nos ordinateurs, que les spécialistes en optique travaillent depuis plusieurs années à la génération d’un nouveau type d’ordinateurs, dans lesquels les électrons seraient remplacés par des photons, l’électronique passant le relais à l’optique. « Les ordinateurs sont conçus pour résoudre des problèmes logiques et exécuter des calculs arithmétiques, mais ils ne sont pas pensés pour faire interagir différents éléments de résolution et explorer des pistes créatives à la manière d’un cerveau humain », expliquent Maxime Jacquot et Daniel Brunner, qui tous deux dirigent ce projet de recherche à l’Institut FEMTO-ST.
L’idée est de construire un ordinateur dont l’architecture correspond à celle des réseaux de neurones, c’est-à-dire capable d’assurer un traitement de l’information en cascade. Les chercheurs travaillent à la mise au point de systèmes macro avant de passer à des systèmes miniaturisés, qu’il sera possible d’intégrer sur puce électronique. « La démarche est plus longue, mais elle est aussi plus viable. » Les chercheurs de FEMTO-ST sont ainsi les premiers au monde à avoir réussi à assembler un système optique global présentant l’architecture voulue. L’objectif à terme est d’atteindre 1 milliard de prédictions, contre 200 000 actuellement, avec une consommation d’énergie équivalente. De tels systèmes devraient permettre le développement de l’IA dans des dispositifs de haute technologie, par exemple pour la détection d’informations sans caméra ni capteur, ou la correction des dérives d’un microrobot.
Un démonstrateur physique de Reservoir Computing, qui est l’un des premiers essais de calculateur à réseaux de neurones optique, avait déjà été réalisé il y a 5 ans par les chercheurs de FEMTO-ST, en collaboration avec des équipes académiques d’Espagne, d’Allemagne, de Belgique, de France, dans le projet européen PHOCUS, piloté par l’université des îles Baléares. Le calculateur s’était alors montré capable d’identifier plus d’1 million de mots à la seconde : surpassant largement les capacités des ordinateurs traditionnels, ce Reservoir Computing photonique détient toujours le record du système physique à la capacité de calcul la plus puissante et la plus rapide au monde.
D’autres structures universitaires travaillent sur des projets d’ordinateurs optiques réalisés à partir de quelques dizaines de neurones artificiels, comme à Harvard, Princeton ou UCLA, mais les calculateurs photoniques, qui permettent de mettre en relation plusieurs centaines de milliers de neurones, restent un domaine exploratoire typiquement européen.