Université de Franche-Comté

Alimentation : le sens de l’équilibre

Elle influe sur la santé autant qu’elle révèle les identités culturelles, elle est tributaire des ressources qu’offre la planète et du travail des hommes : de l’environnement jusqu’à nos assiettes, l’alimentation est une affaire d’équilibre…

 

Faire le choix de nouvelles pratiques alimentaires

Pourquoi et comment choisit-on d’adopter de nouvelles pratiques alimentaires ? Et quel rôle le contexte social joue-t-il dans ces choix ? Pour préparer la thèse en psychologie socioculturelle qu’elle a soutenue à l’UniNE, Fabienne Gfeller a étudié, pendant cinq ans, les trajectoires de dix adultes ayant opté pour de nouveaux comportements, entre régimes végétarien, végan et omnivore. Si l’environnement et la santé sont des préoccupations sous-jacentes pour tous les participants à l’étude, on retrouve la santé aux côtés de la question de l’éthique animale comme raisons décisives pour passer d’un régime omnivore à un régime végétarien.

Ces deux motivations sont également des déclencheurs pour aller plus loin et adopter une pratique végane, à entendre ici comme un synonyme de végétalien, c’est-à-dire excluant tout aliment d’origine animale. La notion de plaisir, qu’il soit apporté par la nourriture elle-même ou par la prise de repas en commun, est une dimension également importante, souvent évoquée. Fabienne Gfeller souligne le fait que « l’alimentation est liée à des phénomènes sociaux comme la politesse ou la loyauté familiale, ce qui crée souvent des situations de tension ».

Photo Anna Pelzer – Unsplash

Sept personnes sur dix témoignent d’un malaise pour assumer et défendre leurs choix. « L’un des participants à l’étude est pour cette raison revenu à un régime omnivore, après plusieurs années de végétarisme. Entre devoir justifier ses choix auprès d’un entourage peu sensible à la question ou à l’inverse auprès d’un cercle d’amis strictement vegans, la pression devenait trop forte. » Cette difficulté se ressent parfois aussi à titre individuel : les végétariens sont tiraillés entre le choix qu’ils ont adopté, sa mise en pratique et un idéal moral ambitieux, s’inquiétant d’être suffisamment cohérents dans leur démarche ou d’en faire assez.

De manière globale, cette recherche montre que les conceptions, les ressentis et l’engagement sont différents d’un individu à l’autre. Modifier son comportement alimentaire parce qu’on refuse la mort d’animaux pour se nourrir ne procède pas des mêmes motivations que si on s’élève contre certaines pratiques de l’élevage industriel. Dans la pratique, un végétarien fera plus volontiers des exceptions à la règle dans le second cas, dès lors qu’il a la certitude de consommer de la viande d’un animal élevé dans de bonnes conditions.

De la même façon, les individus motivés par des questions de santé s’autorisent plus facilement quelques entorses, estimant que leur organisme peut s’en accommoder. « Dans tous les cas, le discours qui domine est celui de la liberté individuelle. Même si elle est ressentie comme un enjeu important, la question de la responsabilité collective est en retrait. La question du lien entre le fait d’adopter, à titre individuel, un comportement qu’on juge responsable et une possible influence sur des questions de société aussi vastes que celle, par exemple, de la maltraitance animale, est rarement abordée explicitement ».

La thèse de Fabienne Gfeller bat en brèche les stéréotypes souvent attachés à la pratique d’une alimentation végétarienne. Étudiant, imprimeur, femme au foyer, dentiste, ouvrier du bâtiment, artiste…, le groupe concerne des profils sociaux très divers et compte presque autant d’hommes que de femmes ; âgés de 25 à 65 ans, ils n’ont pour la plupart pas un profil de militant et ne passent pas tous beaucoup de temps en cuisine.

Contact(s) :
Université de Neuchâtel
Institut de psychologie et éducation
Fabienne Gfeller
Tél. +41 (0)32 718 18 86
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